2014 : Le jour où nous avons découvert Bellingcat [AVENT2020]

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Investigation participative sur l'Ukraine : Berruyer et Manach débattent


Associé à CNN, au Spiegel, et au site indépendant russe The Insider, Bellingcat vient de démasquer les identités et les itinéraires des membres des services secrets russes chargés d'empoisonner Alexeï Navalny. C'est en 2014, que nous avons évoqué pour la première fois Bellingcat sur notre site, dans cette émission 14H42, alors animée par Jean-Marc Manach, et qui s'est prolongée... après l'émission.

Les internautes vont-ils remplacer les journalistes ? Vaste question, qui se pose depuis l'apparition d'Internet. Mais vont-ils même les remplacer dans les enquêtes les plus délicates, comme l'investigation sur le crash du Boeing de la Malaysia Airlines, au-dessus de l'Ukraine, en juillet dernier ? C'est la question que posait la dernière chronique de Jean-Marc Manach, en se fondant sur l'enquête participative du blog Bellingcat, fondé par un chômeur britannique, Eliot Higgins, laquelle, appuyée sur des données recueillies sur You Tube ou Streetview, concluait implicitement à la responsabilité d'un missile tiré par des pro-Russes.

L'enquête de Bellingcat n'a pas totalement convaincu...un autre blogueur-enquêteur, Olivier Berruyer, animateur du site Les crises.fr., que nous avons reçu à plusieurs reprises dans nos émissions. Considérant que si les internautes sont parfaitement qualifiés pour démonter des manipulations médiatiques, ils le sont bien moins, à ses yeux, pour produire eux-mêmes de l'information, Berruyer s'est même livré...à une contre-enquête participative sur l'enquête de Jean-Marc Manach, et sur le blog Bellingcat, bien peu critique sur la diplomatie de son propre pays. L'ensemble justifiait bien une émission, qui pose une éternelle question : les blogueurs sont-ils vraiment plus fiables que les journalistes ? Au fond, qu'est-ce qu'une source fiable ? Mais cette contre-enquête de Berruyer est-elle fiable ? On lira ci-dessous la réaction de Manach. En attendant (dans le forum ?) celle de Berruyer. Never ending story ? DS

en défense de higgins : Mon après-émission, par Jean-Marc Manach

Olivier Berruyer a-t-il voulu nous tendre un piège ? Mes recherches d'après-émission nuancent pour le moins ce qu'il avance sur le plateau. Il avait en effet demandé à certains de ses lecteurs de l'aider à "fact-checker le fact-checkeur", et déclare sur notre plateau que le "chômeur d'investigation" qui avait soi disant "ridiculisé Seymour Hersh", le célèbre journaliste d'investigation américain, que je cite dans ma chronique d'origine, avait lui-même été contredit par deux chercheurs du Massachussets Institute of Technoly (MIT), qui s'étaient rendus sur place, en Syrie, pour vérifier leurs analyses respectives.

En se basant (notamment) sur les confidences de proches des services de renseignement, Hersh avait en effet contesté la version d'Obama, selon laquelle Bashar el Assad devait être tenu pour responsable du massacre de la Ghouta, une attaque au gaz sarin qui fit entre 300 et 1700 morts, le 23 août 2013, en Syrie. Contestation d'Obama contestée à son tour par le "chômeur d'investigation" Eliot Higgins qui, en se basant sur des vidéos et données collectées sur YouTube, Facebook et Twitter, avança que l'attaque provenait bien des forces pro-gouvernementales.

Renseignement pris, depuis, il s'avère que les deux chercheurs ne se sont pas rendus sur place, mais qu'ils ont précisément... utilisé les données collectées par le blogueur, reconnaissant donc implicitement que sa façon de collecter des données "open source" pouvait servir de base à une enquête. S'ils l'accusent certes d'avoir plusieurs fois changé d'avis , ils ne l'en remercient pas moins, dans la mesure où ils n'auraient jamais pu effectuer leur recherche sans les données qu'il avait collectées. D'autre part, s'ils concluent en effet que la version de Hersh était "plausible", leur analyse ne visait nullement à fact-checker la version du blogueur, pas plus que celle de Hersh, mais la version de la Maison Blanche, qu'ils accusent donc d'avoir menti.

Dommage que je n'aie pas pu répondre à Berruyer sur le plateau, faute de pouvoir fact-checker son fact-checking en direct-live...

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