-
Cultive ton jardin
Je saisis l'occasion de la remise en question par un "vite dit" pour dire que moi, j'aurais aimé l'aimer... et que dès les premières images, j'ai été indignée. L'épisode de la bagnole, où le héros se marre à faire des queues de poisson à plein de bagnoles, parie qu'il va se faire courser par les flics (et gagne), puis qu'il va leur soutirer, au lieu d'une contravention bien mérité, une escorte jusqu'à l'hosto en faisant semblant que son patron est à l'article de la mort. C'était follement drôle :-((, en effet, de voir les brancardiers arriver en courant et s'arrêter ébahis en voyant la bagnole faire demi tour, manquait que le bras d'honneur pour conclure la séquence.
J'ai pensé à tous les petits zozos de banlieue qui voudront faire pareil, mais qui, en guise d'escorte, se choperont une balle dans la peau. Pour le reste, je l'ai trouvé non pas franchement raciste, mais assez condescendant avec les personnages du quartier autres que le héros. Et caricatural avec tous. Caricatural, condescendant et rigolard envers les femmes, avec juste assez de distance pour que l'impression de machisme ne soit pas immédiate mais que le film conserve le bénéfice du doute. Donc malhonnête de surcroît. Manipulateur. Bref, j'ai trouvé ce film odieux, et encore plus odieux qu'il ait pu séduire tant de monde qui n'y ont vu que du feu, séduits sans doute par la belle gueule, l'énergie et la drôlerie de l'acteur, et par le thème de l'amitié virile.
Je pense que je me serais laissée prendre moi aussi, si je n'étais pas dépourvue de toute indulgence à l'égard de ceux qui risquent la vie des autres pour faire les malins: ça m'a mis dans des dispositions critiques pour le reste. -
AA
OUAWH! 17 millions d'entrées! La grande vadrouille est battue!
Quoique en pourcentage de population, LGV faisait 34% de la population de 1970, juste après 68 ouais ouais, tous ensemble, tous ensemble (qu'est-ce qu'on se marrait avec les allemands casqués à l'époque! Réflexe tout à fait naturel de vouloir s'amuser et se distraire, au demeurant en période de crise).
Intouchables en fait seulement 26% pour l'instant. Petit pied.
Mais qui céti qui va avoir sa petite médaille pour services rendus à la France en matière sonnante et trébuchante mais symbolique aussi? Comme Louis de Funés en 1973.
Eh! Le nain engrosseur remonte dans les sondages! Ces Français, ces grands enfants, sont incorrigibles avec leur réflexe naturel de vouloir s'amuser, se distraire encore cinq ans. -
AA
[quote=« Est-ce qu'Intouchables est intouchable parce qu'il a du succès? Ou, au contraire, est-ce qu'Intouchable est nul et réactionnaire parce qu'il a du succès? C'est le sujet de cette émission. »]« Est-ce qu'Intouchables est intouchable parce qu'il a du succès? Ou, au contraire, est-ce qu'Intouchable est nul et réactionnaire parce qu'il a du succès? C'est le sujet de cette émission. »
L'émission a-telle amené des éléments de réponse à cette question?
La formulation purement Schneidermanienne (journalistique?) de la question, mêlant le jeu de mot facile et des notions différentes peut rendre difficile le repérage des réponses.
Reformulons: le succès est-il un critère d'appréciation de la qualité (bon ou mauvais) d'un objet social (ou public) en l'occurrence d'un film?
Le succès répond-t-il du caractère réactionnaire d'une produit social, en l'occurrence "culturel" et marchand?
De quoi parle-t-on réellement? Laure Daussy pose qu'il ne s'agit « pas seulement d'un film, mais d'un phénomène de société » dans le sens où des politiciens « répondent même s'ils n'ont pas vu les films ». Ce qui nous autorise à en parler, nous aussi, sans avoir vu Intouchables. Donc à ne pas discuter de la première formulation: est-ce un film bon ou mauvais? Laissons aux experts, aux amateurs éclairés ou à tout autre prétentieux le soin de polémiquer à qui mieux-mieux sur la teneur du scénario, de la mise en scène ou de la réalisation. Même si une analyse à la Alain Korkos nous montrerait que cette dimension "technique" n'est pas anodine pour la compréhension de l'expression politique et sociale d'une œuvre d'art.
Je retiendrais pour ma part des trente minutes d'échanges sur cette question que si Intouchables est « bourré de clichés absolus » et qu'il est « long, lourd, clichetonneux » (Pierre Murat de Télérama), il est néanmoins « efficace », que « c'est du bon boulot » (Rafik Djoumi), et que, à propos des "personnes handicapées" et des "jeunes de banlieues", on en sortirait avec un « regard différent », bien qu'il ne soit pas sûr que cet effet soit durable.
À partir de la 42ème minute (la 34ème du débat), Daniel Schneidermann introduit la deuxième partie: « Est-ce qu'à partir du moment où un film dépasse un certain seuil d'entrées, où ça devient vraiment un très très grand succès, est-ce qu'on est vraiment obligé de trouver des raisons, je dirais extérieures au film, à ce succès? (…) Est-ce qu'on ne peut pas juste dire que ça marche parce que c'est marrant, et que c'est bien fait, et que les gens sont pliés de rire? » Ce n'est pas une provocation visant à dynamiser les échanges, la gestuelle en témoigne.
Remarquons au passage que six, voire dix millions d'entrées sont loin de représenter « tous les Français » et que cette formulation relève pour le moins du matraquage publicitaire.
