"Pentagone français" : Bouygues réclame 9 millions au Canard

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"Du jamais-vu dans l'histoire du Canard." Le groupe Bouygues a porté plainte pour diffamation contre l'hebdomadaire et réclame la somme record de 9 millions d'euros. Motif de cette assignation ? Le Canard a révélé début décembre que deux juges d'instruction enquêtaient sur des faits de corruption dans le cadre de l'attribution du marché de construction du futur ministère de la Défense. Des accusations démenties par Bouygues.

Tout commence le 7 décembre quand Le Canard enchaîné révèle qu'une information judiciaire a été ouverte en février 2011 pour "corruption active et passive", "trafic d'influence" et "atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics" dans le cadre de l'attribution au groupe Bouygues du chantier du futur "Pentagone français". Le chantier est évalué à 3,5 milliards d'euros.

Selon l'hebdomadaire, un haut responsable du ministère de la Défense est soupçonné d'avoir transmis par avance le cahier des charges à un représentant du groupe Bouygues, qui aurait disposé ainsi d'un avantage décisif sur ses concurrents.

Suite à la publication de cet article du Canard, Martin Bouygues a vivement réagi dans une interview aux Echos, en affirmant que "ces insinuations sont mensongères et fausses". "Nos avocats ont demandé au procureur si Bouygues était impliqué, la réponse est non. Nous avons mené une enquête interne qui n'a rien donné non plus. Il n'y a rien dans ce dossier qui concerne notre groupe", avait-il ajouté. Mais au lendemain de cette interview, le parquet avait démenti avoir informé le groupe Bouygues que le dossier était vide. "Le Code de procédure pénale autorise le procureur à rendre publics des éléments tirés d'une procédure. Mais en l'occurrence, il a apprécié ici qu'il n'était pas opportun de révéler des éléments et qu'il fallait laisser agir les juges d'instruction", avait déclaré un responsable du parquet à l'AFP.

C'est dans ce contexte que Bouygues a porté plainte en diffamation et assigné "en urgence" Le Canard devant le tribunal de Paris en réclamant une somme record d'après l'hebdomadaire : 9 millions d'euros. Pour justifier la demande d'une telle somme, Bouygues a fait valoir dans l'assignation que "les informations diffusées par Le Canard enchaîné créent un contexte défavorable" pour le groupe au moment où celui-ci tente de décrocher de nombreux "marchés public d'envergure", comme celui du nouveau Palais de justice de Paris, du canal Seine-Nord Europe ou encore de l'aéroport de Zagreb.

Face à la demande d'une telle somme, Le Canard, qui maintient l'information selon laquelle le groupe est visé par une enquête judiciaire pour corruption, préfère ironiser : Bouygues "doit confondre procès en diffamation et appel d'offres international". Et l'hebdomadaire d'en remettre une couche en page 3 cette semaine : après avoir fait l'inventaire des amendes infligées au groupe et à ses filiales pour des appels d'offre trafiqués ("10 sanctions en dix ans et près de 150 million de pénalités", Le Canard a recensé "6 condamnations prononcées contre des collaborateurs du bétonneur ou contre ses propres sociétés" pour des faits de corruption, de favoritisme ou de trafic d'influence.

Suite du bras de fer le 18 janvier, lors de l'audience au tribunal de Paris.

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