Récépissé ou caméra ? Chorégraphie immobile à l'Assemblée
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 41 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Ainsi aura succombé le récépissé, par un coup de masse entre les deux oreilles
dans l'abattoir de la commission des finances de l'Assemblée Nationale, et sans étourdissement préalable. Le coup de masse : c'est pour des raisons économiques, que la commission des finances de l'Assemblée a refusé l'amendement socialiste généralisant la remise par la police d'un récépissé en cas de contrôle d'identité. Sans doute l'achat des carnets et des stylos aurait-il représenté, pour l'Etat, une dépense insupportable.
Triste fin pour ce projet de lutte contre les contrôles au faciès, semi-promis par le candidat Hollande, et qui aura claudiqué pendant tout le quinquennat, assommé en douce par les ministres de l'Intérieur successifs (Valls et Cazeneuve), remis sur le ring par les associations de défense des droits de l'homme, assommé à nouveau, et ainsi de suite. Dernière raison en date, invoquée par Cazeneuve : la police est fatiguée. Respectons la fatigue de la police. Et admirons néanmoins son héroïsme : même épuisée, elle a néanmoins réussi, dans un dernier sursaut, à donner le coup de grâce au récépissé.
Au moins, cette fois, les caméras étaient là, à l'Assemblée, pour assister à la mise à mort. Les égorgeurs n'auront pas réussi à imposer le black out. Si quelques uns des épisodes précédents ont pu être étouffés par le lobby des journalistes-policiers, cela n'aura pas été le cas de l'exécution.
Au point que le lot de consolation consenti par Cazeneuve après deux interruptions de séance est passé presque inaperçu des journalistes parlementaires. Ce lot de consolation ? Une expérimentation, une de plus. Pour remplacer le récépissé, on va doter les policiers expérimentateurs de caméras go-pro (la caméra go-pro étant moins onéreuse que le carnet à souches, c'est connu). A priori, vu de loin par temps de brouillard, ce serait même encore plus protecteur que le récépissé. Une contestation lors d'un contrôle ? Une accusation de tutoiement intempestif du contrôlé ? L'image fera foi. Sauf que voilà. Les syndicats de policiers avaient déjà plus ou moins réussi à torpiller le gadget, en laissant le policier-contrôleur libre d'appuyer, ou non, sur le bouton, lors du contrôle.
Cette fois (c'est la nouveauté du jour), le policier-contrôleur-expérimentateur sera obligé de déclencher cette caméra lors de chaque contrôle. Ce qui représente un net progrès par rapport à la phase précédente de l'expérimentation. Bref, on avance, ce qui donne aux journaux un large choix de titres : sur le pas en arrière, ou sur le pas en avant ? Le hollandisme est une chorégraphie. A la fois immobile et fatigante, ce qui est une manière d'exploit.
*Récépissé contrôle faciès, by Google images