Ghosn : sur la saine colère de Macron

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 67 commentaires

Tremblez patrons qui abusent ! Emmanuel Macron pourrait bien légiférer contre vous !

C'est ce que claironnent ce matin les perroquets radiophoniques, faisant état de la menace macronienne, après que le Conseil d'administration de Renault a choisi de s'asseoir sur la recommandation de l'assemblée générale des actionnaires, demandant au PDG Carlos Ghosn de revoir à la baisse sa rémunération de quelques 7 millions d'euros annuels. La dite assemblée générale, il faut dire, venait de "découvrir" que Ghosn touchait une rémunération équivalente chez Nissan, qu'il pédégère aussi (jusqu'à présent, sans doute, l'assemblée générale le croyait-elle bénévole).

Tremblez, Ghosn, Bompard, Juniac, et les autres ! Super Macron va lé-gi-fé-rer. Et jusqu'à Dominique Seux qui, sur France Inter, au nom d'un libéralisme modéré par le bon sens élémentaire (notion bien connue des économistes libéraux), demande audit Conseil d'administation de "manger son chapeau", et de revenir sur sa décision.

Vive Macron, donc. Ah mais tiens, que vois-je, caché dans un coin de Libé, ou sur le site de Challenges ? Que vois-je ? Le même jour où il se dressait contre le salaire de Ghosn, l'Etat renonçait à ses droits de vote doubles au Conseil d'administration de Renault, qui lui auraient permis de faire efficacement entendre son refus ! Est-ce possible ? Oui. Si vous n'avez pas suivi, cette renonciation de l'Etat est le résultat d'un long bras de fer l'an dernier. En avril 2015, l'Etat a fait monter sa participation dans Renault à près de 20%, justement pour s'assurer que les fameux droits de vote doubles, prévus par la "loi sur la reconquête de l'économie réelle", dite aussi loi Florange, y serait appliqués. Il s'est aussitôt heurté "aux investisseurs, leurs représentants et leurs conseils", comme dit Le Monde, autrement dit au grand capital international, lequel a fait valoir que "les investisseurs, en particulier anglo-saxons, détestent tout ce qui pourrait ressembler à un mécanisme anti-OPA". Et même le "gendarme de la Bourse", l'Autorité des Marchés Financiers, a levé son gros bâton de gendarme, faisant valoir que les droits de vote doubles risquaient "d'affecter l'image de la place de Paris", en portant atteinte à la "démocratie actionnariale" (je ne sais pas vous, mais moi j'adore autant "la reconquête de l'économie réelle" que la "démocratie actionnariale"

Bref, en décembre, l'Etat semi-capitulait à la Hollande, et acceptait de limiter ses droits de vote double aux questions "stratégiques". Parmi lesquelles, donc, ne figurent pas la rémunération du PDG, ni la durée de son mandat. CQFD.

Mais ce n'est pas tout. Au nombre des mécanismes qui permettent au porte-monnaie de Ghosn de s'alourdir de 15 millions par an (en additionnant les revenus Renault et les revenus Nissan), figure l'acquisition d'actions gratuites, dites "de performance". Et qui a défiscalisé généreusement ces actions gratuites au-dessous du niveau de la fiscalité des stock options ? L'article 135 d'une loi votée l'an dernier, sous le nom de loi Macron. On appréciera donc à sa juste mesure la colère du ministre, et l'écho radiophonique matinal qui lui est donné.

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