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Sedinam Fianyo
Pour une fois je n'ai pas grand chose à dire sur cette émission d’Arrêt sur images, son principal intérêt a été d'attirer mon attention sur un très bon documentaire.
Je comprends pourquoi initialement l'entreprise et l'agence de recrutement étaient satisfaites du film, il montre une réalité du travail que je comprends et accepte. Commerciale depuis longtemps, il n'y a que deux détails (de taille) qui m'ont choqué :
- le fait que les candidats ne connaissent le montant de la rémunération qu’en fin de journée (c'est inadmissible, ce d’autant plus, que les commerciaux sont par nature motivés par la rémunération)
- la réflexion du DRH, qui sous entend devant le départ de certains candidats durant le processus de sélection, que si il y a autant de chômeurs, c’est en gros parce que les paresseux ne veulent pas se donner la peine de chercher du travail.
A part ceci, la violence du processus de sélection est en deçà de la difficulté du métier de commercial notamment de « chasseur » c’est à dire chargé de conquérir des nouveaux clients (à l’opposé des vendeurs chargés de la fidélisation) – On est aussi dans le cadre de ventes purement transactionnelles à des particuliers, ce qui est facteur de stress supplémentaire. La vente est un métier difficile, d’une part parce que les prospects (vous, moi, la voisine de pallier) sont fatigués d’être constamment sollicités et expriment leur refus quelquefois de manière peu courtoise ; d’autre part parce que vous avez la pression du chiffre au quotidien, votre supérieur demande des résultats, parce que son supérieur a besoin de résultats ainsi de suite … C’est cette résistance au stress, cette capacité à faire face à la pression et à faire ses chiffres coute que coute que de nombreux exercices de recrutement pour commerciaux cherchent à tester –
Cette dureté du monde économique, très bien expliqué par plusieurs candidats (facture à payer, arrivée en fin d’indemnisation, tous ces problèmes sont joliment résumés par une formule d’un candidat « la liberté n’a pas de prix, c’est pourquoi je suis très pauvre ») est aussi reflétée par la présentation de la compagnie aux « chanceux » finalistes - Le groupe mondial riche de x collaborateurs et présent à l’international est aussi soucieux de ne pas faire « exploser le coût de sa masse salariale » - Nous sommes bien dans un système où il reste certes des choix très limités: celui de partir (et de se demander comment on va pouvoir mettre de l’essence dans sa voiture dixit une candidate) ou de rester et d’essayer de ne pas écraser les autres dans le processus.
- Sourire en coin mesquin du DRH quand les finalistes se lancent dans leur joute oratoire
- Le vieux routard de la vente, ex manager, qui décide (à mon avis bien inutilement) de déstabiliser lors du jeu de rôle un autre candidat … les exemples de petites et grandes mesquineries sont nombreux.
- Ayant travaillé de nombreuses années en France, j’ai du bataillé pour m’insérer sur le marché de l’emploi, je pense à ce titre comprendre le propriétaire de RST conseil, d’une certaine manière il reproduit la violence de processus de recrutement qu’il a peut être subi.
Certains me diront que je suis formatée par le « business ». Je le reconnais volontiers. Je pense qu’on peut au quotidien être un « businessman » et faire des choix qui ne renversent pas le système hélas, mais ne l’aggravent pas pour les clients et/ou les collègues. Je crois surtout que seule une réelle volonté politique peut avoir un effet concret sur le véritable scandale : un chômage de masse qui gangrène la société française depuis plus de 20 ans, avec un résultat aussi triste que prévisible, rendu à l’écran par le documentaire : une lutte acharnée pour l’emploi autrement dit « the survival of the fittest »
Sedinam
PS : J’ai vu "la gueule de l'emploi", il y a 3 ou 4 semaines environ, par avance toutes mes excuses pour toute approximation. -
coca
Merci pour cette émission très intéressante ! -
Fredooo
à un moment donné faut arreter de planer et savoir faire la part des choses. l'entretien est dévolu à l'embauche de VENDEURS et il est donc formaté pour ce type de profession où oui effectivement il faut un minimum d'aplomb, de sens de la répartie, de créativité pour sortir du lot, mais aussi de détachement vis à vis de l'interlocuteur. le grand défaut du documentaire est de minimiser cette donnée de depart qui est fondamentale.
je pense que la premiere partie de l'entretien avec l'ensemble des candidats, n'est pas choquante: séquence de jeux de role et mise en situation. la seconde partie avec les trois candidats montre des méthodes du cabinet d'embauche beaucoup plus discutables avec des tentatives d'intimidation pour gérard, questions sexistes pour la dame...