Sans tenir compte du "procès" règlement de compte de DS et RD avec Télérama qui embourbe malheureusement le débat, la question est "focalisée" sur l'opposition opinion « populaire »/ critiques professionnels (Libération, Canard Enchaîné, Télérama).
Si, pour une fois, le titre de la chronique emprunté à Ollivier Pourriol: « J'aurais aimé ne pas l'aimer », rend bien compte de la problématique de fond, le développement de celle-ci restera néanmoins limitée à quelques considérations. L'angle d'attaque du philosophe de Canal+, "critique" dans Marianne, est que: « Quand le rire est majoritaire, il est inquiétant » parce que « le cinéma est perçu comme une arme de propagande, ce qui est le point de départ du cinéma ». Ce qui pourrait expliquer, d'après les réactions des critiques, les « forts soupçons de société conservatrice, réactionnaire, pétainistes, poujadistes » (Rafik Djoumi), rançon du succès qui « justifie dans le monde actuel que les gens se précipitent en salle ».
« Ça a marché, donc c'est réac? » s'en offusque DS, qui, pour bien montrer pour quelle hypothèse il penche, l'explique par le fait que « Quand on a un journal à faire, faut bien trouver quelque chose à dire! » Emballé, c'est pesé!
Rafik Djoumi défend la position du "patron": sans qu'aucun des termes ne soit défini, il faut « distinguer le consensus du conservatisme » (« conformisme », dit Laure Daussy). Pourquoi, en effet, « la cristallisation d'une masse (devrait-elle être) soupçonnée de générer le pire. »? Et de prendre l'exemple du film de Bertrand Blier, Les valseuses, « symbole de la révolution sexuelle » d'après lui, pour montrer, à travers une citation de Libération, les excès d'une critique outrancière: « L'oppression ordinaire des femmes c'est finalement une réalité assez acceptable ». L'objection de Laure Daussy, quoique pertinente, soulignant que le sexisme n'est pas forcément équivalent au conservatisme reste sans effet puisqu'encore une fois les mots ne sont pas définis.
Ollivier Pourriol a beau jeu de faire remarquer que le titre de l'article est: « Quand les rires d'une salle de cinéma font mal à en crier », précisant: « on est blessé par un rire auquel on ne participe pas ». Il est vrai que si on pense à l'humour anti juif (par exemple) qui faisait florès durant les années noires, on mesure le poids de l'adhésion ou non à ces « cristallisation d'une masse » (Point Godwin?).
Quel est l'enjeu idéologique? Il se dévoile confusément: « Le grand public ne va pas forcément au cinéma pour être malmené. Qu'est-ce qu'il en retirerait? Il va cristalliser ses émotions » dit rafik Djoumi (appuyé par DS), fustigeant les « curés (de Télérama) condamnant les gens pour le réflexe naturel de vouloir s'amuser, se distraire ». Ceci pour « plaquer une explication sociologique; expliquer la raison de leur succès par ce qui se passerait dans la société ». Blasphème! « Avoir la prétention de comprendre au moment où l'événement a lieu, c'est là où je pense que la critique ne fait pas son travail de la meilleure façon », est assimilé à « réécrire l'histoire à partir du point d'arrivée en expliquant que tout l'annonçait dans le passé » (EM, 19:02 le 20/11/2011) Ou l'obscurantisme va-t-il se ficher!
Mais qu'attendre d'autre d'un salarié d'@si dont le "capitaine" se dit « désolé de ne pas pouvoir répondre autre chose », sur un autre fil (09:36 le 05/01/2012), que: « Ben oui, Moz, ça va bientôt faire 20 ans (première chronique télé dans Le Monde en février 1992, comme le temps passe !) que je baigne dans la même contradiction: pour critiquer-dénoncer-décrypter-analyser-commenter le mainstream, ce qui est le boulot qu'on fait ici, il n'y a pas tellement d'autre solution que l'immersion dans le mainstream. Or il se trouve que cette immersion contente la part de moi-même qui est mainstreamo-compatible. Ce qui tombe bien, et explique la longévité (relative) du sujet ».
Mais aucun élément ne vient plus étayer le rapport au "sujet" du film Intouchables.
N'aurait-il pas été ici pertinent d'introduire des réflexions sur la "production" même du film, à peine évoquée au début par Ollivier Pourriol: « le système de distribution et de marketing du film », et Pierre Murat: « On savait (avant sa sortie) que c'était un film populaire, qu'il allait faire un carton ».
Car, enfin! Voilà deux producteurs (Olivier Nakache et Éric Toledano), qui sont ce qu'ils sont, qui, "émus" à la suite du visionnage d'un documentaire sur une « histoire vraie » confirmée par la rencontre des protagonistes, ont flairé le bon coup (à chacun son métier), et réussis (« bon boulot »), en appliquant des méthodes hollywoodiennes, un film « efficace » sur un thème "consensuel" et porteur (la rencontre entre deux "parias" de notre société, l'handicapé et le jeune noir « de banlieue »), en bénéficiant d'une énorme campagne promotionnelle (déjà « culte » avant d'avoir vieilli). Réunir les français dans une même émotion dans une période de crise, voilà la « nécessité » de la production d'un film comme Intouchables, énoncée par les politiciens (qui ne font par ailleurs que travailler les divisions qu'ils nomment « rassemblement ». LQR) Puisqu'ils ne vont plus communier à l'Église...
