Crépol, Romans-sur-Isère : "On ne parle d'ensauvagement que pour les personnes racisées"

La rédaction - - Scandales à retardement - 20 commentaires


De Crépol à Romans-sur-Isère, que se passe-t-il depuis le 19 novembre et le meurtre de Thomas, 16 ans, en marge d'une fête de village ? L'expédition punitive menée par l'extrême droite a montré comment s'organisent des groupuscules épars mais déterminés à mener la guerre dans les quartiers populaires. Une guerre fantasmée par certains, crainte par d'autres, mais existe-t-elle vraiment ? Crépol est-il le symbole de ces deux France prêtes à s'affronter, celle des "ruraux paisibles" contre celle des "immigrés de banlieue", comme nous le vendent certains médias ? Gérald Darmanin dénonce l'"ensauvagement" de la société et les journalistes reprennent le terme sans distance, sans le questionner. Ils semblent aussi découvrir la violence de ces groupuscules d'extrême droite qui démontrent pourtant régulièrement qu'occuper l'espace public ne leur fait pas peur, et qu'ils sont prêts à l'affrontement. 

Pour tenter de démêler l'émotion et les faits, nous recevons (en visio) Marie Allénou, journaliste et co-directrice de Rue89 Lyon, site qui enquête au quotidien sur l'extrême droite locale ; Édouard Zambeaux, journaliste et directeur éditorial de la Zep, la Zone d'expression prioritaire, qui fait émerger les témoignages de jeunes de tous horizons ; et Christophe-Cécil Garnier, journaliste pour StreetPress qui a enquêté sur les groupuscules à l'origine du raid raciste de Romans-sur-Isère.

"Ensauvagement" et quartiers populaires

Gérald Darmanin l'affirme : le drame de Crépol est un signe de l'"ensauvagement" du pays. Un lexique réservé aux quartiers populaires, qui connaissent pourtant les mêmes maux que le reste de la société française, comme l'explique Édouard Zambeaux : "Ces quartiers n'ont pas le droit à la banalité. Il faut forcément qu'ils soient l'incarnation, la métaphore de quelque chose. Évidemment qu'il y a de la violence, du trafic, ce serait débile de le nier. Mais c'est pas parce qu'un jeune d'un quartier s'attaque à un jeune d'un pas-quartier que les quartiers sont en guerre contre les pas-quartier."

La figure de "gros lardon"

Au milieu de l'inquiétude et de la sidération, son surnom a fait rire internet. "Gros lardon", l'un des meneurs de la descente raciste de Romans-sur-Isère, n'est pourtant pas un enfant de chœur, comme l'explique Christophe-Cécil Garnier, qui a enquêté sur lui : "C'est quelqu'un qui est fan d'Hitler, fan du Troisième Reich. Les enquêteurs ont retrouvé chez lui des drapeaux SS. Il y a eu ce mème tout le week-end, mais on parle quand même d'un militant qui peut être violent. Donc, c'est pas un clown." 

Quand les médias découvrent l'extrême droite

Le lancement du JT de TF1 a fait sursauter Marie Allenou, lorsque Gilles Bouleau explique qu'à Romans-sur-Isère, les groupuscules d'extrême droite sont "sortis de l'ombre". La journaliste, qui enquête sur le sujet au quotidien, raconte le quotidien d'une ville comme Lyon : "À Lyon, ils ne sont pas dans l'ombre du tout. Il y a 400 à 500 militants d'extrême droite radicaux recensés par les renseignements territoriaux. En un an, j'ai compté environ une action ou un événement par mois imputés à l'extrême droite à Lyon. Quand il se passe des choses à Lyon, ça ne fait pas le tour des médias nationaux."

Pour aller plus loin

- Le site de la Zone d'expression prioritaire.
- L'enquête de StreetPress sur la "Division Martel", menacée de dissolution par Gérald Darmanin.
- Le dossier de Rue89 Lyon sur l'extrême droite locale.
- Notre article sur les mots choisis par les médias pour traiter le raid de Romans-sur-Isère. 

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