le documentaire fait passer un message un peu attendu mais finalement n'y parvient qu'a moitié: faire passer ces candidats pour les victimes d'un systeme. d'ailleurs de leurs apartés ne ressort qu'un discours de victimisation et surement pas une remise en cause de leur prestation . Et pourtant objectivement on les trouve pas flamboyants, tous dans la premiere partie: aucun sens de la repartie, aucune créativité, d'une passivité dérangeante, adaptabilité nulle . on les sent formatés pour repondre à un seul mode de recrutement et dès que la donne change il n'y a plus personnes.
que cette méthode de recrutement soit utilisée pour l'embauche de techniciens, des ingenieurs je trouverais cela désolante mais dans la mesure où elle est utilisée pour l'embauche de vendeurs je ne la trouve pas si dure que ça dans la premiere partie
Franchement à part le Gérard et la dame il y en a pas beaucoup qui avaient envie d'aller au charbon -
Citizen Jane
Pour voir le documentaire dans son intégralité, voir le post sur mon blog:
http://libreire.blog4ever.com/blog/lire-article-340538-3124217-la_gueule_de_l_emploi__documentaire_infrarouge___f.html
Un article détaillé suivra, sur toutes les étapes de ce recrutement, sur sa violence et son goût pour l'humiliation. -
Clizo
INFO: plus dispo sur Pluzz, mais possible à visionner sur le site de la RTBF. -
Ave
Modéler le savoir-être de l'individu pour l'intégrer à l'entreprise n'est pas nouveau. L'effet de cette sélection arbitraire sur l'entreprise et la vie en société est bien réelle :
- On se prive des personnes les plus créatives qui sont incapables d'évoluer dans un cadre aussi rigide.
- La déshumanisation est perçue comme une qualité, ce qui créer un conflit avec le sens civique exigé dans la vie collective.
- Il y a une perte de sens dans le travail, on déresponsabilise les individus et on inhibe leur sens de l'initiativ. Ce qui est incompatible avec la qualités citoyennes.
Toute cette organisation reste quand même bien dogmatique, est-elle franchement la manière la plus performante de produire? On s'aperçoit qu'avec la sous-traitance les grands groupes ne font presque de la gestion, laissant les taches les plus difficiles à réaliser aux autres. Celles qui exigent de la créativité, de la ténacité et du courage. Eux font les comptes. -
joelle lanteri
ce qui me gêne c'est que le 'producteur du documentaire n'assume pas .C'est comme si Marx s'excusait d'avoir écrit le capital Mao le petit livre rouge ou Hessel les indignés.
ce qui fut un acte de courage devient frilosité et mea culpa.
je lui propose la prochaine fois de filmer la copulation des bonobo là au moins il suscitera un large consensus et ci des activistes s'emploient à aller au bout de la démonstration on pourra toujours classé l'affaire X -
PseudoByme
Ce qui m'a le plus choqué, dans l'émission ASI, c'est l'opiniâtreté avec laquelle Cros veut cantonner ce qu'il a vu à du théâtre, comme s'il refusait de faire entrer les conséquences de ce dont il témoigne dans la réalité de chaque personne rencontrée.
Pourtant dans son documentaire, aucune ambiguïté ne subsiste :
1-Quasiment tous les candidats sont conscients du piège, et qu'ils se sentent obligés de s'y laisser prendre.
2-Les recruteurs se marrent grassement, ils n'appliquent pas seulement une méthode, ils s'en repaissent.
3-Cette pièce de théâtre marque réellement, concrètement chacun des candidats, et l'on voit qu'ils ne vont pas l'oublier sitôt la nuit tombée.
4-Les recruteurs sont égoïstes, dans leurs bulles, ils sont incapables d'empathie, de changement de point de vue (ça leur convient très bien - ce qui rejoint le point 2).
5-Aucune des personnes ne remet en cause le système dans son fonctionnement fondamental. Tous (à part deux), même s'ils protestent, acceptent de s'y soumettre (ce qui rejoint le point 1).
Ce qui m'a le plus choqué, ce sont les rires des recruteurs qui se régalent de la joute.
Eux sont effectivement dans une pièce de théâtre, à la fois metteurs en scène et spectateurs, etc -
Goulven
Il est temps de lire ou relire les Lettres de non motivation ... -
rmara
Les commentaires qui expliquent les évènements vus dans ce reportage par la médiocrité des individus ou la méchanceté innée des hommes, voire un montage malhonnête des documentaristes sont soit malhonnêtes eux mêmes, soit mal documentés. Relire "soumission à l'autorité" de Milgram permet de remettre ce genre de faits en perspective ...