Mission réussie! « Merci à ce film d'avoir rapproché les gens. » (Sémir, 08:19 le 19/11/2011). Car, pour cela, la méthode hollywoodienne est imbattable (même par la propagande de Kim Jong Il).
Rapprocher les gens, certes. Mais quels gens? Rafik Djoumi donne lui-même la réponse: « Le film n'est pas pour les milliardaires, ni pour les "loulous de banlieues", mais pour des personnes qui ne s'identifient à aucun des deux milieux. » C'est-à-dire la classe moyenne qui part en vrille sous les coups de boutoir du libéralisme triomphant et qui ne « s'identifie » pas mais se « représente » l' «Autre » inconnu en gros clichés alimentés par ces médias aux ordres du prince, passant selon besoins du tout noir au tout blanc mais aussi au gris "coloré". Toute la gamme, du mineur au majeur, y passe, comme dit l'autre. Mais toujours dans une vision homogénéïsante! La « réussite » (s'en sortir) y étant toujours individuelle, l'échec y étant toujours collectif (les « bandes »).
Or les cités sont diverses, multiples, vivantes dans leur seul point commun qui est d'y être ultra majoritairement pauvre (tout cela contrairement à Auteuil, Neuilly, Passy!). Et à part quelques exemples de déserts montés au pinacle, les habitants y croisent quotidiennement foules « d'intervenants » (enseignants, travailleurs sociaux, soignants, agents de voirie, administrateurs d'HLM, animateurs d'association, agents d'insertion, petits commerçants, ...flics). Et des « compromis » (IT 14:29 le 02/12/2011), ils en font en permanence (et pas que les jeunes). Il ne faut avoir aucune connaissance concrète des cités pour croire que « les jeunes », comme les autres, ne baignent pas dans ce "jeu" social quotidiennement. Mais pas avec les riches (même paraplégiques) invisibles (intouchables), non, avec les petits-bourgeois à qui notre société a dévolu le rôle de colmater les failles et de gérer l'ingérable.
Sauf qu'avec le développement des politiques d'« aide à la personne » (chèque emploi service universel, CESU), les nouveaux "besoins" en domesticité s'accroissent. Et la nécessité de préparer la mentalité publique à ce que les riches "nécessiteux" recroisent le sous prolétariat destiné à leur torcher le cul. Alors, bien sûr que les jeunes des cités, comme les handicapés, se marrent de découvrir ces situations décalées et cocasses qui les mettent en rapport dans le film. Au premier comme au deuxième degré. Cela à l'avantage de les banaliser, de les "anticiper". Anticiper de nouvelles formes de compromis, mais toujours dans la même doxa: l'intégration, c'est toujours leur (notre) intégration aux normes de la classe dominante.
Alors réactionnaire, Intouchables, ou anticipateur? Tout à la fois, certainement.
Mais mesurons ce que veut dire réactionnaire. Dans l'article de Jean-Jacques Delfour, il faut rapporter la désignation « réactionnaire » à l'effet de « naturalisation »: « C’est un des effets principaux du film. Naturaliser la violence sociale et masquer cette opération par du racolage aux affects. »
En se souvenant de l'analyse de Marx dans Misère de la philosophie: « En disant que les rapports actuels – les rapports de la production bourgeoise – sont naturels, les économistes font entendre que ce sont là des rapports dans lesquels se crée la richesse et se développent les forces productives conformément aux lois de la nature. Donc ces rapports sont eux-mêmes des lois naturelles indépendantes de l'influence du temps. Ce sont des lois éternelles qui doivent toujours régir la société ».
Je continue à penser qu'une analyse comparative des productions des films Les neiges du Kilimandjaro de Guédiguian, Le Havre d'Aki Kaurismaki, Welcome de Philippe Lioret, Violence des échanges en milieu tempéré de Jean-Marc Moutout, entre autres, avec Intouchables permettrait de mieux répondre, à l'échelle d'@si, à la question à laquelle l'émission était censée répondre.
Car si « le grand public ne va pas en salle pour être malmené » (Rafik Djoumi), j'aime à croire que ce n'est pas le cas de celui d'@si, et que le métier de ses "journalistes" « est d'essayer de lui dire qu'il pourrait l'être et que c'est intéressant » (Pierre Murat).
Et, puisque c'est encore la saison des vœux pieux, souhaiter que la part de Daniel Schneidermann qui n'est pas "mainstreamo-compatible" prenne le pas sur l'Autre... -
AA
Une question aux forumeurs:
quelqu'un(e) aurait-il vu "Les neiges du Kilimandjaro" de Guédiguian ET "Les intouchables"?
Ayant vu le premier (et ne faisant donc pas partie de la "France entière" qui a vu le second) pour la même raison qu'Elihah: "Intouchables m'en touche une sans ...Bref je n'irai pas le voir ça ne me parle pas, ça passera à la tv un jour ou l'autre ce qui me suffira amplement si je décide de regarder ... ou pas. En revanche je vais aller voir le dernier Guédiguian, histoire aussi qu'avec les recettes du film il puisse continuer à en faire", il me semble que le clivage sur le sujet de ce fil est clairement dans le choix d'aller voir l'un ou l'autre (qui passent pourtant tous les deux dans les Utopia).
