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liza
L'été ? Où ça ! J'en veux !
(ha la patience...) -
Juléjim
AVIS !
Pierre Michon est annoncé sur le "Bateau libre" le 28 juin prochain au milieu d'une pléthore d'invités. -
petit - saconnex
Bravo pour cette passionnante émission.J'avais lu "les Onze" il y a quelques semaines ,et j'avais été impressionné par l'ampleur de ce roman.L'entretien éclaire le livre et permet de développer des points de vue inaperçus .Les propos de Pierre Michon montrent que la littérature est liée à la passion ,à l'histoire , à la puissance d'exister.Un entretien vraiment passionnant. -
Vincent
je suis bien d'accord avec ce que vous dites, Sylvain35, et c'est sans doute une des raisons pour lesquelles, dans l'océan éditorial actuel, les daubes sont plus nombreuses et apparaissent d'autant plus merdeuses... et que les grands écrivains, venant par ailleurs après tant d'éminents prédécesseurs et bien souvent partenaires invisibles, ont la tâche d'autant plus ardue et apparaissent d'autant plus grands. -
Sylvain35
Merci à Pierre Michon pour son propos de la toute fin, qui n'est pas une provocation, me semble-t-il.
(Mais, Judith, il me semble que vous avez beaucoup - trop, et peut-être parce que vous n'aviez pas lu ses autres textes - suivi la piste de l'écrivain à pièges ou à faux-semblants, alors qu'il est plutôt dans l'étrange vérité assenée.)
Et donc c'est très généreux, cela, de la part de Pierre Michon, de nous dire que la littérature progresse.
Généreux, et révolutionnaire : il aurait été si tentant d'endosser l'habit médiatique du dernier-grand-écrivain.
Si vous étiez un peu moins étonnée, chère Judith Bernard, et si l'ensemble de la critique littéraire était un peu moins étonnée devant semblable assertion, sans doute y aurait-il une véritable vie littéraire, et non pas cet embaumement permanent d'une forme jugée morte par ceux qui sont censés la faire connaître.
Bien sûr, que la littérature progresse. C'est plutôt l'édition, la critique, et tout l'entourage, qui régressent. Mais les écrivains n'ont jamais été aussi forts, c'est évident. Ils n'ont plus la langue de classe, la facilité du beau-langage, pour dominer leurs sujets et leurs pages. Ils doivent tuer la langue maternelle comme leurs ancêtres, et en plus tuer la langue de la communication, de leur époque. Et ils n'ont plus la langue littéraire pour les secourir, devant inventer la leur - chacun la sienne propre.
Du coup ils sont condamnés au phrase-par-phrase, au travail scrupuleux, syllabe par syllabe, même. En plus, depuis Rimbaud, il leur faut faire attention à la couleur de leurs voyelles. Les grands textes d'aujourd'hui sont plus grands que les grands textes d'hier : enfin quelqu'un le dit ! Je savais que Michon sortirait quelque chose de grand, car il le fait à chaque intervention ; il l'a fait dans les arrêts de jeu, et c'est encore plus magnifique.
Et puis c'est une bonne nouvelle pour votre émission : vous allez pouvoir travailler dans le texte sans regretter les textes d'antan. Vous allez peut-être même pouvoir mettre une musique de générique moins cucul-la-praline, et croire vraiment que vous travaillez en 2009. Puisse cette bombe finale de Pierre Michon vous en persuader ! (Et les critiques de tous les magazines littéraires avec, eux qui parlent de livres comme de napperons.) -
Juléjim
Lorie, à mon avis, vous commettez dans votre commentaire une double erreur. la première c'est lorsque vous semblez développer l'équivalent d'une théorie du complot à propos des écrivains et/ou des intellectuels qui ne feraient pas l'effort de se rendre accesible au plus grand nombre. ils méprisent le bas peuple, dites-vous. Croyez-vous vraiment que l'écriture et le style d'écrivains tels que Proust ou Joyce, réputés écrivains difficiles, puisse s'expliquer par un supposé mépris pour les milieux populaires ? A la question "Que manque-t-il aux gens qui ne sont pas lecteurs de Proust ?" un ami marxiste prenait un malin plaisir à répondre "On pourrait se demander aussi ce qui manque à Proust pour être lisible par tous ?" Il y a de fait une distance culturelle entre les oeuvres d'art et nous, qu'il s'agit de franchir mais comme le dit Vincent, c'est à l'ensemble des médiateurs socioculturels de créer les passerelles qui facilitent l'accès au plus grand nombre, au premier rang desquels se trouve évidemment l'Ecole. Si vous aviez raison, il suffirait que l'Art se dise populaire pour qu'il soit de qualité. Vous savez comme moi que c'est loin de se vérifier tout le temps ! Et puis c'est aussi affaire de goût et de volonté individuelle. Et d'effort.
