Succession : "Les vieux s'accrochent et l'ancien monde résiste"
La rédaction - - Fictions - 58 commentaires
Depuis 2018, ils sont devenus LA famille qu'on adore scruter, analyser, détester, mépriser. Celle qu'on déteste adorer ou l'inverse, c'est selon. À un détail près, ils n'existent pas. La saga des Roy, milliardaires magnats des médias (inspirés de la famille Murdoch) s'achève avec la fin de la série produite par HBO, Succession. Depuis son lancement, Succession n'est pas un objet télévisuel comme les autres. Oscillant entre la comédie et le drame, le boulevard parfois, la tragédie souvent, la série est déjà entrée au panthéon des grandes séries qui marqueront leur époque, au point pour certains d'appartenir au petit cercle des œuvres qui ont changé le visage de la télévision.
Mais pourquoi au juste ? Qu'ont de particulier ces 39 épisodes où s'étalent les milliards, le luxe, les déchirements familiaux et les pires bassesses ? Pourquoi Logan, Connor, Shiv', Roman et Kendall nous fascinent-ils tant ? Pour décortiquer Succession, nous recevons Margaux Baralon, journaliste spécialisée dans les séries et le cinéma, Sandra Laugier, philosophe, auteur de Nos vies en séries (Flammarion, 2019) et Pierre Langlais, journaliste à Télérama, auteur de Créer une série, (Armand Colin, 2021).
Avertissement
L'émission comporte de très nombreux spoilers sur la série Succession, et notamment sur son ultime saison. Comme nous n'aimerions pas vous gâcher le plaisir, un petit conseil si vous aimez les surprises : finissez d'abord la saison 4, et revenez nous voir après !
"Succession" aurait pu s'appeler "Éducation"
Les Roy se détestent, mais s'aiment-ils un peu ? Peut-être à leur manière, en tout cas à celle de Logan, le patriarche impitoyable de la famille. Pour Pierre Langlais, les personnages de Succession ne savent pas doser leurs émotions : "C'est du trop plein ou du trop vide. Mais Logan veut du trop vide. Il veut faire de ses enfants des winners." Avec l'ambivalence que ce projet d'éducation implique lorsque ses enfants tentent de le trahir, sans y parvenir : "Il y a de la déception, mais il y aussi une forme de jouissance à les anéantir."
Shiv, figure féministe contrariée ?
Elle est la seule femme à pouvoir prétendre au trône. Shiv a beau se battre et, comme tous les hommes qui l'entourent, trahir à tout de bras, rien n'y fait. Sa fin dans Succession est sans doute l'une des plus cruelles et désabusée. Pour Margaux Baralon, "c'est elle qui a tout pour prendre la succession." Mais Shiv est aussi "le symbole de ce qu'on a après le patriarcat incarné par Logan. Logiquement, on devrait avoir Shiv, mais ça n'arrivera pas".
Le nouveau monde est exactement comme l'ancien
La série, tournée vers l'avenir des médias traditionnels face aux géants de la tech, porte un regard cruel sur la jeune génération incarnée par le personnage de Lukas Matsson, génie des réseaux sociaux. Margaux Baralon en fait un constat désabusé : "Malgré le fait qu'on change un petit peu de monde et de mode de pensée, il y a du harcèlement sexuel, et pas de femmes à des postes de responsabilité."
Pour aller plus loin
- Le podcast de Margaux Baralon sur les liens entre Succession et… Éric Zemmour.
- Nos vies en séries, le livre de Sandra Laugier.
- Créer une série, le livre de Pierre Langlais.
- Trois articles de médias anglophones (South China Morning Post, The Washington Post, New York Magazine) comparant les points communs, ou pas, entre la série Succession et la famille Murdoch.
- Une récente enquête (en anglais) de Vanity Fairpour entrer dans les coulisses de la véritable succession, celle de Rupert Murdoch.