Comme il m'aurait paru plus pertinent (sans développer pour l'instant) que DS, pour aborder ce thème, associe les deux films pour mettre en perspective les différents niveaux d'analyse du "phénomène", et que, personne dans les commentaires n'y ayant fait allusion, tout laisse à penser que les spectateurs d'"Intouchables" ne sont pas non plus allés voir "Les neiges", si un oiseau rare avait par inadvertance vu les deux, il/elle pourrait nous amener son expertise des deux approches. Nous permettant peut-être de reprendre le débat qui me semble s'être enlisé dans des chemins dérivés (mais pas inintéressants) sur ce qui nous préoccupe: la place de ces deux approches (à l'"intérieur" de la classe ouvrière vs la connivence de classe) dans les représentations que nous nous faisons des clivages sociaux et idéologiques qui traversent la société dont nous faisons partie (même à nos corps bougrement défendant), et les analyses que nous pouvons en tirer.
Merci d'avance. -
Serge ULESKI
Quelques réponses ....
Quant à aborder la réalité du handicap et ses implications économique et sociale - conditions de vie, ou bien plutôt... conditions de non vie (3) -, les réalisateurs s'y sont refusés en mettant en scène un millionnaire.
Une pension de 670 euros par mois, loin des millionnaires qui ont tout le loisir de s’équiper de fauteuils high-tech, sans oublier des soins à domicile 24h/24, entourés d’une flopée de larbins - des femmes en l’occurence ; le film en regorge.
Mais alors... à quoi et à qui peut bien servir ce film aux 15 millions d'entrées qui n'aborde pas non plus les conditions de vie et perspectives d'avenir d'un français issu de l'immigration d'Afrique noire - hormi le commerce du shit ?
__________
Personne ne sortira "meilleur" de la projection de ce film. On peut sans doute, et tout juste, affirmer que les spectateurs ont été heureux de s’être laissés porter ( balader ?) par un conte pour adultes certainement pas, et de loin, aussi naïf que ces mêmes clients-spectateurs.
Le cinéma, et la fiction, ce grand sommeil, nous consolent de la réalité, aussi s’est-il très certainement agi d’une naïveté relative... comme concédée, pour un temps seulement : le temps d'un film.
_____________
Canal+ oblige : génération grandes gueules et petites têtes avec un Omar Sy au sourire banania ! (Banania - oncle Tom : tout se tient !) Sans aucun doute, le gendre dont nombre de parents rêveront pour peu qu’ils soient un jour contraints d’accepter qu’il soit noir.
_________
Le grand perdant demeure l'aide-soignant-homme-de-compagnie du millionnaire, au grand dam des réalisateurs, à leur insu... pour ainsi dire, tout... tête en l'air qu'ils sont (ou bien décervelés ?).
A noter... le déséquilibre des conditions entre un millionnaire et un "noir de banlieue sans un rond" qui retournera à sa condition une fois congédié
Dans ce film, on pourra y trouver l'enseignement suivant : le riche prend et jette. Omar sera remercié dès lors que son "petit frère" délinquant ingérable vient s'immiscer dans leur relation...
De son talent d'artiste supposé... aucune tentative de notre millionnaire d'aider Omar...
Un Omar congédié et renvoyé à sa condition qui est celle de sa famille et de ses semblables ; ce qui ne l'empêchera pas de faire un très très beau cadeau à son tétraplégique-millionnaire qui l'a licencié sans ménagement : il lui fera rencontrer celle qui pourrait bien être la femme de sa vie avant d'aller pointer aux Assédics.
__________
Et pour finir... un lien : Intouchables est un film raciste et choquant pour les Américains -
Serge ULESKI
Une vraie dynamique, quelques idées de cinéma, d’aucuns parleront de « bon boulot » à propos du film « Intouchables ».
Si les réalisateurs ont su le plus souvent éviter les pièges tendus par un scénario à haut risque - ceux, entre autres, du pathos, des larmes et des stéréotypes raciaux et de classes -, contrairement à ce qui a pu être écrit ici et là, pas de bien-pensantedans ce film pour la simple raison qu’on n’y trouvera aucune pensée, et c’est déjà ça de gagner ou de sauver s’empressera-t-on d’ajouter car, le travail passé des scénaristes-réalisateurs est là pour l’attester, si par malheur ces derniers avaient souhaité y prétendre… c’est bien avec une catastrophe qu’on aurait eu rendez-vous.
Dans « Intouchables » sans doute pourra-t-on y voir en toute bonne foi, outre le souci de se remplir les poches, le désir sincère de raconter avec honnêteté une histoire… vraie de surcroît.
Conte de fée sans morale donc (référence au fait qu’il n’y a pas de pensée) on pourra quand même regretter que les réalisateurs Toledano et Nakache aient pour les blacks de la banlieue (1) qu’un seul projet : qu’ils torchent, lavent et essuient le cul des blancs…
Parce que ça, c’est quand même pas très nouveau !
Sans oublier l’incontournable : « Touche pas à la femme blanche ! » - même sous le prétexte qu’elle puisse être lesbienne.
***
Certes, pour l’adaptation au cinéma de La case de l'oncle Tom, les volontaires n’ont jamais manqué à l’appel, et Omar Sy (2) semble fin prêt pour une nouvelle adaptation du roman de l'écrivain américaine Harriet Beecher Stowe dont les premières feuilles ont été publiées en 1852…
Mais qu’en 2011 un acteur prête son concours à un tel projet, c’est déjà en soi une belle déception car enfin… difficile de ne pas se poser la question suivante : pourquoi fallait-il un noir en face de ce blanc tétraplégique et millionnaire ?
_________________
1 - banlieue dont on ne sait pas quoi faire et que l’on commence à peine à savoir filmer… semble-t-il !
