Drag-queens : "Quoi que je fasse dans les médias, je vais me prendre de la haine"

La rédaction - - (In)visibilités - 43 commentaires


Elles ont occupé une place importante, quasi-centrale, pendant la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024. Les drags-queens françaises ont été propulsées sur le devant de la scène le temps d'une soirée historique, et leurs performances ont ébloui et étonné des dizaines de millions de personnes devant leur écran. Mais elles ont aussi provoqué des réactions abjectes et homophobes.

Comment, aujourd'hui, visibiliser les drag-queens sans les mettre en danger ? Pour en discuter, trois invitées : Piche, chanteuse, rappeuse et drag-queen, qui a participé à la cérémonie d'ouverture et à la saison 2 de Drag Race France, diffusée sur le service public, dont on parle aussi beaucoup dans cette émission ; Minima Gesté, elle aussi drag-queen, qui a porté la flamme olympique le 14 juillet au sein du musée Carnavalet, à Paris et s'est retrouvée au centre d'une polémique ; et enfin, Marion Cazaux, doctorante en histoire de l'art contemporain, spécialisée dans les questions de représentation queer. 

"Visuellement, ça choque, tout simplement"

Retour d'abord sur la cérémonie d'ouverture des Jeux, et le tableau des "Festivités", qui a tant fait polémique. Était-ce une reproduction du tableau La Cène de Léonard de Vinci, représentant le dernier repas de Jésus avant sa crucifixion, comment beaucoup de spectateur·ices l'ont vu ? Ou bien une référence au Festin des Dieux, du peintre néerlandais du XVIIe siècle Jan Harmensz van Bijlert, mettant en scène Dionysos et Apollon - comme l'a déclaré le créateur de la cérémonie Thomas Jolly ? Peu importe finalement, puisque la querelle n'a pas été mise sur la table par des historiens de l'art, mais surtout par l'extrême droite, les autorités catholiques et... Jean-Luc Mélenchon sur son blog. Pour Piche, l'explication est simple : "C'est parce qu'on est des queers, tout simplement". Sur son cas personnel, elle développe : "Je suis une drag-queen, avec une représentation du genre qui n'est pas hétéronormée, donc ça dérange (…) On n'a pas l'habitude de voir des femmes avec des barbes. Donc du coup tout simplement, visuellement, ça choque, tout simplement."

"Me jeter en pâture"

Quid d'une éventuelle responsabilité journalistique dans la violence subie par certaines drags ? Nous nous arrêtons sur une séquence en particulier : une question posée par le journaliste politique de TF1, Adrien Gindre, à Marion Maréchal-Le Pen le 2 mai 2024 dans la matinale de la chaîne, "Bonjour !", à propos du fait qu'une drag-queen, Mimima Gesté en l'occurence, allait porter la flamme. En plateau, Minima Gesté, qui a subi les foudres de l'extrême droite en ligne à la suite de à cette interview, s'interroge : "Quelles étaient les intentions du journaliste derrière ? À quel moment on allait penser que Marion Maréchal allait dire qu'elle était super fière ? C'était un petit peu me jeter en pâture". 

"Plein la tronche"

Vu le déferlement de haine, prévisible, les drags ont-elles intérêt à se mettre autant en avant ? Pour Piche, oui, sans aucun doute. "Je suis une drag-queen. Quoi que je fasse dans le milieu audiovisuel je vais me prendre de la haine. C'est horrible, mais je m'y suis habituée. Les drag-queens ont toujours été fers de lance des mouvements activistes et politiques. On s'est toujours retrouvés en première ligne. Et on s'en prend toujours plein la tronche en fait, tout simplement."

Pour aller plus loin 

- "Oui, ça ira", entretien fleuve (et passionnant) avec l'historien Patrick Boucheron, co-auteur de la cérémonie d'ouverture des JO de Paris 2024, publié sur "Le Grand Continent" (30 juillet 2024)

- "Les artistes du tableau des Festivités face aux messages haineux",  (Le Monde, 2 août 2024)

- Le blog de Marion Cazaux, qui rassemble ses travaux sur les représentations queers

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