Votre deuxième erreur c'est lorsque vous entonnez la complainte victimaire de la femme bafouée, oubliée, dévalorisée. Le combat est juste et nécessaire sur le plan général et j'en suis, même si j'ai peut-être à vos yeux le défaut rédhibitoire d'être un homme ;-) mais appliquée aux arts et lettres il y a trop de contre-exemples et de superbes exceptions pour vous suivre sur ce terrain. Rien qu'en littérature, dressez une liste des écrivains hommes et femmes que vous connaissez et/ou que vous appréciez. Vous serez étonnée de voir qu'il y a plus de parité que vous ne le pensez, dans ce domaine.
J'espère que vous n'interprèterez pas le sens général de mon commentaire sur l'air de "Tout va très bien, Madame la Marquise !" car vous feriez un magistral contre-sens. -
Vincent
et j'ajouterais, par rapport à la nécessité d'un apprentissage, d'une formation, d'une culture, que c'est pour cela que l'école existe... ou en tout cas devrait exister... et a longtemps existé... Mais ce n'est pas à l'écrivain de jouer ce rôle de pédagogue... même si bien sûr il peut contribuer à l'enrichissement de la culture de tout un chacun... -
Vincent
Dire que la littérature comme la création ou l'art en général, cela demande un effort n'est pas synonyme d'élitisme - vous vous trompez et reprenez en choeur la vulgate de l'air du temps, qui consiste à déconsidérer la littérature ou la pensée, la culture en général, et à tirer les choses vers le bas, vers une moyenne illusoire, consensuelle ou populiste. Qu'une femme de ménage puisse s'intéresser à la culture, tout à fait légitime en soi, et tant mieux, dirais-je pour aller vite... mais pour elle, comme pour tous, cela nécessite un effort et je ne vois pas pourquoi, alors que tout travail, toute pratique nécessite un apprentissage, une formation, un effort, etc. il en irait autrement de la littérature ou de la philosophie. Pour reprendre une image, je citerai ce qui écrit sous le titre d'un grand livre de Nietzsche : "Un livre pour tous et pour personne". Oui, la littérature ou la philosophie, comme la peinture ou la musique, ne sont la propriété de personne et peuvent s'adresser à tout le monde... mais pour lire Nietzsche ou Mallarmé, écouter Wagner ou regarder les tableaux de Rothko, vous devez avoir un certain nombre d'acquis,... en tout cas, c'est souhaitable et valable pour tous les domaines...
Si vous lisez Hugo, considéré de par le monde comme une des grandes figures, presque un symbole, de la littérature française, si vous n'avez pas certaines références historiques, mythologiques, bibliques, poétiques, etc., qui sont innombrables dans certains textes, vous n'allez rien comprendre et en retirer aucun plaisir... Il ne s'agit pas d'élitisme, mais de culture.
Un autre exemple, pour dire que non, il ne s'agit pas d'enfermer les "intellectuels" dans une tour d'ivoire... et que, oui, bien sûr, la culture est à tous... un des plus grands philosophes français du siècle passé, Deleuze, disait exactement la même chose, que la philosophie devait s'adresser à tout le monde, pouvait être faite par tout le monde... Mais que, comme toute pratique ou savoir, cela nécessite un effort, une formation, un apprentissage... et ne va pas de soi...
Quant à savoir si l'écrivain lui-même a un rôle pédagogique, c'est assez confondre le professeur et l'écrivain ou alors revenir à une vision ancienne et surrannée de l'écrivain (celle du 19e siècle surtout - et encore de certains auteurs) comme "guide"... comme on dit, de l'eau a coulé sous les ponts depuis... et l'écrivain écrit d'abord des livres...
