Mona Chollet : "Le racisme de la société israélienne est un non-évènement"

La rédaction - - Silences & censures - Médias traditionnels - (In)visibilités - 51 commentaires


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En guise de cadeau de Noël, Arrêt sur images vous offre un format que l'on souhaitait faire depuis longtemps : une longue interview en face à face avec Mona Chollet. Une longue interview qui aborde l'un des sujets qui a le plus retenu l'attention des asinautes cette année : Gaza.

Ancienne cheffe d'édition au Monde diplomatique, elle est l'une des grandes voix du féminisme en France, depuis la sortie de ses ouvrages aux éditions Zones, dont Sorcières, la puissance invaincue des femmes (2018) ou aujourd'hui, Résister à la culpabilisation, sur quelques empêchements d'exister (2024). Mais Mona Chollet écrit également beaucoup sur l'actualité internationale, en particulier, sur la situation génocidaire à Gaza. Elle vient de signer un "Petit traité de la déshumanisation des Palestiniens" dans le dernier numéro de La Revue du Crieur. Elle qui fait chaque jour une minutieuse revue de presse avait forcément beaucoup à dire sur le traitement journalistique de la question en France. Voici donc.

"La majorité des victimes palestiniennes n'a jamais eu l'occasion de voter pour le Hamas"

L'un des arguments parfois utilisés pour minimiser le massacre opéré à Gaza consiste à souligner que le Hamas a été élu démocratiquement par les Gazaoui·es. Un vote tenu il y a quasiment 20 ans, en 2007. "2007, ce n'est pas il y a très très longtemps", tempère un commentateur sur CNews. Mona Chollet, elle, rappelle une autre donnée : la population gazaouie est extrêmement jeune. L'âge médian dans la bande est de 18 ans et environ 40% des habitant·es ont moins de 14 ans, recadrait la Croix fin 2023. Ainsi, on peut conclure que "la grande majorité des victimes palestiniennes n'a jamais eu l'occasion de voter pour le Hamas", puisqu'elle n'était tout simplement pas née en 2007, argumente Mona Chollet. 

Elle ajoute que le raisonnement qui consiste à justifier le fait d'être "puni de mort pour un vote", est très dangereux. Mona Chollet cite le présentateur américain John Oliver. "Il disait à son audience : si les populations sont responsables des crimes de guerres des dirigeants qu'elles ont élu, j'ai de mauvaises nouvelles pour vous".

Trend TikTok pour moquer les victimes de Gaza

Sur TikTok, en Israël, une trend est apparue pour moquer la population palestinienne. Elle consiste à se grimer, à partir de stéréotypes racistes, et imiter des victimes palestiniennes choquées par les destructions autour d'elles. Selon Mona Chollet, "on n'a pas voulu voir" cette évolution de la société israélienne. Une société non pas raciste "par nature", précise-t-elle, mais rendue raciste par un pouvoir politique qui doit "justifier" l'exclusion des Palestinien·es. Ce racisme "est un non-évènement parce qu'on est conditionnés à penser que ce n'est pas un racisme très grave, puisqu'on le partage assez largement"

"Tout était là depuis le début"

L'ONG Amnesty International a rendu, en ce mois de décembre 2024, un rapport de 300 pages selon lequel Israël commet bel-et-bien un génocide à Gaza. "Toutes les personnes qui suivent la situation n'apprennent rien" en lisant ce rapport, déclare Mona Chollet, car "tout était là depuis le début". La journaliste rappelle que l'ancien ministre de la Défense israélien, Yoav Gallant, avait annoncé dès le 9 octobre 2023 sa volonté de priver la population de Gaza d'eau, de nourriture et d'électricité. Ce constat rend d'autant plus douloureuse "l'expérience que des millions de gens partagent dans le monde : le fait d'assister de loin à travers nos écrans à ce qu'il se passe, voir tous les jours des images absolument terrifiantes", avoir "le coeur qui s'arrête tous les jours", face à des dirigeants politiques ou des rédactions "qui ignorent complètement" la situation.

Pour aller plus loin

- Les essais de Mona Chollet aux éditions Zones, dont Résister à la culpabilisation (2024), D'images et d'eau fraîche (2022), et Sorcières, la puissance invaincue des femmes (2018)
- La Revue du Crieur sur la guerre à Gaza, qui contient un "Petit traité de déshumanisation des Palestiniens" signé Mona Chollet, décembre 2024
- Le journal de bord de Gaza de Rami Abou Jamous, publié sur Orient XXI et aux éditions Libertalia
- Un podcast de France Inter sur le syndrome méditerranéen, syndrome mentionné par Mona Chollet lors de l'entretien mais sur lequel elle n'a pas pu développer. Un exemple de ce syndrome : le cas du décès de Naomi Musenga, qui n'a pas été prise au sérieux par le Samu


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