Match raconte les dernières heures de Kadhafi
Gilles Klein - - 0 commentairesAprès le New York Times qui avait mis son récit à la Une le 23 octobre, Paris Match raconte, lui aussi, les dernières heures de Kadhafi en détail. Les deux journaux s'appuient sur le témoignage du bras droit de l'ex-leader libyen, Mansour Daw (orthographié Dhao par le quotidien américain), actuellement détenu à Misrata par le nouveau pouvoir libyen.
Les dernières semaines de Mouammar Kadhafi ont été celles d'un fugitif, terré dans une maison de sa ville natale de Syrte, entouré de quelques centaines, puis de quelques dizaines d'hommes. Les derniers jours, il attendait la mort, résigné. C'est le récit de ses longues journées, et des dernière heures du dictateur, que livre Paris Match dans sa dernière édition.
Sur certains détails, sa version diffère de celle du New York Times. Match dit, par exemple, que Kadhafi et sa petite troupe de fidèles avaient un téléphone satellite mais qu'ils ne l'utilisaient pas, par peur d'être repérés par les services d'écoutes américains. Le New York Times assure au contraire que Mansour Daw téléphonait, et que Kadafi utilisait aussi régulièrement l'appareil, tout en mentionnant que l'électricité était très rare.
Kadhafi a fui Tripoli en catastrophe fin août avec sa garde rapprochée. A Syrte, il vivait loin des fastes de ses palais : "Dans la dernière maison, ils ne sont plus que douze autour de leur Guide, raconte Paris Match. Quand le cuisinier est blessé par une roquette, ils se mettent à la popote à tour de rôle : rations de riz, macaronis. Rapidement, la nourriture vient à manquer. «El Kadhafi restait le maître, mais dans la maison nous étions tous égaux », explique Mansour, racontant comment le groupe finit par ne se partager que du pain coupé d’eau sucrée. « Le Guide lisait le Coran et ne parlait presque plus.»"
“C’est Muammar, c’est Muammar !”
Le jour de sa mort, le 20 octobre, Kadhafi a tenté de s'échapper dans un convoi d'une quarantaine de voitures. Le départ du convoi, prévu à 3 heures du matin, a été retardé jusqu'à 8 heures, à cause de la désorganisation. "«La voiture où je suis monté avec El Kadhafi était vers l’arrière du convoi. Le Toyota Land Cruiser n’avait rien de particulier, à part un léger blindage», explique Mansour Daw, bras droit du dictateur et l’un des seuls survivants de l’expédition. Sans presque ouvrir le feu, la colonne parvient à sortir du centre-ville. Mais si les premières lignes rebelles, épuisées par des semaines de combat, ne voient rien passer, un drone américain repère la troupe qui tente de filer", raconte Match.
"Dans la banlieue de Syrte, le drone Predator tire un missile en travers de la route, frappant trois des voitures. L’Otan ne sait pas qu’il s’agit du convoi de Kadhafi et le missile rate sa voiture. Mais le souffle enclenche les airbags, et Mansour Daw est touché."
"Presque hors de Syrte, dans la banlieue de Mazrat Zafaran, à 5 kilomètres du centre-ville, ils tombent sur la position de la Khatibat Nimr, la «brigade du tigre»", composée d'ex-rebelles de Misrata, qui "cloue la caravane sous un déluge de feu". (...) Les jets français de l’Otan interviennent. «Ils ont largué deux bombes au milieu de notre troupe. Ça a fait un carnage», se souvient Mansour Daw."
"Blessé à la tête lors de l’explosion, Kadhafi saigne abondamment. Il tient debout mais ne peut plus courir. Son fils Moatassem et les derniers hommes valides l’abandonnent pour fuir à pied, talonnés par les rebelles de la «brigade du tigre». Mansour Daw reste avec son maître." Il se dirigent alors vers les fameux tunnels, où les rebelles les débusqueront finalement: "«J’ai vu qu’il y avait quelqu’un qui ne tirait pas dans le tunnel de gauche, alors j’y suis allé», explique Omrane Shaabane, un étudiant en électricité de 21 ans. Le jeune homme s’enfonce dans le tunnel. «On l’a entendu crier : “C’est Muammar, c’est Muammar !” Je n’y croyais pas», raconte Ahmed Ghazal, le vendeur de kebabs de 21 ans qui gardait l’entrée."
Sur les conditions de la mort du dictateur, les combattants restent très flous. En sortant du tunnel, il était blessé à la tête, mais pas mortellement touché."Mohamed Lahwek, qu’on voit sur nombre de vidéos essayant de protéger Kadhafi contre la foule enragée, déclare qu’il était encore semi-conscient quand il l’a pris dans son pick-up. Ni lui ni ses hommes ne veulent expliquer les deux balles qu’il a reçues dans le poumon droit. Le regard un peu fuyant, ils affirment ne pas se souvenir des coups de poing et de pied qu’on voit pleuvoir sur Kadhafi dans une des vidéos qui circulent sous le manteau dans Misrata. Ni des mains arrachant des touffes de cheveux de la tête ensanglantée du dictateur à genoux, vomissant de gros caillots de sang. Ni d’un jeune rebelle qui affirme, dans une autre vidéo, avoir tiré à bout portant sur le prisonnier."