Taxer les riches, où en est-on ?
Anne-Sophie Jacques - - 0 commentaires
Alors, cette taxe sur les riches ? On pouvait croire l’appel de Warren Buffet aussi sérieux qu’une amourette de vacances, mais non : une taxe sur les super-riches est bel et bien au programme du nouveau plan de réduction des déficits annoncé hier par Barack Obama. Cette taxe porte déjà son nom : the Buffett rule. Les Républicains sont au bord de l’apoplexie et l’un d’entre eux, Paul Ryan, a affirmé sur Fox News que l'Amérique n'avait pas besoin « d'un système (fiscal) qui exploite la peur, la jalousie et l'angoisse ». Manifestement, il n’a pas lu l’enquête de l'université de Virginie publiée dans le journal Psychological Science en septembre : ce Républicain aurait découvert que plus un système d'imposition est progressif, plus le niveau de «bonheur» de ses ressortissants est élevé.
Capture d'écran de L'Expansion
Cette taxe sur les riches devient-elle à la mode ? De nombreux gouvernements annoncent sans fard que leurs riches contribuables devront mettre la main à la poche.
En France, les modalités de la taxe n'ont pas encore été tranchées. Fillon a proposé une taxe exceptionnelle de 3% sur les revenus de plus de 500 000 euros, attention astuce, par part (nous en avions déjà parlé ici). Des députés UMP souhaiteraient baisser ce plafond à 250 000 voire 150 000 euros, des «enchères descendantes » qui inquiètent Hervé Mariton. D’ailleurs Bercy avance à pas de loup : les Echos diffusent une note affirmant que les riches paient quand même beaucoup d’impôt, c'est-à-dire 36,5% de leur revenu en 2010. Cette affirmation a vite été démontée par Vincent Drezet : le président du Syndicat national unifié des impôts estime ce taux à 35% (1,5% sur des millions, ce n’est pas rien, comme le souligne le matinaute), à comparer au taux de 45% appliqué à la moitié des contribuables les plus modestes.
En Allemagne, on salue la création du groupe Vermögende für eine Vermögensabgabe (les riches pour une taxe sur le capital). Leur ambition est sincère mais le périmètre modeste : ce groupe est constitué de médecins, chefs d’entreprise, enseignants dont les capitaux proviennent « essentiellement d'héritages » et qui estiment « avoir plus d'argent qu'il n’en faut. » Selon eux, l'Allemagne pourrait lever 100 milliards d'euros si les plus riches payaient pendant deux ans un impôt de 5% sur la fortune. Cela dit, comme en France, peu de riches ont levé le doigt pour se dévouer : début septembre, Die Zeit a sondé 100 millionnaires. Résultat : 4 d’entre eux seulement acceptaient volontiers le sacrifice.
Pour l’Italie c’est la taxe yoyo. D’abord prévue pour les revenus supérieurs à 90 000 euros, la taxe (fixée à 3%, comme en France) a été étouffée par Berlusconi mais remis à l’ordre du jour dans le nouveau plan de rigueur du 14 septembre dernier pour les revenus supérieurs à 300 000 (c’est plus raisonnable). Visiblement ça n’a pas rassuré les agences de notation. Cette taxe a elle aussi été portée cet été par le patron de Ferrari, plusieurs fois millionnaire, qui s’est ému d’avoir eu pour seule réponse « un silence assourdissant ». En même temps, il demandait en échange que son pays entame un vrai virage néolibéral (à bord d’une Ferrari, c’est toujours plus confortable).
Lisez le vite-dit bien-trouvé d'Alain sur cette photo
En Espagne, l’impôt sur la fortune, accusé de toucher les classes moyennes et donc supprimé en 2008, a été rétabli avec un barème contraignant uniquement pour les 10% les plus riches. Cet nouvel-ancien impôt a été affecté au financement des régions espagnoles qui, paraît-il, inquiètent les marchés.
Est-ce le signe d’un monde qui fonctionne à l’envers comme le disait ce matin Bernard Guetta dans sa chronique de France Inter ? Est-ce que, « revenus des mythes libéraux, les gouvernements cherchent à restaurer des puissances publiques capables de faire face à l’irrationalité des marchés qui eux même aspirent à des Etats plus forts » ? Plutôt qu’un fonctionnement à l’envers, on peut d’abord y voir une remise à l’endroit : ces taxes sur les riches ne sont rien d’autre qu’un retour à une fiscalité moins laxiste envers les riches. Obama souhaite seulement retrouver les taux d’imposition à leur niveau des années 1990 (ce n’est pas la préhistoire) ; la France essaie de renflouer une perte sèche de deux milliards d’euros suite à la réforme de l’ISF cet été ; l’Espagne ne fait que restaurer son ISF supprimé il y a trois ans. Finalement, les Etats et les gouvernements ne font pour l’instant que retricoter ce qu’ils ont eux-mêmes détricoté.
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Sources :
Taxer les plus fortunés améliorerait le bien-être (Le Figaro)
Les riches paient-ils vraiment autant d'impôts que les autres? (L’Expansion)
Obama et ces pays qui mettent en avant leurs taxes sur les riches (l’Expansion)
«Taxez-nous», la riche idée des grosses fortunes (Presseurop)