2017 : cap sur le PMU de Sevran ! [Avent 2020]

La rédaction - - Intox & infaux - Déontologie - 379 commentaires

Le premier chocolat de notre calendrier de l'Avent 2020


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Au départ, une “fake news” du journal de France 2, alors présenté par David Pujadas : les femmes seraient interdites dans un bar PMU de Sevran. Une contre-enquête du Bondy Blog démontre que c’est faux. Nous décidons d'enregistrer notre émission dans ce bar PMU, où nous rencontrons bien...des clientes (il est vrai que nous avions prévenu de notre arrivée). Mais le plus intéressant est à venir : cette fake news a beau avoir été maintes fois démentie, elle n’en ressort pas moins régulièrement dans les débats et les polémiques politiques sur les discriminations en banlieue. Inefficacité de la contre-enquête face à la machine médiatique ? Oui. Mais il n’empêche qu’il faut essayer, et essayer encore. A noter que Nassira El Moaddem, alors enquêtrice du Bondy Blog, est passée de l’autre côté, puisqu’elle anime aujourd’hui certaines de nos émissions, dans le cadre d’un tranquille mais résolu passage de relais.

Cette semaine, @si a osé l’incroyable. Franchir le périphérique parisien pour délocaliser son plateau à Sevran, dans le bar PMU le Jockey Club. Un bistrot que les téléspectateurs de France 2 connaissent bien : c’est ce bar que le 20h de la chaîne publique pointait du doigt, le 7 décembre dernier, dans un reportage en caméra cachée, affirmant que ce PMU était emblématique de ces lieux perdus de la république, où les femmes ne sont pas les bienvenues. Un reportage qui a ensuite largement infusé dans le débat présidentiel, avant que le Bondy Blog ne révèle que le bar n'était pas interdit aux femmes. Qu'en est-il en réalité ? Pour en débattre, en direct du PMU de Sevran : Amar Salhi, patron du Jockey Club et Nassira El Moaddem, directrice du <em>Bondy Blog</em>.

Le making-of de l'émission, par Robin Andraca :

Et si on allait tourner au Jockey Club de Sevran cette semaine ?” N’allez pas croire qu’en lançant cette proposition en début de semaine en conférence de rédaction, Daniel Schneidermann se soit découvert une passion pour le PMU.

Simplement, ce café de Sevran est au coeur du débat politique depuis la diffusion, au 20h de France 2, le 7 décembre dernier, d’un reportage intitulé “Quand les femmes sont indésirables”, où il apparaissait que le Jockey Club de Sevran était un lieu interdit aux femmes. A gauche, à droite, à l’extrême, le café de Sevran, ce PMU de Seine-Saint-Denis s’est retrouvé sur toutes les lèvres, en cette veille d'élection présidentielle. Et gare à ceux qui, comme Benoît Hamon, ne condamnerait pas assez fermement les lieux de non-mixité !

Et puis vint le Bondy Blog, qui passa plusieurs jours dans ce café, et en tira la conclusion : le Jockey Club n’est pas du tout interdit aux femmes. Dans cette contre-enquête, même un journaliste de France 2, venu faire des repérages pour l’émission Complément d’enquête, le dit : “Dans ce bar PMU précisément, oui j’ai bien vu qu’il y avait des femmes et que c’était des clientes fidèles”. Et pourtant : depuis la publication de cette contre-enquête, le 20h de France 2 est resté muet. Alors, depuis 14 jours, @si mesure le silence de Pujadas avec un compteur.

Mais on voulait faire plus. Pourquoi, après tout, la réalité de France 2 devrait-elle l’emporter sur celle du Bondy Blog ? Il existe peut-être des cafés en France où les femmes ne sont pas les bienvenues. Mais le PMU de Sevran n'en fait pas partie, contrairement à ce qu’a montré France 2. 

Alors oui, nous avons délocalisé notre plateau à Sevran cette semaine. Un défi technique d’une part, accompli avec brio par nos deux chefs en la matière, Sébastien Bourgine et Antoine Streiff qui ont déplacé, vendredi matin, nos caméras, notre table de mixage, notre console son, plusieurs écrans et des dizaines et des dizaines de mètres de câbles, dans un camion loué la veille. Un défi journalistique aussi, tant le plateau de Sevran ne ressemblait nullement aux émissions que l’on enregistre chaque semaine.

Le plateau d'@si délocalisé à Sevran. De gauche à droite : Adèle Bellot, Antoine Streiff, Sébastien Bourgine et Antoine Brochu

Comment, en effet, critiquer une chaîne de télévision qui déforme la réalité, sans céder à la tentation de la mise en scène ? On peut l’avouer maintenant : on a essayé. On a passé quelques coups de fil pour s’assurer qu'au moment de tourner notre plateau vendredi, il y aurait bien des femmes dans le Jockey Club. Au téléphone, le patron du bar, Amar, nous a même assuré qu'"il y aura ce qu'il faut". On a éclaté de rire, puis on a mesuré l'absurdité d'un tel projet. Il s'agissait de montrer la réalité de ce café. Qu'elle nous plaise ou non. Pendant le tournage, on a bien vu une ou deux femmes être invitées à aller s'asseoir derrière nos invités, bien dans le cadre. Difficile de leur en vouloir. 



Restait la question des invités. Une certitude : Nassira El Moaddem, responsable du Bondy Blog et auteure de la contre-enquête, et Amar, patron du Jockey Club, seraient autour de la table. Qui d’autre ? Un homme ou une femme politique ? Pas vraiment envie. Pour la forme, nous avons invité Nadia Remadna, auteure de la caméra cachée dans le Jockey Club, utilisée par France 2. Je l'ai eu au téléphone hier. Une conversation d'une vingtaine de minutes, où Remadna a nié toute responsabilité, ajoutant : “Il y a une réalité, elle est là, elle existe, nous ne sommes pas journalistes. Vous êtes dans un déni total". Celle qui est par ailleurs présidente de l'association La brigade des mères, n'était pas disponible ce vendredi. Je raccroche. Voilà le plateau de Sevran bouclé.

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Vous pouvez aussi utiliser le découpage en actes.

Acte 1

Où Daniel Schneidermann tente d'élucider le "mystère" du Jockey Club de Sevran où, selon France 2, les femmes n'ont pas le droit d'entrer. Après vérification, nous pouvons confirmer les dires du Bondy Blog : c'est faux. Où l'on écoute Océanerosemarie revenir sur les attaques de Grasse et d'Orly, et le profil des assaillants.

Acte 2

Où l'on regarde, en détails et à l'intérieur du Jockey Club, le reportage sur le Jockey Club diffusé sur France 2 en décembre dernier. Amar Salhi, le patron du bar PMU, raconte comment il a découvert, effaré, ce reportage et ce qu'il lui reproche.

Acte 3

Où l'on passe en revue les différentes récuparations, de la gauche à l'extrême droite, de ce reportage depuis sa diffusion. "On ne dit rien sur les programmes. Mais on vient encore taper sur une communauté, et sur une ville, c'est pas raisonnable", commente Salhi.

Acte 4

Où l'on s'arrête sur les (rares) reprises médiatiques de la contre-enquête du Bondy Blog. Où l'on redonne la parole à Salhi, qui va porter plainte contre France 2. "Intellectuellement, il faut que je me reconstruise déjà. Il n'y aura aucun compris avec France 2. Moi, je vais au bout".

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