Sarkozy et Google : un "Fouquet's du numérique" ?

Gilles Klein - - 0 commentaires

La présence de Nicolas Sarkozy à l'inauguration du siège "Europe du Sud, Europe de l'Est, Moyen-Orient et Afrique" de Google à Paris semble marquer une amélioration des relations entre la France et l'entreprise. Si les médias traditionnels sont relativement discrets, de nombreux sites de presse et blogueurs commentent l'événement. Revue de web.

Le site de l'Elysée met en vedette aujourd'hui sur sa home page la visite de Sarkozy chez Google.

"Cocasse, la situation n'en était pas moins symbolique, assure Le Figaro. Avec son nouveau siège français, Google s’efforce, en effet, de faire amende honorable vis-à-vis des autorités françaises. Le groupe Internet se sait dans le collimateur depuis que Nicolas Sarkozy a évoqué, en janvier 2010, l’idée de taxer les entreprises qui génèrent du chiffre d’affaires en France tout en étant domiciliés fiscalement en Irlande ou au Luxembourg. "Près de deux ans plus tard, les relations se sont considérablement améliorées, comme l’a rappelé à maintes reprises le président de la République hier."


Libération consacre deux pages à l'événement, dont les trois-quarts sont consacrées à une interview d'Eric Schmidt, patron exécutif de Google. Il "montre patte blanche en promettant investissements et emplois", comme l'indique le quotidien. Mais aussi en rendant hommage au président : "Je l’aime bien. Il est drôle, il a de l’esprit, il parle beaucoup et il sourit toujours aux femmes, c’est très français. Mais il a surtout le souci de permettre à la France de rester compétitive dans le nouveau monde globalisé. Je pense qu’il a raison."

Concernant une éventuelle taxation de Google en France, Schmidt réagit ainsi : "Si les Français veulent faire participer l’Internet au financement de la culture, je n’ai pas de problèmes avec ça. Je ne suis pas un voleur, je me conforme à la loi. (...) C’est sûr, je préfère créer des emplois que de payer plus de taxes. "

Le deuxième article de la double page évoque l'attitude de Sarkozy lors de l'inauguration du nouveau centre français de Google "«C’est du lourd, dit-il aux salariés du géant de l’Internet, en tant que président français, je viens chez Google. (…) Parce que j’aime la vitalité américaine…» (...) Nicolas Sarkozy a évité de reparler de taxe Google, dont il était pourtant encore question au récent forum d’Avignon. Il a même avoué s’être «trompé» quand il a parlé de «régulation» de l’Internet : «J’ai pris le risque de crisper un univers qui est sur le partage et sur la liberté.» Il a même défendu la création d’un Conseil national du numérique, voire d’un «Conseil du numérique européen» ,puis d’un «Conseil du numérique mondial (…) où l’ensemble des professionnels du Web discuteraient avec l’ensemble des gouvernements des quelques règles nécessaires.»"

Le président a-t-il changé de stratégie vis-à-vis des acteurs du numérique ? "Après un début de quinquennat quasi-nul sur les questions numériques, Nicolas Sarkozy a décidé d’investir le champs d’Internet, constate le site Slate.fr. Entre communication et véritable conscience des enjeux à la veille de l'élection présidentielle." Le site s'interroge : "Alors après le «mulot» de Jacques Chirac et les SMS du président version 2007, verra-t-on un Sarko 2012 upgradé ?"

Pour Europe 1,le tournant est net : "La «liberté», le «partage», «la transparence» et un immense «progrès pour la démocratie». Mardi, Nicolas Sarkozy avait choisi ses mots pour parler du numérique. Inaugurant le Googleplex, le siège parisien du géant Google, le président a caressé le monde du web dans le sens du poil, prenant soin de préciser qu’Internet «a amené pour le citoyen une transparence, face à laquelle, il ne sert à rien de résister».

Un petit exercice qui en rappelle un autre : la séance de questions-réponses en direct du siège de Facebook de Barack Obama, en avril dernier, quelques jours après avoir officialisé sa candidature à la présidentielle américaine.

Sans même aller chercher jusqu’aux Etats-Unis, on peut - pour montrer à quel point draguer le secteur digital est devenu un poncif à l’approche d’une élection - rappeler l’opération séduction lancée par Martine Aubry en juin dernier sur le numérique."

"Entre Google et Sarkozy, c'est le grand amour", ironise le site du magazine Challenges,en précisant : "L'inauguration du nouveau siège français de Google a permis au chef de l'Etat de réaliser une belle opération de communication. De son côté, le groupe américain a conforté ses liens avec la France à l'heure où Bruxelles lui met des bâtons dans les roues. En pleine tempête financière, l’inauguration du nouveau siège français de Google est une opération "win win" pour Nicolas Sarkozy."

D'autres observateurs comparent cette nouvelle stratégie, sans doute électorale, aux efforts et à l'organisation, encore en chantier, des socialistes.

"La machine de guerre Sarkozy est en marche. Mais si, face à elle, l'équipe de Hollande peine à s'organiser, il lui manquera toujours les fondamentaux" estime ainsi, sur L'Express.fr, Frédéric Martel, journaliste (notamment producteur de l'émission Soft power sur France Culture) et proche de Martine Aubry. Il évoque les relations entre Sarkozy et Loïc Le Meur, organisateur de la conférence annuelle Le Web, qui a lieu cette semaine : "Nicolas Sarkozy invitera les 300 personnalités les plus prestigieuses du Web à l'Élysée pour une réception exceptionnelle. La manifestation se poursuivra jeudi et vendredi, Loïc Le Meur ayant finalement consenti à organiser «Le Web» à Paris, sous la pression de Nicolas Sarkozy qui en «avait besoin pour la présidentielle» et non pas à Londres, comme ce fut un moment imaginé."

Mais sous couvert de critiquer Sarkozy, Martel attaque aussi François Hollande : "Face à la machine sarkozyste, le candidat François Hollande peine à exister. (...) Face au professionnalisme du président de la République qui utilise à plein régime les moyens de l'État, la PME Hollande se met péniblement en branle. "Il y a pire. Hollande a construit une équipe faite de bric et de broc. Les batailles de territoire sont déjà homériques. Les sujets qui fâchent (dont Hadopi) ne sont pas tranchés."

Cette analyse n'a pas plu du tout au blogueur Juan, de Sarkofrance, qui s'agace : "Pour qui travaille Frédéric Martel ?"

Sur son blog, Olivier Ezraty, consultant (et ex responsable marketing Microsoft France) peste contre l'initiative présidentielle: "Le plus mauvais dans les symboles reste le président de la République. N’est-il pas étonnant d’apprendre que le 6 décembre 2011, il devrait inaugurer les nouveaux bureaux de Google rue de Londres à Paris, à deux pas des précédents, et en présence d’Eric Schmidt, venu aussi intervenir à LeWeb 2011? Tout cela parce que ce nouveau Googleplex va accueillir quelques dizaines de chercheurs en plus des équipes de la filiale française du géant de l’Internet. Alors qu’il n’est (quasiment ?) jamais allé visiter d’incubateurs, de startups ou d’entreprises innovantes du numérique français ? C’est un beau Fouquet’s du Numérique qui se prépare ! Bon sang de bonsoir ! Pourquoi personne ne se rend-il compte de ce genre de bourde ? Et là, on ne pourra pas dire comme en 2007 que c’est dû à l’influence de Cécilia !"

Sur Twitter Vincent Glad signale, lui, une photo amusante mise en ligne sur le site de l'Elysée "Clash Sarkozy-Mitterrand: quand l'un joue au Lego, l'autre se fait chier"

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