2 - Canal+ oblige : génération grandes gueules et petites têtes. -
Nastasia
J'ai cru entendre que Pierre Murat disait que la mise en scène c'est le cadrage, l'enchainement des plans" (citation a peu de choses près) et que donc il n'y en avait pas dans "intouchables"..
cela signifie t il donc que puisque l'enchainement des plans et les plans eux même sont assez simples c'est raté?
C'est un peu le problême de pas mal de critiques de cinéma, c'est que si ils s'y connaissaient tant que ça en cinéma, ils feraient surement des films plutôt que d'en parler. C'est extrêmement agaçant quand on est dans une profession, d'entendre des gens descendre et juger de haut des oeuvres de la dite profession, alors qu'ils ne sont pas à même de critiquer de manière constructive, qu'ils ne comprennent même pas les termes qu'ils emploient. Cela relève de l'escroquerie la plus totale (et peu importe ce que je pense d'intouchables honnetement je m'en fout), cet homme brasse du vent avec une vanité aigue (je précise que pour diverses raisons je connais bien ses critiques, il n'en est pas a son premier haut fait)
tout ça pour dire que ce serait bien des fois d'inviter des gens qui FONT les films plutôt que les guignols de services comme ce monsieur. (pardonnez moi le terme mais son mepris perpetuel pour les gens qui FONT le cinéma, est plutôt digne du même mépris en retour, car oui cela suffit d'entendre toujours les même gars)
Coincidence, j'ai fait une école de realisateur (en cinéma d'animation) qui s'appelle Les Gobelins, et qui est plutot pas mal, et là bas on apprend très vite que pouvoir faire des enchainements de plans et des cadrages qui se tiennent, qui ont du sens simplement, c'est déjà énorme, car TRES difficile, et qu'il faut bien evidemment savoir faire quelque chose de simple (mais très bien) avant de chercher autre chose...plutôt que d'essayer de faire quelque chose d'ambigu, de maniéré pour "paraître" mature, quelque chose de surfait, tel un décorateur d'interieur prétentieux qui se complait dans son style creux (oui je cite du robert mc kee comme ça pouf)
De plus, quand on realise des films, on s'aperçoit très vite que mettre en scène c'est avant tout une question de parvenir à rendre vivant les personnages de son histoire et NON ce n'est pas que l'enchainement des plans et des cadrages, c'est vraiment ultra reducteur que d'affirmer une aberration pareille.
Ainsi a crédibilité du décors joue beaucoup (il faut qu'on ai l'impression que ce lieu soit habité), autant que la gestuelle des acteurs, le fait qu'on les perçoit tout de suite dans leur quotidien et non seulement dans une scène scripté. Disons que les acteurs doivent incarner leur personnages au point que chaque action qu'ils font se fait en fonction de leur caractere, perpetuellement (même pour des trucs simples, exemple: jack sparow qui marche de manière maniéré) Tout se joue donc dans de petits détails. Cela demande une grosse reflexion, préparation. il s'agit bel et bien d'aller bien plus loin que le script lui même. il s'agit d'avoir une grosse imagination, un peu comme quand on est petit, qu'on joue aux lego en faisant vivre ses personnages.
Il faut rester lisible aussi. le cinéma comique demande une simplicité, une lisibilité dans la forme pour percuter direct le spectateur. faire des manières c pas bon pour faire rire les gens.
A la fin, il faut qu'on trouve ça simple et evident et que ça nous plaise en tant que spectateur. si on voit des manières, des trucs qui en mettent des caisses, c'est que quelque chose ne va pas. ainsi donc, le fait de filmer et mettre en scene de maniere simple n'a rien d'evident. C'est TRES DUR. et intouchable a reussi, qu'on le veuille ou non, les gens rigolent en grosse majorité. Un peu de respect (même si on peut ne pas aimer le film) pour ce tour de force would be fine.
le cinema c'est comme dirait hazanavicius, un art qui touche directement au fond de lui le spectateur. c'est pour cela qu'il a fait "the artist" en muet, pour revenir aux sources meme du medium , sans le parasiter avec de la litterature, en utilisant la force pure de l'image pour toucher les gens. c'est simple, mais pas du tout evident.
le fait de vouloir s'eloigner de cette problematique pour s'en eloigner, pour plaire a m. Murat, n'a rien de spontané, d'honnete ni de généreux.
tout ça pour dire que dans intouchables, niveau real, techniquement parlant, les real ils ont fait leur boulot. Faut pas chercher midi a 14h. Une comédie, c'est quelque chose qui doit toucher directement les gens, les cadrages et enchainements de plans sont très bons, très simples et effectivement ils ne sont pas specialement inventifs, mais ils ne font pas surfait, ils sont justes et ne se mettent pas en travers de la comprehension du spectateur. les realisateurs ne se sont pas regardé en train de filmer, ne sont pas prétentieux. c'est ce qui a donc déplu à monsieur Murat.
Encore une fois je m'en fout d'intouchables, j'ai bien aimé je précise, et je pense que c'est un très bon film cinématographiquement parlant, mais c'est cette absurdité totale dans l'argumentation, et ce sans gène de reactionnaire qui se croit tout permis et qui pense avoir tout compris, est un poil exasperant ("ah on peut pas applaudir a la fin des séances" c'est vrai , c'est tellement scandaleux ça valait le coup d'en parler, on sent que le mec il enfonce des portes pas ouvertes, il dit des trucs super subversifs et très courageux)
Les critiques de cinéma du genre de m. Murat vivent souvent dans un autre monde, et le problême c'est qu'ils ont une trop grosse place dans les grands medias, ils monopolisent la parole. Je rigole pas du tout hein, c'est un vrai problême il n'y a presque aucun contre pouvoir à ces gens là.
pour ce qui concerne le cinéma d'animation japonaise, bon ben je fait donc de l'animation dans mon metier, je peux juste vous garantir que le français ou l'americain qui sera capable de faire TECHNIQUMENT parlant Akira, n'est pas né et ne risque pas de naitre.point barre. (après l'histoire invraisemblable du film c'est autre chose, sachant que la bd elle est un vrai chef d'oeuvre)
et là je me contente de parler technique, je parle même pas de leur capacité narratives.