Concernant les femmes en littérature, vous vous trompez aussi, chère Madame... Simplement, vous savez bien qu'historiquement, il se trouve - c'est une donnée historique - que les hommes écrivains ont été nettement plus nombreux que les femmes... et pour de multiples raisons historiques, sociales, etc. que vous n'ignorez pas. Mais cela n'enlève rien au prestige des très nombreuses femmes écrivains, surtout depuis le 20e siècle... vous citez Louise Labé... mais qui lit encore Maurice Scève, de la même époque ? et n'avez-vous pas lu, plus près de nous, d'innombrables grands écrivains femmes comme M.Duras, N.Sarraute, J.Mansour, U.Zurn, A.Le Brun, S. Lilar, etc. ? -
Lorie
Personnellement,je me permets d'avoir une opinion du bon écrivain:c'est celui qui s'adresse à tout le monde,au cultivé et à l'inculte.Un écrivain n'a-t-il pas un role pédagogique?Ne doit-il pas intéresser celui qui à priori ne le serait pas?Assez des intellectuels qui parlent entre eux et méprisent le bas peuple,ceux qui ne peuvent comprendre!Je connais une aide maternelle qui court tous les lieux d'exposition de la région,assiste à des concerts,voit des pièces de théatre.Son patron,le maire de la ville a changé sa situation professionnelle(sans changer son salaire):une femme de ménage ne peut s'intéresser à la culture!(tant mieux pour elle,meme si le raisonnement est simplet)Si elle n'avait pas rencontré des intellectuels intelligents elle ne se serait pas hissée vers le haut!
Je pense à ce directeur de musique(un intellectuel raffiné,mais méprisant)qui,dans une assez importante ville de province,fait jouer des oeuvres moyennageuses et populaires avec des instruments de l'époque classique(et non ceux du Moyen-age)avec un rythme beaucoup plus lent que celui donné par leur auteur,pour que ses concerts ne soient suivis que par l'élite du lieu;la musique entendue est ainsi beaucoup plus ennuyeuse qu'elle ne l'était à sa création,mais au moins on reste entre nous! Voilà ou mène cette volonté!
Pour parler de la parité,Messieurs,c'est facile pour vous,vous pouvez avoir de l'humour!Il n'y en a que pour vous!Les femmes qui ont marqué leur époque sont effacées de l'histoire,pour ne laisser que la place aux hommes à part quelques femmes alibis comme Jeanne d'arc ou Marie Curie.Qui se rappelle de la poetesse Louise Labbé,des aviatrices H.Boucher et Auriol etc...?Tout pour ces messieurs;et pour ces dames:la douceur de l'effacement et de l'abnégation pour le profit des premiers. -
Vincent
Désolé ! encore une fois, je ne veux pas vous froisser ni caricaturer vos propos... je ne fais que vous lire et je vous assure que certaines de vos remarques ("Chez les bons écrivains, l'allusion est utilisée avec intelligence, comme une deuxième lecture de leur oeuvre"... "certaines touches, comme l'allusion doivent être dosées avec parcimonie"... "son écriture sera rapidement illisible") résonnaient très nettement comme des règles bien claires et nettes, voire des axiomes - et je n'insiste pas sur le "doivent être" qui m'a fait frissonner.
Quant à Derrida, s'il vous "débecquette" aussi, c'est votre point de vue - mais j'espère malgré tout que c'est fondé et non pas un "jugement" en l'air et à la va-vite, basé sur de petites impressions et des picorements d'idées sans lecture ni réflexion...
Au passage, quitte à vous surprendre, j'ai des amis qui ne partagent pas forcément tous les mêmes goûts et mêmes auteurs...
Bonne soirée à vous. -
Sogol
Michon me fait penser à un Calaferte vieilli et dandysé, c'est-à-dire un anti-Calaferte. Je suis d'accord avec Sandy. On peut parler de jouissance, on peut parler de texte, on peut parler d'humiliation sociale, mais il faut dire pourquoi c'est inséparable, et il faut les lier. Il faut parler d'écriture, de ce qu'est l'écriture, et non parsemer de Freud, de Sade et de Borgès une plume qui semble vouloir prendre corps, sans oser vraiment. La pirouette, toujours. J'aurais aimé entendre parler de la rage d'écrire, et je récolte l'écriture de la terreur magnifée, magifiée. Ne la ressent il pas? Ce n'est pourtant pas une idée, cela. Serait-il sur la défensive? Je ne pense pas que les interventions de Judith Bernard l'aient.. castré ou empêché de parler.
