Déficit : "Les boucs émissaires, ce sont les chômeurs"

La rédaction - - Médias traditionnels - 23 commentaires


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Après 2019, après 2023, les chômeur·euses vont à nouveau subir un tour de vis. Alors que le déficit de l'État se creuse, la cible est toute trouvée pour faire des économies : les précaires. Gabriel Attal prépare un nouveau saccage social en visant les plus pauvres et sur les plateaux, on entend encore les mêmes discours : le chômage en France est trop protecteur, les chômeur·euses se complaisent dans leur situation, il faut les remettre au boulot, coûte que coûte, surtout pour eux. Une question n'est jamais posée pourtant, ou presque : quels effets ont eu les précédentes réformes ? Ont-elles seulement fonctionné ? Et puis il y a le rôle de la dette dans tout ça, grand épouvantail prétexte à toutes les casses de notre modèle social - on s'y attardera. 

Pour tenter de comprendre ce qui nous attend, nous recevons Claire Vivès, sociologue du travail au Centre d'études de l'emploi et du travail, co-autrice de Chômeurs, vos papiers ! (Éditions Raisons d'agir) ; Cécile Hautefeuille, journaliste pour le pôle social de Mediapart, autrice de nombreuses enquêtes sur les réformes de l'assurance chômage ; Henri Sterdyniak, économiste, membre fondateur des Économistes atterrés, co-auteur de Penser l'alternative, réponses à quinze questions qui fâchent (Fayard).

Le gouvernement décide

Que peuvent les partenaires sociaux pour empêcher cette nouvelle réforme ? Claire Hautefeuille rappelle que le gouvernement doit fournir une lettre de cadrage, comprendre une feuille de route, pour encadrer les négociations. Mais qu'en dehors de ça, il reste tout puissant : "Ça paraît à peu près évident que ça va passer. Parce que même si les partenaires sociaux ne sont pas d'accord ou n'arrivent pas à se mettre d'accord, l'exécutif peut décider seul des règles."

Le déficit, grand épouvantail

Avec la dette, il est partout. Prémice quasi-obligé de tous les débats sur la réforme de l'assurance-chômage, le déficit semble tombé du ciel pour mettre la France à genoux. Mais Henri Sterdyniak rappelle quelques évidences (que l'on entend rarement ailleurs) : "Depuis l'arrivée au pouvoir de Macron, il y a 72 milliards de réductions d'impôts, dont une grande partie ont profité aux entreprises ou aux plus riches. On a 90 milliards d'exonérations de cotisations sociales dont une partie ne sert pas à grand chose. [...] Quand ça ne marche pas, on trouve des boucs émissaires. Et les boucs émissaires, ce sont les chômeurs."

Un système excédentaire, à quel prix ?

Le chiffre est colossal : l'Unedic, chargée de la gestion de l'assurance-chômage, est excédentaire de 8 milliards d'euros. Une manne que le gouvernement entend bien allouer à d'autres postes de dépenses, et qui repose surtout sur un état de fait dramatique pour Claire Vivès : "On a cet excédent au prix de moins d'un demandeur d'emploi sur deux qui est indemnisé, et de montants d'indemnisation et des durées qui ont été vraiment très très très très très abaissées par les réformes antérieures. Cet excédent, c'est le résultat des mauvais traitements" infligés aux chômeur·euses.

Pour aller plus loin

- Le livre collectif de Claire Vivès, aux éditions Raisons d'agir. 
- Le livre collectif d'Henri Sterdyniak, chez Fayard. 
- Les enquêtes de Cécile Hautefeuille pour Mediapart


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