Les animateurs japonais ont une capacité de travail surpuissante, moi même qui rêverais de pouvoir y travailler, ne pourrait jamais le faire en raison du mode de vie harrassant qu'ils ont. la plupart des animateurs japonais, meurent vers les 40 ou 50 ans a tout peter, pour tout dire.
Je veux dire, je dessine hein concrètement, je me suis posée la question, et je peux vous dire que techniquement ils nous explosent mais même pas a des milliers de kilometres, que j'aime ou non les histoires, non ils nous explosent a des années lumières. les japonais sont très exigeants, mille fois plus que nous, au dela de nos capacités a nous pauvres dessinateurs french touch tout ça. Je dis pas que tout est nikel dans la production japonaise, mais 95% du temps leur series, même les plus nazes sont mille fois meilleures que les notre (a part celles d'ankama merci a eux, où je travaille donc) . En fin de compte ce choc des culture qui se produit a permis une emulation sans borne, nous donne envie, nous animateurs, de nous surpasser.
donc franchement ne vous fatiguez pas, arretez ce debat stérile sur l'animation japonaise baclée et mal faite, c'est un debat obsolète d'il y a 20 ans qui honnêtement est assez fatigant, que télérama a relancé après parce qu'ils sont totalement à la masse, voilà, ça ne mérite pas qu'on s'y attarde..
les japonais ont beaucoup a nous apprendre culturellement parlant, et personnellement leur culture m'a enormément apporté sans que j'ai besoin de renier la mienne. et surtout ils cherchent a faire des productions ancrées dans leur epoques, ils n'ont pas peur d'avoir de l'imagination comme ici (en france "monde imaginaires" = adulescents = caca), où l'ont produit des dessins animés pourris produits par des producteurs verreux pour des chaines ignorantes, censurés par des organismes reactionnaires qui rêvent d'une france des années 50 et qui ne sont pas a l'ecoute des jeunes d'aujourd'hui. -
yannick G
Judith sera à la Grande Table sur France Culture ce lundi midi un peu avant 13h pour parler du film choral Donoma.
Non, non, pas Domina, Juléjim, calmez-vous. :P
yG -
Juléjim
Djac, nous n'allons pas discuter plus loin si le jeu consiste à tordre les arguments de l'autre pour avoir raison à tout prix. Je n'ai pas dit que l'argumentation de ce prof de philo était péremptoire ; ce qui me semble péremptoire c'est lorsqu'il colle l'étiquette "réactionnaire" sur le sous-texte qu'il attribue au film. C'est péremptoire puisque d'autres que lui y mettent un tout autre sous-texte. Il pourrait donc au moins en convenir tout en maintenant son point de vue.
Quant à la question des clichés, cette réalité sociale faite de lutte de classe et de violence, symbolique ou pas, vous la connaissez bien, vous, Djac ? A part au travers de vos lectures, je veux dire ?
Connaissez-vous la proportion des familles monoparentales dans un département comme le 93 ? En 2006, les stats donnaient le chiffre de 19,8%. A partir de quel pourcentage est-il permis d'avoir recours à cette réalité dans un film sans risquer d'être dans le cliché ? De même, les scènes où l'on voit Driss retrouver ses potes au pied des immeubles ont été tournées dans le Carré à Bondy. Pour y passer régulièrement je vous assure que ce sont des scènes quotidiennes ; où est le cliché là-dedans ?
Le tétraplégique pété de thunes est parfaitement crédible, et le jeune de banlieue plutôt paumé l'est tout autant. Je ne comprends pas cet argumentation sur les clichés. En outre, c'est une comédie, pas un documentaire.
Vous dîtes : "on donne une bonne image des cités " mais si vous avez lu le reportage du blog, vous avez compris que ce n'est pas "on" qui donne une bonne image, ce sont les mômes eux-mêmes qui se réjouissent qu'un personnage auquel ils s'identifient soit un "héros" positif. C'est vrai, il a décroché un boulot de livreur, imaginez que les scénaristes en aient fait un pilote de formule 1 ou un peintre de renom, "on" aurait hurlé à la démagogie.
C'est d'ailleurs sans doute ce processus d'identification qui est l'un des facteurs explicatifs principaux du succès du film, particulièrement dans les banlieues populaires.
Quant à se désoler que les auteurs de cette comédie n'en aient pas profité pour éclairer le bas-peuple des banlieues avec quelques bons vieux concepts marxistes, c'est ce qui s'appelle "passer complètement à côté de la plaque". Ou encore se complaire dans une posture d'intello gauchisant parfaitement ridicule. -
Juléjim
Vous faîtes bien de préciser ça Djac, que les lectures sont diverses et ne s'excluent pas mutuellement. Pourtant, que penser alors de la lecture du prof de prépa qui tamponne le film d'un péremptoire "réactionnaire". Si c'est pas excluant cette lecture-là, c'est quoi d'autre ? à part un point de vue qui vaut... ce qu'il vaut. Ni plus ni moins.