L'émission était excellente, son ton un peu poudré tient à l'invité au moins autant qu'aux questions posées. Je vais aller lire un de ses livres. -
Vincent
J'ajouterais succintement concernant le rapport entre POETIQUE et MACHINIQUE que le théâtre en particulier, depuis ses origines grecques, repose clairement sur cette alliance - et pas seulement à l'époque baroque, qui a exalté cette machinerie et fait de cette "machination" du monde, en quelque sorte, le "théâtre du monde". Mais le poétique en général, depuis ses origines, enfin celles de notre culture, qui sont essentiellement grecques, donc ce que les Grecs appelaient le "poïèsis" signifie la production, en général, ou la création, fondamentalement liée à la "tekhnè", qui est un mode de poïèsis. -
Vincent
Bravo pour cette émission ! Pierre Michon est depuis longtemps un de mes écrivains contemporains préférés et pouvoir le voir et entendre est toujours fascinant... alors, DE GRACE, Mme Judith Bernard, laissez-le parler, laissez le silence scander la parole, laissez le silence engendrer la parole - toute voix, pour un écrivain, naît du silence... or, malheureusement, dans le cours de cette émission, vous ne cessez de lui couper la parole, d'enchaîner immédiatement dès que sa voix marque une pause, alors qu'on sent très bien qu'il allait continuer et qu'il avait d'autres choses en tête et à dire... je vous assure que c'est très frustrant et que ça gâche franchement le plaisir ! - car, et c'est bien le principe de votre émission, que je salue en même temps, il s'agit d'un entretien avec un vrai et grand écrivain. De grâce, ne rejouez pas le jeu télévisuel de 9O% des animateurs d'émissions littéraires ou culturelles à la télé qui ne se cessent de se mettre en avant et ont gâché toute littérature sur ce média... croyant la défendre, ils ont finalement beaucoup nui à la littérature. A l'opposé, un Alain Veinstein sur France Culture ou un Taddei sur France 3 savent faire entendre le silence qui fait entendre les voix... S'il vous plaît... -
Dzonkha
Bonjour, et question @ Judith Bernard
Je rejoindrais assez les propos de Sandy dans son post du 17/06 à 8h21, même si je le formulerais de manière moins abrupte. En effet, et ce n'est que mon avis personnel, j'ai été moins happée que "d'habitude" par l'émission - manière polie d'écrire que je me suis même un peu ennuyée à certains moments (et c'est la première fois depuis le début de l'aventure "d@ns le texte") . Effectivement, moi aussi j'ai trouvé "trop de forme" et pas assez de fond. Il m'a semblé aussi que Judith Bernard était un peu en retrait (moins "présente") par rapport aux autres émissions, mais c'est un ressenti.
Par contre je ne rejoins pas du tout Sandy à 2h38 qui écrit : " ce que je craignais au départ en découvrant le principe de l'emission est finalement arrivé, après de très bonnes emissions, on tombe avec cette dernière émission dans un intellectualisme excessif, et finalement on ne sait plus vraiment de quoi l'on parle, on décroche très rapidement."
En effet, je reste une très fidèle de "d@ns le texte", aucune émission ne se ressemble, c'est ce qui en fait sa grande richesse (et visiblement cette 8ème a ses amateurs, voir le forum ci-dessus). Elle tient beaucoup à l'auteur invité et ne me semble pas "calibrée" d'avance. Donc merci encore et toujours à Judith pour ce régal deux fois par mois.
D'ailleurs, et c'est ma question à Judith Bernard, quand est-ce que que vous invitez des auteurs qui vous plaisent vous et non choisis par Daniel Schneidermann (comme j'ai cru le comprendre dans l'interview que vous avez donnée sur le site Métaphores, même si vous dites que c'est un choix "en commun") ? Une remarque aussi : seulement deux femmes auteurs sur huit, sans vouloir faire un calcul primaire, ce n'est pas vraiment de la parité ça ! Je pense qu'il y a "matière" à inviter plus de femmes, non ? -
sleepless
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D. Jean
Il y a tout de même dans tout ceci quelque chose de troublant, dont personne encore ne semble avoir relevé la portée, une chose qui hélas semble en passe de devenir banale : l'auteur invité semble toute l'émission durant faire résolument et ostensiblement fi de la vie humaine.
