Glyphosate : "La probabilité d'un problème de santé publique est faible"

La rédaction - - Pédagogie & éducation - 216 commentaires


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La lutte contre le glyphosate, ce pesticide contenu dans de nombreux produits utilisés notamment par les agriculteurs, est devenu le marqueur de l'engagement écologique notamment pour le gouvernement français, pour son caractère cancérogène, probable ou non. Pourtant de nombreuses agences sanitaires démentent ce caractère cancérogène. Nous allons tenter de faire le point sur cette bataille sans merci, sans oublier de nous interroger sur les moyens de sortir éventuellement du glyphosate, avec Stéphane Foucart, journaliste au Monde ; Sylvestre Huet, journaliste scientifique ; et Hervé Le Bars, porte-parole de l'Agence française pour l'information scientifique (Afis).

"Tout le monde aime détester monsanto"

Le glyphosate, composant principal du Roundup et d'autres herbicides, est-il le nouveau marqueur politique sur l'engagement écologique ? L'herbicide s'est invité dans le débat politique ces dernières années. Comment l'expliquer ? "Monsanto est une entreprise que tout le monde aime bien détester", répond Stéphane Foucart. Pour Hervé Le Bars, c'est le résultat d'une "opinion complotiste" devenue "majoritaire" sur le sujet. "L'ignorance de comment fonctionne l'agriculture fait que c'est très facile de vouloir supprimer un produit dont on ne connaît pas vraiment l'usage", ajoute Huet. 

Retour sur les "Monsanto Papers", ces dizaines de milliers de documents rendus publics aux Etats-Unis grâce au Freedom of Information Act (dont nous vous parlions ici). Le Monde s'est penché sur eux, et met en avant des méthodes de lobbying agressives de la part de Monsanto, par exemple le ghostwriting d'articles pour Forbes ou dans des revues scientifiques.

En face, la mobilisation pour l'interdiction du glyphosate s'exerce essentiellement dans les medias. Par exemple avec Jacques, 7 ans, interviewé par Quotidien, qui a envoyé une lettre à Emmanuel Macron pour lui demander de "suspendre tous les pesticides", dont le glyphosate. Et les procès se multiplient. A l'exemple de celui gagné par Dewayne Johnson en Californie contre Monsanto : le jardinier accusait l'entreprise d'avoir causé son cancer, en phase terminale. 

Le glyphosate, cancérogène ou pas ?

Evénement marquant de la médiatisation sur le glyphosate : en mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), agence de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) conclut que le pesticide est "probablement cancérogène pour l'Homme". Mais dix autres agences, dont l'Efsa, l'Anses ou encore une réunion mixte entre la FAO et l'OMS, concluent de leur côté, et à différents degrés, à une improbabilité de la cancérogénicité du glyphosate chez l'Homme. 

Une contre dix, la question est-elle pliée ? Pas pour Stéphane Foucart. "Le seul avis fondé sur la science aujourd'hui, c'est celui du CIRC", assure le journaliste. Un avis que ne partage pas Le Bars. "Ce sont les mêmes études de cancérogénèse qui amènent le CIRC et les autres agences à leurs conclusions", avance le porte-parole de l'Afis. Des mêmes études, des conclusions différents ? Une différence "d'interprétation" pour Le Bars. Le débat se poursuit sur la différence et la complémentarité entre génotoxicité et cancérogénèse. 

Il faut faire la différence, insistent nos invités, entre le "danger"  intrinsèque à un produit, ce qu'évalue le CIRC, et le risque, à savoir la dose à partir de laquelle un produit a des effets négatifs. "Le CIRC exprime un degré de confiance, mais pas le risque", résume Le Bars. Qui rappelle que dans le groupe des cancérogènes certains pour l'Homme du CIRC, on retrouve à la fois le plutonium et...le jambon. 

Quel est alors l'intérêt des avis, théoriques, du CIRC ? "Académique", répond Huet : il s'agit d'une synthèse de la littérature scientifique connue pour établir un classement. "Mais quand ce classement est utilisé auprès de l'opinion publique sans en préciser l'objet, alors là on peut tomber dans une erreur de transmission de l'information". L'avis du CIRC a été "mal médiatisé", pour Huet. Il estime que "la probabilité pour qu'il y ait un énorme problème de santé publique à cause de ça est faible". Et d'ajouter : "Est-ce que c'est une raison suffisante de continuer à arroser partout avec du glyphosate ?" Pas pour le journaliste scientifique. Foucart, de son côté, invoque le "principe de précaution" : "Quand il y a une plausibilité d'un effet, on s'abstient de mettre cette molécule sur le marché". A nouveau, le débat se poursuit entre Foucart et Le Bars.

Autre point à étudier : et si le problème ne venait pas du glyphosate lui-même, mais des adjuvants dont on l'augmente, notamment pour une meilleure pénétration des plantes ? En 2009, un reportage de Capital (M6) avançait déjà cette hypothèse. 

Une agriculture durable, la solution ?

Pour conclure l'émission : interdire le glyphosate n'ouvrira-t-il pas la porte à des alternatives plus nocives encore pour les écosystèmes ? Pour Huet, le problème est à chercher dans le système d'agriculture actuel, qui pousse au rendement et oblige à l'utilisation d'herbicides, glyphosate ou autre (parmi les alternatives, le Dicamba est considéré comme pire que le glyphosate). "Est-ce qu'on est capable de transformer notre agriculture en cherchant à la faire plus durable et donc en utilisant moins de produits chimiques ?" La question, ouverte, sera celle de la fin. 

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