Voici ci-dessous la fin d'un billet sur le blog de deux jeunes femmes qui sont allés voir "Intouchables" dans un cinoche de La Courneuve, en compagnie de quelques jeunes du quartier :
"... Arrivent les scènes qui ont déchaîné la colère des critiques : on moque l'art contemporain, on ridiculise l'opéra. La scène du baryton en costume d'arbre emporte la salle dans un fou rire absolu.
Chaque fois que les jeunes spectateurs reconnaissent leur réalité, on les sent s'animer. Driss qui partage son kebab-frites avec ses copains, en bas de chez lui. Driss qui prend le RER. Driss qui "tient le mur" en bas de son immeuble. Ils chuchotent à chaque apparition du petit frère, adolescent de leur âge, qui fricote avec les dealers. Mais dès qu'apparaît la mère, femme de ménage fatiguée, tout le monde se tait. Et lorsque Driss raconte sa propre histoire d'enfant "donné" par ses parents à sa tante, le silence est absolu. Ceux qui ne connaissent pas les quartiers y verront peut-être une incongruité. Mais c'est une réalité qu'une Courneuvienne mauritanienne nous a décrite mot pour mot pas plus tard que cet été.
Nous sommes à la fin du film. Nouvel entretien d'embauche. Driss est toujours noir, son C.V n'est toujours pas reluisant. Mais désormais, il connaît les codes qui rassurent les recruteurs. Plus qu'avec son "pragmatisme", il sait qu'il séduira davantage en évoquant Goya ou un alexandrin, même pour un boulot de livreur. Le voilà maître des codes du quartier comme de ceux des beaux quartiers. Il triomphe.
Fin de la séance. La salle a ri à l'unisson pendant 1 h 52. Et quand débute le générique, ce sont les jeunes du premier rang qui lancent les applaudissements, un tonnerre d'applaudissements. Ils sortent exaltés : "C'est violent ! C'est mortel ! C'est à revoir 4 fois minimum ! Ça donne une bonne image des jeunes de cité !" Un héros qui leur ressemble, vu avec bienveillance par 10 millions de spectateurs... Ils peinent à y croire."
**************************
Si vous avez encore de l'énergie pour le sujet, lisez l'intégralité du reportage, Djac. Peut-être vous demanderez-vous alors, comme Poisson, qui est réactionnaire ? qui raisonne sur des clichés ? -
Djac Baweur
Intouchables : Cendrillon des temps modernes. -
galanga
Excellentissime émission. J'm'â régalé. Merci à @SI et aux trois exceptionnels invités. -
sleepless
RIP Ken Russell... -
François Guillement
Au sujet du film de Blier, il est évident qu'il est très sexiste. Revoyez-le. La scène où Devers et Depardieu touchent les seins de Brigitte Fossey dans le car, est très violente. Le film laisse penser qu'elle refuse leurs avances parce qu'elle est coincée et bourgeoise.
Un tel film est décalé aujourd'hui. -
IT
Tiens. Aujourd'hui. Télérama.
"Une adaptation de la série culte qui ne cherche pas la fidélité mais en rajoute dans le punch, l'humour, le glamour et le second degré revival seventies. Cameron Diaz en tête, le trio manie furieusement kung-fu, postiches et sports extrêmes. Trois anges qui font passer James Bond pour un ringard fatigué." Un T. Charlie et ses drôles de dames.
"Ce soir, François Busnel, l'amoureux des livres et des écrivains, parlera-t-il des ouvrages de Mona Ozouf et d'Elie Wiezel avec autant d'admiration vibrante qu'il le fit il y a quelques semaines pour celui de Delphine de Vigan ?". La grande librairie. Un T-creux.
Donjons et dragons. "Dans la série << puisque le jeu a emballé les consoles du monde entier, faisons-en un film >>..."
Bon, des fois faut juste que je retourne voir pour quelles raisons je peux pas saquer Télérama. Mais c'est toujours une vérification assez rapide. Vali-valà. -
Etupa
Ah merde je suis sur Télérama? Ah non c'est bien arrêt sur image!
Les élections dans 6 mois et on parle de cinéma...? Je désespère!
Offrez nous un grand débat avec plein d'économistes et de politicards plutôt. -
stan
Ce qui est dit sur Spielberg et les Dents de la Mer passe à côté de l'essentiel :
Les dents de la mer est le premier film à avoir fait une vraie campagne de publicités à la télévision américaine. C'est plus ça que l'absence de projection de presse qui a changé la donne. -
stan
"Les critiques finissent toujours par changer d'avis, ou plutôt ils meurent et sont remplacés par d'autre"
M. Houellbecq
Les critiques sont spécialistes du c'était mieux avant et invoquent en référence des films qui ont été la plupart du temps boudés par les critiques qui les précédaient.Franck Capra, Dino Risi...Par snobisme parfois une assze bonne série B devient un chef d'oeuvre (cf. Drive).
Dans les critiques cultes:
Serge Kagansky qui prend amélie poulain pour un film lepéniste ?!!?
