Echec scolaire : Guéant patauge dans les chiffres. Silence de l'INSEE (Libé)
Gilles Klein - - Intox & infaux - 0 commentairesPoursuivant sa contestation de statistiques livrées par le ministre de l'Intérieur Claude Guéant sur l'échec scolaire des enfants d'immigrés, Libération met aujourd'hui en cause la direction de l'INSEE. Malgré les demandes de Libération, en effet, le service de communication de l'institut refuse de commenter l'interprétation de ses chiffres effectuée par le ministre.
Dimanche 22 mai, Claude Guéant avait dénoncé sur Europe 1 les ratés de l’intégration à la française, en déclarant que «deux tiers de l’échec scolaire en France, c’est les enfants d’immigrés»." Depuis, Guéant et Libération polémiquent : le quotidien lui consacre, aujourd'hui, pour la troisième fois sa page Désintox.
Premier épisode le 25 mai: Libération conteste l'interprétation de Guéant qui prétend s'appuyer sur un rapport du Haut Conseil à l'Intégration (HCI). Le journal souligne que les difficultés des enfants d'immigrés tiennent non pas à leur origine étrangère, mais au fait qu'ils viennent de familles modestes.
"Deux tiers de l’échec scolaire imputables aux élèves d’origine immigrée ? La preuve que les enfants d’immigrés ne parviennent pas à s’intégrer ? La phrase a été reçue avec un mélange d’indignation et d’incrédulité dans le monde de l’éducation : d’où vient ce chiffre ? Réponse du ministère de l’Intérieur :«Tout simplement du rapport de 2010 du Haut Conseil à l’intégration (HCI) sur les défis de l’intégration à l’école», a répondu un porte-parole du ministère, cité par l’AFP. C’est donc tout simplement que nous avons ouvert ce rapport. Où rien ne confirme cette statistique. Certes, les enfants d’immigrés connaissent des parcours scolaires plus complexes que les autres." "Mais surtout, le rapport apporte une explication essentielle : bien davantage que l’origine des élèves et les facteurs culturels, c’est la profession et le niveau d’étude des parents qui déterminent les difficultés scolaires. Si les enfants d'immigrés ont davantage de difficultés que la moyenne, c'est d'abord parce qu'ils sont plus souvent que la moyenne issus de familles modestes." Libération 25 mai 2011 |
Deuxième épisode le 27 mai, l'équipe de Guéant change de source, et évoque une statistique tirée d'une étude de l'INSEE (alors qu'il s'agit d'une citation de cette étude par une essayiste, Malika Sorel)..
"Dans une grotesque fuite en avant, le ministre de l'Intérieur tente depuis trois jours de justifier ses déclarations fantaisistes sur l'échec massif des enfants d'immigrés à l'école. En pure perte." "Un conseiller explique que l’expression du ministre a été «un peu rapide», mais persiste sur le fond :«En fait, Claude Guéant voulait dire que sur 150 000 élèves qui quittent chaque année le système scolaire sans aucune qualification, deux tiers sont des enfants d’immigrés.» Une statistique, affirme le conseiller, qui trouve sa source «dans une étude de l’Insee»… ou plutôt, finit-il par concéder, dans des «déclarations de Malika Sorel [essayiste et membre du HCI, ndlr] citant une étude de l’Insee». En avril, Malika Sorel déclarait effectivement :«Les chiffres de l’Insee de 2005 sont accablants ; sur les 150 000 élèves qui sortent du système scolaire chaque année sans diplôme, les deux tiers sont issus de l’immigration». Jointe par Libération, Malika Sorel renvoie à une étude de l’Insee de 2005… qui ne confirme pourtant pas du tout ses propos." Libération 27 mai 2011 |
Troisième épisode: Guéant envoie un droit de réponse à Libération. Le journal révèle alors que l'INSEE refuse de lui répondre.
Le ministre de l'Intérieur a envoyé un droit de réponse à Libération où il confirme mordicus ses statistiques (fausses) sur l'échec scolaire massif des immigrés. Une obstination qui tournerait au gag, si elle ne révélait pas au passage les pressions sur l'INSEE" Guéant écrit: «L’étude de l’Insee […] précise que les enfants de familles immigrées sortent presque deux fois plus souvent du système éducatif sans qualifications que les autres. […] Cette conclusion vient forcément soit de chiffres exhaustifs, soit d’un échantillon qui se divise en trois tiers. Par conséquent, j’ai correctement cité l’étude en déclarant que les 2/3 des enfants qui sortent de l’école sans qualification sontdes enfants defamilles immigrées.» " Depuis le début de cette polémique, Claude Guéant cite à l’envi l’Insee, qui se trouve embringué comme caution de l’entreprise de désinformation du ministre de l’Intérieur. On peut s’étonner que l’institut, par respect pour le travail de ses chercheurs, n’ait pas rectifié la lecture grossièrement erronée qu’en fait Claude Guéant. Il faut croire que ce service public des statistiques, sous tutelle de Bercy, n’a pas cette liberté." Liberation 2 juin 2011 |
Ce n'est pas la première fois que des données issues des travaux de l'essayiste Malika Sorel sont l'objet de contestation. Cet auteur est utilisé, comme source, par plusieurs chercheurs "zemmouriens", qui ne sont pas toujours capables de dire d'où elle tire sa légitimité, comme l'avait montré une de nos émissions de l'an dernier.