Cette approche de formatage par les grandes entreprises et les cabinets de recrutements est à la fois imbécile et contreproductif. Et dire que pendant toute la guerre froide on nous a chanté les louanges de la société capitaliste éprise de liberté et de créativité. Que voit-on dans ce documentaire : la guerre de tous contre tous parce que le GAN doit garantir les dividendes de ses investisseurs en poussant ses vendeurs à tenir des engagements que leurs dirigeants on promis à leur place.Et tout ça grâce au désengagement de l'état : vraiment la boucle est bouclée ... On est ravi d'apprendre que dans le milieu des assurances on se frotte les mains des baisses de remboursement de la sécurité sociales orchestrés par un président dont le frère dirige ce genre société ...
Bravo pour ce travail critique et aussi bravo à ASI pour le petit décorticage toujours utile , mais qui aurait pu aller plus loin avec quelques références nécessaires aux classiques de la psychologie sociales, Milgram en tête ...
Plus q'une comédie ou une tragédie
C'est une véritable farce, une farce à la Molière, une farce de qualité puisqu'à la fin les masques d'un système non-sensique tombent ...
Allez consolez vous ! Si vous en voulez vraiment, vous pourrez vous en sortir !
et si vous ne vous en sortez pas, c'est que vous n'en voulez pas vraiment !
Qu'est ce que c'est que ce monde où on demande constamment aux gens de se justifier sur ce qu'ils sont pour satisfaire aux exigences de pouvoirs arbitraires dont la seule légitimité est celle du porte monnaie ... Intellectuellement ridicule et humainement lamentable ... -
tof21
Moi ce qui me choque le plus, c'est qu'avec un turn over de 50%, le client continu de faire confiance a une equipe de recrutement qui se plante à ce point...
C'est du grand n'importe quoi. Quelles competences réelles ont ces gens là ?? aucune en vérité.
Et cela me rappelle aussi que les entreprises ne recrutent que des moutons...et encore, pas des beliers: les fortes tetes ne sont jamais les bienvenus!!
Christophe -
leshausses
Emission intéressante qui remet sur le devant de la scène la question de la sacralisation du travail (du moins c'est ce qui m'a semblé le plus important dans l'émission). Dans un contexte de désintégration du salariat et de chômage de masse, le travail, unique vecteur d'existence sociale, est tellement prisé que l'on en devient à accepter tout et n'importe quoi.
L'excellent sociologue Loïc Wacquant en parle très bien dans le documentaire "Danger Travail" (de Pierre Carles). Son explication est on ne peut plus claire (vraiment, ça vaut le coup d'oeil)
C'est pourquoi il va falloir réfléchir à de nouvelles formes de travail, ou plutôt d'activité. Les travaux d'André Gorz ou Dominique Méda sont vraiment pertinents sur le sujet. -
akfak
Bonjour,
Pour ceux qui, comme moi, n'ont pas vu le documentaire en entier voici son lien :
la gueule de l'emploi
Bon dimanche -
Elliot
Bonne émission.
C'est amusant, comme Didier Cros n'a pas l'air de se rendre compte de la puissance des images qu'il livre.
On dirait qu'il a peine à voir qu'il a créé un monstre dont il a peur qu'il lui échappe. (je sais, bizarre cette phrase, vous m'excuserez je ne trouve pas mieux.)
"C'est une comédie, c'est le système, tout le monde sait ça, (ben non, moi à ce point là, désolé, je ne savais pas.
Et pourtant je ne suis pas spécialement naïf)par ailleurs c'est des gens charmants" etc
Il sous-estime la colère de beaucoup de gens.
Pas facile de se figurer l'ennemi et le problème de manière rationnelle, verticale,
quand on a des situations aussi monstrueuses, et des figures humaines à mettre dessus.
Le problème devient forcément horizontal, remettre en cause le système on fera ça plus tard,
dans l'immédiat l'envie est ailleurs, elle se situe dans l'action violente, fatalement. A s'en tordre le ventre. -
Florence Arié
Pour revenir sur cette question de la responsabilité: l'individu en présence / le système, Paul Krugman exprime un point de vue qui me paraît juste (il ne parle pas de recruteurs, mais des agissements des membres du groupe Murdoch, mais peu importe: "Les individus sont complexes, mais les groupes beaucoup moins. Un homme politique incorruptible peut tromper sa femme, des canailles peuvent s'avérer des bons pères de famille, mais les groupes, comme le cercle de conseillers d'un homme politique, ou la direction d'un empire médiatique, ont tendance à adopter le même comportement sur tous les fronts. Si ce sont des menteurs et des tricheurs dans un domaine, en général ils le font en toutes circonstances".
C'est dans son blog:
http://krugman.blogs.nytimes.com/2011/10/14/patterns-of-misconduct/
Ce qui voudrait dire que le "système", on peut aussi dire la manip, nait du fait de faire mener l'entretien par un groupe de recruteurs, pas un seul. -
Antoine
Deux types de solutions sont avancées : changer les individus ou le système. Personnellement, je doute d'une vague massive de responsabilisation. Le candidat qui part avant la fin est très honorables mais en attendant, il n'a pas de boulot. Le marché est plein de requins affamés. Il y a de plus en plus de courageux qui essaient de respecter leurs valeurs, mais ça oblige souvent à des choix de vie radicaux ("sobriété heureuse" etc.) dont on doute qu'ils séduisent un jour les masses.