Sans discuter de ses talents littéraires, tout écrivant sait bien qu'on peut jouir des mots, du plaisir des jeux qu'ils permettent, des tournures de langue, et combien il est agréable de se laisser emporter par le courant d'un texte.
Encore convient-il un peu de se pencher sur le courant, les concepts, la vision du monde que transporte ce texte. Car l'émotion comme pulsion, on le sait, est mauvaise conseillère.
Or donc quelle vision du monde transporte ce livre?
Voici des extraits de la description de ce portrait imaginaire des ces "11 hommes qui coupaient 40 têtes par jour", extraits qui auraient gagné à être plus longuement cités au cours de l'émission, mais qui le sont largement dans ce lien que Juléjim a eu la gentillesse de nous donner, et que je remets ici.
A propos de ce "tableau fait d'hommes dans cette époque où les tableaux étaient faits de vertu", au troisième chapitre, Pierre Michon écrit :
"Couthon, au beau milieu de l'éclat jaune, dont on a un drame plein de sensibilité et de larmes, larmes et sensibilité prodiguée pour rien, dans la noire Clairmont d'Auvergne, pour des publics de basalte. Sur sa chaise de couleur citron, au Louvre, on trouve, au coeur du tableau, sur sa chaise de paralytique, citrine, soufrée, solaire, avec des larmes, il se relit la chute noir de son drame, parmi les éboulis de basalte."
Ou encore :
"Collot, qui était d’Herbois comme Corentin était de la Marche ; qui fut homme de théâtre, dramaturge, comédien, quelque chose comme un second Molière ; qui écrivit cinquante pièces qui se vendaient bien et se jouaient bien (la version trouvée ici lit : qui se vendaient mal et se jouaient peu...), mais tombées directement de sa main dans le gouffre. (...) qui buvait comme quatre pour faire venir le verbe et ne pas trop voir que son verbe à lui tombait droit de sa main dans le gouffre ; qui traduisit Shakespeare et le joua en costume sur une scène exiguë avant de le jouer pour de bon sur la scène de l’univers, c’est-à-dire à Lyon en novembre dans la plaine des Brotteaux où sur ses ordres on amenait devant des fosses ouvertes des hommes attachés par dix, par cent..."
Quel dépit devant notre monde...
"Ah, tout cela, Monsieur, – que ce soient des auteurs, c’est-à-dire des hommes des Lumières, de puissantes machines à augmenter le bonheur des hommes tout en augmentant leur propre gloire, mais des auteurs à la façon limousine, de puissantes machines détraquées, des veufs de la gloire littéraire, que sais-je encore – tout cela est du ressort de la petite antichambre ; tout cela est marqué sur les pense-bêtes : cela ne se voit pas, sur le tableau. Car c’est un bon tableau. Pas de plumes ni de muses, pas de front pensif, pas d’intériorité intempestive. Mais je me plais à croire, moi, que Corentin y a mis son père, onze fois, comme il y a mis onze fois, diversement et miraculeusement, tout ce qui était sa vie, son amour et sa malédiction, son pardon. Et bien sûr il y a mis aussi onze fois la revanche irréelle de son père, la défaite réelle de son père, debout."
Un point, que je suis sûr qu'Alain korkos n'aura pas été le seul à relever : une scène, des personnages réunis dans un événement crucial, voir fondateur, maintes fois représentée celle-là, et où il est aussi question de Père... cela ne vous rappelle rien ?
Sauf qu'ici, il en manque un. Ostensiblement.
Au fond, sa position, que l'humoriste américain George Carlin, athée engagé, poussait à son bout "quand c'est nous, c'est un génocide, et quand c'est des poulets, c'est une omelette" peut sembler se tenir.
C'est une position. Mais on est aussi en droit de considérer que toutes ne se valent pas.
L'extrait à ma disposition conclut ainsi:
"Voyez comme les reflets changent sur la vitre quand on se déplace un peu. Comme je vois clairement l’habit noir de Couthon, soudain, sur sa chaise d’or acide. Non, pas de l’or, du soufre, l’or est pour Saint-Just. Et si je fais deux pas quel luxe sur les franges espagnoles de l’écharpe aux trois couleurs du représentant Saint-André, à l’autre bout. Deux pas encore et tout est sombre. Que regardent-ils là-dessous, Monsieur ? Quelle revanche, quelle défaite ?"
