[Avent 2021] Présidentielle 2017 : Marine Le Pen se prend les pieds dans le Vél d'Hiv

La rédaction - - Pédagogie & éducation - 51 commentaires

Henry Rousso sur le plateau d'"ASI" pour ce 20e chocolat de notre Avent 2021


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Les années présidentielles se suivent et se ressemblent, hélas. Comme le candidat Zemmour et son enthousiasme pétainiste, la candidate Marine Le Pen voulait croire, en avril 2017, à la non-responsabilité de l'État français dans la rafle du Vél d'Hiv, en 1942. Sur cette falsification et sur autres outrances sur l'Histoire venues d'outre-Atlantique, notre débat d'alors avec Henry Rousso et Denis Lacorne.

14 avril 2017. Nos deux invités sont l’historien spécialiste de la Seconde guerre mondiale Henry Rousso et le politiste spécialiste de l’histoire politique des États-Unis, Denis Lacorne. Ils sont accompagnés de notre chroniqueuse Mathilde Larrère. La raison de cet aréopage ? Marine Le Pen, s'est pris les pieds dans l’Histoire. Alors que les références historiques sont omniprésentes dans la campagne présidentielle, Le Pen a stupéfié en expliquant que la France n’était pas responsable de la rafle du Vél d’Hiv en 1942. Presque simultanément, le porte-parole de la Maison-Blanche expliquait qu’à la différence de Bachar Al Assad, Hitler, lui, n’avait pas utilisé d’armes chimiques contre son peuple, semblant oublier l’existence des chambres à gaz. S’agit-il de provocations négationnistes ou de simples ignorances de l’Histoire ?


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Acte 1

Interrogée sur la repentance, le 9 avril, Marine Le Pen assure que la France n’est pas responsable de la rafle du Vél d’hiv. Un écho aux propos de son père qui, il y a 30 ans, a considéré les chambres à gaz comme un point de détail. Pour Henry Rousso, Le Pen ne fait pas de révisionnisme mais s’inscrit dans la tradition du refus de s’excuser ou de reconnaître ou de réparer les crimes envers les juifs commis au nom d’un régime illégal. C’est pourtant un vieux débat tranché aujourd’hui par les historiens, explique Rousso. François Mitterrand, dans une position ambiguë depuis les révélations par Pierre Péan sur son passé vichyste, est le premier à devoir répondre aux demandes d’excuses notamment de l’association Klarsfeld. Interrogé par Jean-Pierre Elkabbach en 94, un an après la création de la journée commémorative de la rafle du Vél d'Hiv, Mitterrand assure : "C'est l'entretien de la haine"

Acte 2

Mathilde Larrère retrace l’histoire des rafles en France durant la seconde guerre mondiale, dont celle du Vél d’Hiv en juillet 42. A cette date, 42 000 juifs sont déportés. Les premiers visés sont les juifs étrangers, spoliés, expulsés. Si notre chroniqueuse rappelle que les Justes, Français non juifs, ont aidés les juifs en France, le Danemark de son côté a réussi à sauver tous les juifs en leur permettant de rejoindre la Suède. Quelle est la responsabilité de la France ? Rousso est incapable de le dire. Ce n'est pas un débat d'historiens, mais de valeurs. Il ajoute qu'on aurait tort de réduire la résistance au général De Gaulle, comme le fait Henri Guaino par exemple. La question est de savoir ce qu'on ferait aujourd'hui : irions-nous à Londres, à Vichy, à Berlin ? Pour le politiste Denis Lacorne, il y a des choses à éviter, comme le recensement des populations.

Acte 3

Simultanément aux propos de Le Pen, le porte-parole de la Maison-Blanche Sean Spicer a déclaré qu’à la différence de Bachar Al Assad, Hitler n’avait pas utilisé d’armes chimiques contre son peuple, et évoqué des Holocaust centers. Un terme qui désigne les centres de commémoration aux Etats-Unis selon Lacorne, qui souligne l’ignorance de Spicer, et plus largement de Trump. Ce dernier a un seul modèle historique : le général Andrew Jackson élu président en 1828, qui a battu les Anglais et chassé plus de 200 000 Amérindiens. D’ailleurs, lors de journée mondiale de la mémoire de l’Holocauste de janvier, Trump n’a pas prononcé le mot juif (qui figurait pourtant sur une version initiale de son texte). De son côté, Rousso raconte avoir été récemment retenu dix heures à son arrivée à Houston, signe de comportements répressifs accrus depuis l'élection de Trump.

Acte 4

F.D. Roosevelt, président des États-Unis durant la seconde guerre, est lui aussi accusé de s’être peu inquiété du sort des juifs en Europe. Pourtant, raconte Lacorne, dès 42 on connaissait la solution finale. Mais il faut attendre janvier 44 pour que Roosevelt crée le bureau des réfugiés qui sauvera des Juifs. Un Roosevelt peu inquiété? C’est ce que révélait le témoignage du délégué de la résistance polonaise Yan Karski dans une interview à Claude Lanzmann en 1978. De même, le New York Times a longtemps relégué l’existence des camps de concentration dans ses pages intérieures (en page 7, souligne le livre de Laurel Leff). Ce silence était pire en Angleterre, précise Rousso. Ou même dans la France libre où on préjugeait d'une population française antisémite. Pour finir, Mathilde Larrère souligne que Marine Le Pen vise surtout la repentance coloniale dans son programme.



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