Par rapport au système, la question mise en évidence est celle du rapport de force entre l'employeur et le travailleur, qui est fortement liée au chômage. En situation de plein emploi, il n'y aurait pas cette pression insupportable sur les salariés. A défaut de croire encore au plein emploi, un revenu universel est peut-être une bonne alternative pour atténuer la soumission de la main d'oeuvre.
En passant, le doc m'a fait penser à "carré blanc", un petit film français passé quasiment inaperçu qui comporte quelques scènes de recrutement glaçantes dans un monde complètement déshumanisé... pas si éloigné de la réalité que ça. -
akfak
En somme, le cynisme est roi. -
Oblivion
Petite remarque : Daniel, comme d'autres, vous dites que La Mise à mort du travail étudie le cas Carglass.
Non, il y a trois parties : la première sur la souffrance physique et psychologique, la deuxième sur Carglass, la troisième
sur la finance au travers du cas Fenwick.
Ce qui au final fait un documentaire très complet. Non, mé ! -
josiane
"Et eux aussi se justifieront en disant que vendeur est un jeu de rôle, une comédie, que c'est le système qui veut ça, nothing personal, que de toute façon chez les concurrents c'est pareil et qu'on peut pas faire autrement sinon on sera viré et remplacé par un autre qui fera la même chose voire pire. " J'aime bien cette intervention.
Ce que j'avais envie de souligner et j'ai bien l'impression que pour l'instant ça n'a pas été fait malgré un grand nombre de réactions, c'est le niveau intellectuel.
C'est un des trucs qui me choque le plus.
Il s'agit d'un poste de "cadre commercial". Les recruteurs semblent avoir la stature (en tout cas, ils se la donnent) de cadre également, en tout cas de vrais professionnels, de personnes diplômés etc. Les candidats aussi apparaissent dans une sorte de veine " sup' " . Et on croit encore à un mythe du genre : ok, il faut vendre mais pour vendre au final faut pas être con du tout, et faut avoir fait des études, avoir une culture générale etc.
Mais le constat alarmant est tout autre :
Que ça soit côté recruteur ou côté candidat, on a vraiment une bande de demeurés, qui résonnent avec une poignée de concepts qui tournent en boucle, des gens qui ont clairement un vocabulaire utlra limité et, surtout, ultra formaté. Si c'est le cas parfois de certains sportifs qui paraissent ainsi parce qu'ils répètent en boucle de façon hystérique : "la gagne la gagne la gagne", ben là, c'est pareil, le niveau humain se situe là : la gagne. La gagne comme seul concept humain et un désert autour.
"Je suis un battant, je crois en moi" devient l'espèce de concept obligé complètement vidé qu'il faut absolument balancer, comme un robot.
Et ça tourne que la dessus.
C'est complètement animal, on voit comment le col blanc est devenu petit à petit le masque de la médiocrité dissimulée, le masque du faux qui perd petit à petit de ce qui permettait jusque là l'illusion.
Ils sont NIAIS, tous. Ils sont VIDES, tous. Vides d'idées, vides de foi, vides de sincérité, vides d'intelligence, vides d'amour, vides d'humanité... -
Mon Nombril
J'espère que le prochain doc de Didier Cros sera " comment les cabinets de recrutements recrutent et forment leurs recruteurs ? "
Sinon, il a raison ( je le trouve très honnête sur son travail ) quand il parle de la comédie des sessions de recrutements et des jeux de rôles.
Le problèmes est qu'en effet les niveaux d'enjeux ne sont pas les mêmes de part et d'autre de la table.
Mais, il ne faut pas croire qu'il n'y a rien à perdre ( ou a gagner ) du côté des " méchants". Eux aussi, sont sous l'enjeu de ne pas se tromper de candidat.
S'ils recrutent un tocard, c'est leurs propres compétences de recruteurs qui sera remise en cause et malmenée.
D'où, le parcours de recrutement où les candidats vont passer de multiples tests (certains subtils, d'autres idiots ou relevant de la pratique magiques ), d'où plusieurs recruteurs qui se partagent le diagnostic ( pronostic ) et le laminage des candidats pour se répartir la responsabilité (la dé-responsabilité ) [ et accessoirement tout ça justifie la note adressée au client en plus de se donner l'air sérieux ].
Et finalement, comme leur risque est de recommander quelqu'un qui ne conviendrait finalement pas, mais pas de démolir quelqu'un qui retournera au chômage et qu'ils reverront pas, on aboutit à ces situations.