Il y a du style, incontestablement, mais on reste avec la desagréable impression que cet imaginaire ne rêve que gloire, revanches et défaites.
Et ces Onze me font songer à l'Occident. A qui il reste à apprendre qu'aucun palais ne vaudra jamais la vie d'un homme. -
AZERT Y
Merci pour l'ekphrasis et pardon pour mon hypotypose qui prend la pause...
Lecteur-voyeur, je me sens un peu indigne de tout ce savant savoir...
Mais cette émission m'a vraiment donné envie de mieux connaître et de lire surtout Pierre Michon.
Merci à Juléjim pour le lien vers la voix de Pierre Michon, cela m'a décidé à acheter le livre !
P.S. : Aucune addiction pour autant à l'ekphrasis. -
Julien D.
Une petite question théorique à nos amis de l'ekphrasis,
ou comment la littérature peut être à la fois supérieure et plus fragile que la peinture.
(désolé M. Korkos, et puis, ce n'est pas toujours le cas).
Deux exemples autour de Salammbô :
L'avis de Flaubert sur les illustrations :
« Jamais, moi vivant, on ne m'illustrera, parce que la plus belle description littéraire est dévorée par le plus piètre dessin. Du moment qu'un type est fixé par le crayon, il perd ce caractère de généralité, cette concordance avec mille objets connus qui font dire au lecteur : « J'ai vu cela » ou « Cela doit être ». Une femme dessinée ressemble à une femme, voilà tout. L'idée est déjà fermée, complète, et toutes les phrases sont inutiles, tandis qu'une femme écrite fait rêver à mille femmes. Donc, ceci étant une question d'esthétique, je refuse formellement toute espèce d'illustration. »
Flaubert : Lettre à Duplan du 12 juin 1862, Corresp III, Pléiade, 1991, p. 221-222 :
Et, de l'autre côté, chez les peintres chargés de réaliser le décor pour l'opéra de Reyer, on assiste à un total désarroi devant le mirage de Salammbô :
"[la] difficulté d’illustrer Salammbô […] apparut aux peintres chargés d’établir les maquettes des décors pour l’opéra de Reyer, Gustave Moreau avouait qu’il lui serait impossible de tenter, d’après le texte, de Flaubert qui donne cependant l’impression d’être précis, une représentation graphique de Carthage. Amable, qui exécuta les décors et que j’interrogeai, m’a dit qu’il avait « lu, relu et annoté » Salammbô sans en être plus avancé. La vision de Carthage qui lui semblait si nette, texte en main, s’évanouissait comme une fumée sitôt qu’il voulait « traduire » les mots imprimés en dessins sur son carnet d’ébauche ».
Salammbô, éd de R. Dumesnil, Paris, Les Belles Lettres, 1944, t. 1, p.XXIV
Non seulement les rapports entre peinturlure et littérature ne sont pas simples,
mais en plus si Pierre Michon décrit des toiles qui n'existent pas !
Pfff...où va-t-on ?
Je vais finir par croire que l'ekphrasis, ça n'existe pas vraiment. -
achab
J'ai trouvé l'émission réellement admirable, la meilleure de toute celles que j'ai vues. Une vraie rencontre ou Michon vous inspire et ou vous l'inspirez. Les voix trouvent un équilibre « magiquement magique » sans que rien ne semble prémédité. On a l'impression de s'approcher de ce qui compte vraiment, de ce qu'est la littérature. Vous nous conduisez au seuil du livre et nous donnez envie de le franchir. Pour moi ce fut un moment de grâce.
Et je m'associe au regret général de devoir attendre plus d'un mois pour pouvoir retrouver Dans le texte. Mais vous avez assurément bien mérité des vacances. Merci encore. -
Sandy
Ce que je craignais au départ en découvrant le principe de l'emission est finalement arrivé, après de très bonnes emissions, on tombe avec cette dernière émission dans un intellectualisme excessif, et finalement on ne sait plus vraiment de quoi l'on parle, on décroche très rapidement. Vous passez beaucoup de temps à nous parler du style, mais très peu du fond. J'ai cru qu'on allait parler de la révolution, mais finalement l'émission ne fait que tourner autour.
Dommage.