Mutations forcées de profs : "C'est d'une grande violence"

La rédaction - - Pédagogie & éducation - 47 commentaires


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Parmi les nombreux fantasmes qui agitent régulièrement les médias dominants se trouve en bonne place le lycée de banlieue, où le niveau baisserait, où certains sujets seraient désormais interdits d'enseignement, et où l'autorité serait quotidiennement bafouée. Les troubles, les blocages et les gardes à vue de nombreux lycéens depuis la rentrée au lycée Joliot-Curie de Nanterre, dans les Hauts-de-Seine, fournissent un excellent cas d'école. Nous allons donc disséquer ce mouvement de lycéens, et son écho médiatique, ainsi que plus largement, les "mutations dans l'intérêt du service" des enseignants (syndiqués) jugés fauteurs de troubles par les rectorats. Sur notre plateau, Kai Terada, professeur de mathématiques au lycée Joliot-Curie et délégué départemental Sud éducation des Hauts-de-Seine, du moins jusqu'à sa mutation-surprise à la rentrée dans les Yvelines ; ainsi que la professeure des écoles Hélène Careil, elle aussi mutée "dans l'intérêt du service" hors de l'école Marie Curie de Bobigny (et syndiquée chez Sud éducation). En visio, la proviseure du lycée Joliot-Curie de 2018 à 2021, Barbara Martin, désormais directrice du lycée français de Toronto et autrice de La méthode Barbara, paru ce 12 octobre chez Fayard.

SUspendu par le rectorat, sans motif donné au prof

L'enseignant Kai Terada a découvert à la rentrée scolaire 2022 qu'il était suspendu pendant quatre mois – et muté dans les Yvelines –, sans motif : "La suspension n'étant pas considérée comme une sanction disciplinaire, l'administration n'est pas tenue de donner une motivation", explique-t-il. Au Parisien début septembre, le rectorat a indiqué qu'il avait été suspendu "afin de garantir le fonctionnement serein de cet établissement" suite à une "évaluation à 360°" dont aucun enseignant n'a pu lire le rapport "malgré les demandes", rappelle Terada. L'ex-proviseure du lycée, à qui Daniel Schneidermann demande si Terada troublait la sérénité du lycée, répond simplement : "Non."

Un tract d'élèves mal interprété par les médias

Les premiers échos médiatiques du blocage du lycée de Nanterre (notamment l'AFP) indiquent que la mutation de l'enseignant en est l'un des principaux motifs, sinon le principal. Mais ce n'est pas vraiment ce qu'indiquait le tract détaillé des élèves, estime Kai Terada : les "revendications" sont suivies de deux tirets, et seulement ensuite d'une phrase rappelant leur soutien à l'enseignant.

"Du jour au lendemain, on nous expulse de cette école où on a tout construit"

Daniel Schneidermann raconte avoir voulu inviter des professeures des écoles de l'école élémentaire Pasteur, en Seine-Saint-Denis, mais qu'elles ont été trop marquées pour venir sur notre plateau. Leur collègue de l'école élémentaire Marie Curie de Bobigny, Hélène Careil, raconte la "grande violence" de ces décisions pour des enseignantes qui s'étaient investies auprès de leurs jeunes élèves : "Du jour au lendemain, on nous expulse de cette école où on a tout construit."

Pour aller plus loin

- "Le nouveau «filon» pour muter des profs gênants sans s'encombrer d'une sanction", chez Mediapart à propos de Kai Terada et de "la manière dont l'Éducation nationale se jouerait du droit administratif pour déplacer les militants syndicaux les plus bruyants".
- Une présentation du livre de Barbara Martin, La méthode Barbara.
- Le premier communiqué du collectif des réprimé·es de l'éducation, "Sois Prof Et Tais-Toi", ainsi que leur adresse de courriel à destination d'autres enseignants dans des situations similaires : stop.repression.education@gmail.com



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