Lenglet, Bézard, et l'oxygène des Caïmans
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 26 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Le directeur du Trésor, Bruno Bézard, quitte son poste pour un fonds d'investissement franco-chinois.
Le Monde le signale, avec tout un tas de détails touchants. Bézard a rencontré son nouveau patron chinois de Cathay Capital ("parti de rien" il y a neuf ans) "autour d'une assiette de raviolis", apprend-on. Fait-on plus frugal ? D'ailleurs, Bézard-Rabhi aurait pu gagner bien davantage, s'il l'avait voulu : "j'ai refusé d'autres postes qui auraient été beaucoup plus rémunérateurs". Le Monde n'omet que deux détails. Un, Bruno Bézard ne sera resté que deux ans à la direction du Trésor (la coutume voulait qu'on y reste au moins trois ans), et n'aura observé aucun délai de "décence" avant de partir se remplir les poches de raviolis dans la finance franco-chinoise. Deux, le fonds Cathay Capital a enregistré au moins un "fonds cousin" aux îles Caïmans. Détail qui fait tache après les Panama papers rappelé par ce brûlot gauchiste, Les Echos, mais sans doute trop trivial pour être mentionné dans l'article du Monde (pourtant correspondant français des Panama papers).
De quoi se plaint-on ? C'est très bien, ces allers et retours entre l'administration et la finance. Très bien : ça "oxygène" la haute administration. C'est le célèbre pneumologue François Lenglet qui l'analyse ainsi ce matin, pour les auditeurs de RTL qui pourraient en être troublés. Elle a besoin d'être "oxygénée", la haute fonction publique, toute confinée qu'elle est dans les miasmes de l'intérêt général, et les puanteurs de la gestion de l'argent public. Vive l'oxygène des Caïmans.
D'ailleurs, ces migrations ne sont pas seulement hygiéniques, poursuit Lenglet, elles comportent aussi un bénéfice pédagogique, "comme les séjours linguistiques" des étudiants, qui leur permettent de "se confronter à d'autres cultures". Car il faut bien parler d'allers et retours, insiste Lenglet : ces migrations se font dans les deux sens. Vraiment ? On n'avait pas remarqué de bouchons sur l'autoroute des retours vers les miasmes de Bercy. On avait mal observé. Et Lenglet de citer l'exemple du nouveau directeur de la banque de France, François Villeroy de Galhau, qui vient de BNP Paribas. Certes. Sauf que ledit Villeroy de Galhau n'est pas un banquier qui vient découvrir les charmes de la fonction publique. C'est, lui aussi, comme Bézard, un énarque, parti dans la banque après une carrière à Bercy, et qui y revient tout au sommet. Simple détail, que Lenglet aura sans doute jugé trop compliqué pour les auditeurs de RTL.