Clark, Cohen, la carte de presse, et les sénateurs
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 35 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Scène ordinaire de la République.
Le président de France Télévisions parle devant les sénateurs. Croit-on qu'on va évoquer l'avenir de France Télévisions, sa stratégie numérique, la philosophie de ses programmes ? Non. Le point qui intéresse les sénateurs, c'est...une émission sur le Sénat, que vient de diffuser France 3. Rien de bien neuf dans cette émission : les avantages des sénateurs, le confortable salaire des employés du Sénat, etc. Mais les sénateurs n'ont pas aimé. Et puisqu'ils tiennent le patron, là, devant eux, ils ne vont pas se priver de lui faire savoir. Après quoi, peut-être qu'ils examineront un projet de loi sur les conflits d'intérêt.
A propos de cette tendance si humaine à s'approprier son fauteuil, ce numéro du duo Pascale Clark - Patrick Cohen, à propos de la carte de presse de Clark. Et que je te joue les divas offensées en annulant le programme de mon émission, et que je décapite solennellement ma propre carte de presse, avec mes grands ciseaux, devant la caméra (tout est raconté ici, avec vidéo de la scène insoutenable).
Toutes les dérives de l'audiovisuel sont concentrées là. D'abord, évidemment, la question de l'abus des intermittents du spectacle, par l'audiovisuel public. Ce n'est pas la commission de la carte, qui a refusé à Pascale Clark le rectangle de plastique. C'est la direction de France Inter, en la maintenant dans un statut d'intermittente. Qu'est-ce qui justifie que Clark soit encore une intermittente du spectacle ? Rien. Mais il est plus confortable de s'en prendre à une commission anonyme, qu'à sa propre direction. Comme ces journalistes de LCI, voici quelques mois, apprenant que leur chaîne ne passerait pas en clair, avaient agoni d'injures le CSA, plutôt que leur propre direction, responsable de la situation.
Mais l'incident pose aussi la question de la multiplication des émissions d'infotainment. Le Grand journal, le Petit journal, C à vous : est-ce du journalisme, ou du divertissement ? On se souvient du débat, amplement traité ici, à propos des collaborateurs de Yann Barthès. N'ayant jamais écouté l'émission de Pascale Clark (le matinaute ne peut pas être aussi un vespernaute, il faut choisir), je ne sais pas si elle est journalistique ou non, et à quel pourcentage. Mais on pourrait aussi poser la question à propos de Patrick Cohen, qu'on voit chaque soir sur France 5, au dîner de C à vous, rire niaisement aux plaisanteries dont il est l'objet. Journalisme ou non ? Soyons juste : il ne fait pas que rire. Il mange, aussi. On le voit mastiquer consciencieusement, pendant que s'expriment les invités. Sa mastication est-elle journalistique ? Sa déglutition porte-t-elle la plume dans la plaie ? Ses discrets renvois éventuels ont-ils pour mission d'éveiller la conscience citoyenne ? Autant de graves questions pour la commission de la carte.