"La Zone d'intérêt" : "J'ai pensé à Gaza pendant tout le film"

La rédaction - - Fictions - 54 commentaires


C'est un film-événement, qui vient de remporter l'Oscar du meilleur film étranger. Ce film s'appelle La Zone d'intérêt, et montre l'horreur du camp d'Auschwitz depuis la maison d'à côté, où la vie se poursuit tranquillement. Que montre vraiment ce film ? 1944 ou 2024 ? Vaut-il mieux, pour raconter cette histoire, montrer ou ne pas montrer? Esthétiser, ou ne pas esthétiser ? Ces questions hantent les films et documentaires qui s'attaquent à ce sujet depuis 80 ans. Pour en discuter, trois invité·es qui ont beaucoup réfléchi et travaillé sur cette question : Sylvie Lindeperg, historienne, spécialiste de la seconde guerre mondiale et de l'histoire du cinéma ; Ophir Levy, maître de conférences à Paris 8, qui a consacré son doctorat à la persistance de la mémoire et des images de la déportation au sein du cinéma contemporain ; et enfin Joffrey Speno, cinéaste, critique et programmateur. Il a écrit notamment sur les limites et l'obscénité de certains films qui mettent en scène la Shoah

AVERTISSEMENT : certaines scènes de cette émission sont difficiles à regarder, et peuvent heurter la sensibilité des spectateur·ices. 

"Notre passé et notre présent"

À l'occasion du couronnement de son film, récompensé de l'Oscar du meilleur film étranger, le réalisateur britannique de La Zone d'intérêt, Jonathan Glazer, a prononcé un discours remarqué. "Notre film montre là où a pu mener la déshumanisation la plus terrible. Et cela a forgé notre passé et notre présent". De quel présent parle-t-il exactement ? 

Ophir Levy pointe par la suite la limite du même discours, estimant que "si on ne parle plus que du présent... dans le film, il n'y a pas de Juifs". Et ajoutant : "L'historicité-même de ce qui est en train de se passer ici n'est pas vraiment mise en avant." 

1944, premier film sur la Shoah 

C'est le premier film à avoir mis en scène la Shoah : None Shall Escape, tourné en 1943, et sorti en 1944. On y voit un train, des juifs être déportés, puis être abattus (avec des armes à feu) après s'être révoltés. Comme l'explique en plateau Ophir Levy, la réalité des chambres à gaz n'est pas encore connue, ce qui explique que le processus génocidaire soit représenté ainsi à l'époque. 

Savoir et ignorance

Dans la dernière partie de l'émission, nous abordons la question, délicate, de la représentation, impossible, au cinéma des chambres à gaz. L'un des exemples montrés en plateau est issu de La liste de Schindler, film réalisé en 1993 par Steven Spielberg. Une scène a créé la polémique à l'époque, nous la regardons en plateau, et la décryptons. 

Pour aller plus loin

- "Pourquoi Le fils de Saul est un film problématique", une critique de Joffrey Speno pour Diacritik
- La Zone d'intérêt
, roman de Martin Amis, éditions Calmann-Lévy, 2015
- La liste de Schindler, film de Steven Spielberg, 1993

Lire sur arretsurimages.net.

Cet article est réservé aux abonné.e.s