[Avent 2021] Présidentielle 2012 : Hollande, un "hyper normal" adoré des journalistes

La rédaction - - 176 commentaires

Avent #14. Où l'on apprend que s'ils l'aiment en ce début de mandat, c'est aussi parce qu'il les a beaucoup alimentés en "off"


Ah l'état de grâce... Si Hollande a fini son quinquennat avec des scores d'impopularité record, les premières semaines ont été printanières. Hyper normal, superdisponible, tellement drôle : les journalistes sont aux anges.

11 mai 2012. Ô Surprise! La plupart des grands médias audiovisuels hier encore fascinés, voire hypnotisés par Nicolas Sarkozy, semblent adorer le nouveau président Hollande, un homme si simple, si normal, si sympathique, si accessible, et puis avec un tel sens de l’humour! Est-ce qu’on l’adore au point d’héroïser sa biographie et les premiers jours de son mandat ? Sur notre plateau, Eric Dupin, journaliste politique, auteur de La victoire empoisonnée (Seuil), et Marie-Eve Malouines, auteur de François Hollande, la force du gentil (Ed JC Lattès).Pour pénétrer dans le sujet, Didier Porte exprime d'abord son émotion à la vue des images de Thomas Hollande, sur France 2, au soir de la victoire de son père. Et décèle au passage un petit bidonnage. Que pensent nos invités de cette peopolisation de Thomas Hollande ? Malouines se dit "très mal à l’aise". Dupin carrément "scandalisé", et considère que Thomas Hollande s’est lui-même rendu complice en acceptant ce type de mise en scène.

Cette semaine, plusieurs livres politiques sont parus, terminés dimanche soir, dans la précipitation: ce sont les "quickbooks". Le livre de Dupin, même s’il est paru cette semaine, n’en n’est pas vraiment un: le livre est fouillé, enquêté. Mais la couverture représente Hollande. Et s’il avait perdu ? "S’il avait perdu, le livre ne serait pas paru!", assure Dupin. "Cela aurait voulu dire que je n’avais pas vu la réalité. J’étais totalement convaincu de la défaite de Nicolas Sarkozy", ajoute-t-il. Malouines, elle, a sorti son livre en février. Elle a commencé à penser au livre en mai dernier, puis a signé le contrat avec la maison d’édition à l’automne, après la primaire. (Acte1)

"Une bonne com' correspond à la sincérité"

"Hyper normal", "superdisponible". Dans un des 20 Heures, cette semaine sur France 2, Hollande est présenté par Fabien Namias et David Pujadas de manière extrêmement positive, très proche des gens, et doté de beaucoup d’humour. "Hollande est-il sincère ou est-ce de la com" ? demande Daniel . "Une bonne com' correspond à la sincérité. On l’a vu comme ça, tous les journalistes le connaissent comme ça", répond Malouines. Dupin confirme: "Son style d’acessibilité, de simplicité, c’est son style personnel." "De ce point vue là, il est d'ailleurs plus proche de Chirac que de Mitterrand, ajoute Dupin,ce qui n’exclut pas non plus que Hollande puisse en jouer." Pourquoi ce ton général de bienveillance envers Hollande ? On cherche à comprendre pourquoi il gagné, et s'il a gagné, les journalistes considèrent qu'il a fait les bons choix, explique Malouines, soulignant au passage quelques revirements d'éditorialistes qui assurent maintenant avoir toujours cru en Hollande...

Dupin déplore queles médias ne creusent pas davantage le portrait politique de Hollande : qui on a élu, sur quel mandat ? "Il y a des livres pour ça", répond en riant Malouines. "C’est aussi le rôle des journalistes de savoir où est la vérité de François Hollande", ajoute Dupin. "C’est un personnage complexe", résume-t-il. Pour lui, Hollande s'inspire de Mitterrand, mais il a aussi un côté corrézien. Pour Dupin, Hollande a un point commun avec Sarkozy : "Ce sont deux personnalités qui ont alimenté les journalistes politiques pendant de nombreuses années. Dans les deux cas, se sont créées des relations étroites".(Acte2).

Dans les mécaniques qui amènent les journalistes à adhérer à une personnalité politique, il peut y avoir la proximité idéologique. C'est le cas par exemple de Libé, dont plusieurs "Unes" lors de la campagne s'apparentaient à des affiches pro-Hollande. En témoigne notamment celle réalisée le soir du débat de l'entre-deux tours,"Hollande préside le débat", bouclée... bien avant la fin du débat. "Je dis à mes amis de Libé, là ils déconnent un petit peu", lâche Dupin (ancien du journal). Toutefois, pour lui, impossible que Libé devienne le Figaro de gauche : autant le lectorat de droite peut accepter que son journal soit au service du pouvoir, car "les conservateurs sont plus naturellement portés à défendre le pouvoir en place", mais les gens de gauche, à l'inverse, ne l'accepteraient pas, car ils ont un "certain esprit critique", estime-t-il. Qu'en était-il de Libé en 81, à l'élection de Mitterrand? Dupin, qui y travaillait à l'époque, assure que le journal avait davantage de distance avec Mitterrand qu'il n'en a aujourd'hui avec Hollande.

Hollande contre Chirac (en Corrèze), DAvid contre Goliath ? 

Qu'en est-il des récits biographiques de Hollande? Exemple avec le récit donné par Jacques Attali, que l'on retrouve dans plusieurs émissions et documentaires, concernant son rôle à l'Elysée avec Mitterrand. Mais dans aucun de ces documentaires, il n'est question du rôle exact de Hollande à cette époque. "A l’époque, il s’assurait de la bonne utilisation des fonds secrets", explique Malouines. Le rôle de Hollande : s'occuper du financement de la fondation de Danièle Mitterrand, et, comme l'explique Malouines dans son livre, du financement de... SOS Racisme. (Acte 3)

Un épisode de la carrière de Hollande a été totalement occulté dans ses biographies diffusées ces jours-ci : l'affaire Caton. Il s'agit d'un livre publié en 1983 sous le pseudonyme de Caton, prétendument écrit par un militant de droite anonyme, qui commentait la campagne, cognait sur la gauche, mais encore plus sur la droite. C'est l'Elysée qui avait en réalité commandité le livre. Hollande y a participé en fournissant tout un argumentaire. Et Hollande est même intervenu dans plusieurs médias en se faisant passer pour cet auteur anonyme de droite. Jean-Michel Aphatie avait diffusé en 2008 sur le plateau du Grand Journal un de ces extraits. On n'a pas ré-entendu cet enregistrement depuis son élection...

Dans le livre de Dupin, on découvre une citation de Hollande d'une rare franchise, passé inaperçue : "Le problème, il est chinois. (...) Les Chinois trichent sur tout. Il faudra ouvrir le conflit", dit-il. Une citation qui aurait mérité une dépêche AFP ?

Dernier exemple de bienveillance envers Hollande, le récit de sa première campagne en Corrèze, présentée souvent comme David contre Goliath. En réalité, c'est un peu plus complexe : Hollande "n'a aucune chance" souligne Malouines, il était envoyé car l'Elysée ne voulait pas embêter Chirac, "en Mitterrandie, on n'embête pas le principal adversaire". Dupin ajoute : "Avec son sens politique, il a bien vu le bénéfice politique qu'il pouvait en tirer". (Acte 4)

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