Gafam : "C'est la corruption de la presse qui fait qu'il y a le silence"

La rédaction - - Numérique & datas - 24 commentaires


Cinq petites lettres qui régissent en partie notre consommation de l'information : Gafam. Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft. Ajoutons à la liste le nouveau X de Twitter et le T de Tiktok pour un panel complet. 62% des Français passent par un réseau social pour s'informer : mais à quelle informations accède-t-on ? Nos feeds, si bien nommés, nous nourrissent jusqu'à l'étouffement de liens, de vidéos, d'images, de textes, régis par des logiques algorithmiques qui nous échappent. Comment s'y retrouver ? Face aux géants du web, les médias ont mis un temps infini à réagir, en passant des accords financiers pour gratter une part du gâteau, ou en courant derrière les dernières évolutions de ces éditeurs incontournables pour s'assurer une visibilité en ligne. Fait étonnant : les médias sont les derniers à traiter dans leurs colonnes de ce problème majeur pour l'accès à l'information, et finalement la démocratie. La presse peut-elle sortir de la dépendance ? Et à quel prix ?

Nous recevons cette semaine Nathalie Sonnac, docteure en économie, professeure à l'université parisienne d'Assas, et membre du CSA entre 2015 et 2021 ; Laurent Mauduit, journaliste et co-fondateur de Mediapart ; Olivier Ertzscheid, chercheur en sciences de l'information à l'Université de Nantes.

Le mythe de l'algorithme robotisé

Longtemps les plateformes ont fait croire que leurs algorithmes se géraient seuls, comme des "êtres mathématiques obscurs", explique Olivier Ertzscheid. Mais ce n'est plus possible : "Il y a une instrumentalisation de certains phénomènes, une volonté de mise en avant de certains phénomènes, et d'invisibilisation d'autres phénomènes. [...] Derrière chaque affichage, derrière chaque construction de chaque fil d'information, il y a des décisions pesées et pensées par les propriétaires de ces plateformes."

Sortir du tunnel 

Nous avons fait le test en novembre dernier : TikTok nous propose majoritairement du contenu pro-palestinien, et impossible de sortir du tunnel, même en tentant de forcer l'algorithme. Pour Olivier Ertscheid, c'est l'illustration d'une vérité simple : la recommandation selon vos goûts est un mythe. "Il y a une tricherie fondamentale. C'est-à-dire qu'on va toujours finir par vous amener sur des contenus qui sont beaucoup plus en concordance avec ce que la plateforme cherche à vous vendre, ou ce qui est bénéfique pour elle, qu'avec ce qui vous intéresse vraiment."

La vénalité de la presse

En préparant cette émission, nous n'avons pu que constater une absence criante dans les médias de réflexion sur le sujet du jour, sur l'emprise des Gafam sur l'information, et sur l'avenir de la presse française. Rien d'étonnant pour Laurent Mauduit : "C'est la vénalité, c'est la corruption de la presse qui fait qu'il y a le silence. [...] Quand vous vous abonnez au Monde, au Figaro, à Libération ou à Ouest-France, votre abonnement, la première année, est pris en charge à 50% par Google. Or ces accords commerciaux sont secrets !"

Pour aller plus loin 

- Le livre de Nathalie Sonnac, Le nouveau monde des médias (Odile Jacob, 2023).
- Le livre de Laurent Mauduit, Vous ne me trouverez pas sur Amazon ! (Divergences, 2024).
- Le blog d'Olivier Ertzscheid, Affordance info, et son livre, Le monde selon Zuckerberg(C&F, 2020). 
- Les chroniques de Thibault Prévost sur la révolution numérique en cours.

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