Les cahiers du Cinéma parlant de grand film pour le Pacte des loups
La surestimation incroyable de 17 fois Cécile Cassard et autres films imbuvables vendus avec un Valium
Ne pas écouter les critiques est le meilleur moyen de ne pas se retrouver devant un nanar pseudo-élitiste au cinéma. -
stan
Faut vraiment être imbécile profond (d'une imbécillité très germanopratine) pour juger qu'un film est mauvais uniquement pour des raisons politiques. A quelques exceptions près (Michel Ciment...) les critiques de cinéma ne parlent presque jamais du film quand ils l'analysent. Il s'agit avant tout de savoir comment se placer par distinction (cf Bourdieu). -
YG
Ben moi je suis rédac-chef dans un mag semi-pro (voir le site www.daily-movies.ch pour les curieux) et je rédige régulièrement des critiques et on pourrait écrire tout un bouquin sur le rôle idéal du critique, sa légitimité, les écueils à éviter. Surtout que je n'ai fait aucune étude de cinéma, je me contente de lire beaucoup de bouquins/articles de fond sur le ciné et de voir beaucoup de films.
A mon avis, la critique doit être un savant mélange d'avis personnel (on partage son ressenti) et d'avis "général" : on se met dans la peau du spectateur lambda - qui n'existe d'ailleurs pas - et on essaie en plus de dégager ce que chacun pourra ressentir de bien dans un film qu'on a pas aimé et de mal dans un film qu'on a apprécié. Approcher la simultanéité impossible de donner un avis à la fois objectif et subjectif. Donc on doit avoir appris à faire face à ses propres biais et c'est le plus dur : mettre à distance ses goûts et faire preuve d'empathie avec le spectateur lambda.
Donner un avis subjectif c'est facile : on met en avant ce que l'on a apprécié/pas aimé. Le plus du critique pro sera dans le référencement avec des œuvres existantes, les comparaisons avec d'autres réalisateurs, la mise en avant de l'efficacité/inefficacité technique visible ou invisible qui fait les bons/mauvais films. L'habitué verra/sentira des choses que le spectateur lambda ne saura pas forcément voir, et aura en plus accès à des infos qui pourront expliquer des choix apparemment étranges (le passé des réal/scénaristes/acteurs, les conditions de production, l’ambiance de tournage permettent de comprendre bien des choses). Et bien sûr il faut bien écrire pour faire passer tout cela de manière digeste au lecteur.
Donner un avis objectif c'est là la gageure et je crois que c'est la compétence primordiale du critique pro. Il a une formation et un nombre de films vu qui doit lui permettre de relativiser et de créer une échelle de valeur la plus objective possible qui permet de situer ce qu'il a à critiquer. L'essentiel étant de voir des films dans tous les genres et de faire preuve d'empathie : il faut penser au spectateur qui va voir un film par an (la grande majorité des gens je crois mais je retrouve plus l'étude), au cinéphile hardcore, à l'ado, au retraité, à l'homme, à la femme, au fan de film d'action et à l'aficionado du ciné d'auteur... Ainsi on trouvera toujours dans une bouse un truc qui plaira à quelques-uns, et dans un chef d’œuvre des trucs qui gêneront d'autre.
Ce constat part d'ailleurs d'une expérience festivalière régulière, qui me fait constater que même lorsqu'on va voir les mêmes films avec des gens qui partagent plutôt vos goûts, on trouvera toujours des avis différents. Et si en plus on tend l'oreille pour écouter le ressenti du public en sortie de salle, on sera étonné qu'un film qu'on aura trouvé nul à chier unanimement à 12 critiques/cinéphiles hardcore (l'infâme Grave Encounters par exemple) aura trouvé grâce auprès de plusieurs personnes, voire même été franchement apprécié. Ça remet les choses en perspective.
Alors pour revenir à l'émission, on a peut-être trois critiques qui ne font pas assez l'effort de voir autre chose que ce qu'ils apprécient ou pensent apprécier. Pierre Murat doit à mon avis pas se ruer aux visions de presse des thrillers ou films de SF/horreur et Djoumi ne fera pas celles de "Je vais bien ne t'en fais pas" ou "Versailles rive droite". Et c'est probablement un des points faibles des critiques en général, chacun se spécialise dans un genre par inclination ou manque de temps (on ne saurait tout voir !) et du coup ça formate son goût et on se met à développer des attentes disproportionnées. Ainsi de Murat qui voudrait qu'Intouchables ait la virtuosité de mise-en-scène d'un Lubitsch ou l'acidité d'un Risi, parce qu'il a vu tellement de comédie de mœurs que ses standards sont hyper hauts.
Comme en tant que rédac-chef, je suis le dernier ressort quand personne veut chroniquer un film, je suis par la force des choses obligé de voir des films que je fuirais en temps normal. Et c'est un bien ! J'aurais loupé des tas de bons films sans ce coup du hasard. Du coup ça m'a imprimé à vie cette nécessité de voir de tout. Je suis plutôt action/SF/horreur/ciné asiatique/policiers français et j'ai découvert le ciné africain, turque, les films d'auteur français, d’Amérique du sud... Y'avait des trucs nuls, mais aussi plein de bonnes surprises dans le tas.
Pour finir je reviens sur une phrase à mon avis incomprise de Rafik, le coup du "pourquoi le public irait au cinéma pour être malmené ?" qu'il reproche à Murat. Certains spectateurs vont au cinéma pour se divertir (rien de mal à ça), d'autres pour se cultiver, d'autres pour ressentir des émotions, mais je ne connais pas un spectateur qui aille au cinéma pour littéralement "se faire malmener". On peut incidemment être ébranlé par un film, mais on y va pas sciemment pour ça. Rafik pointe ainsi à Murat un biais de pensée par lequel il considère principalement le cinéma comme un instrument intellectuel en occultant sa dimension principale de divertissement. C'est ce que je pense qu'il pense ^^'