Irak, Ukraine : aux drones, citoyens

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 31 commentaires

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Et c'est reparti. Comme en 14. Une photo satellite produite par l'OTAN semble suggérer

que l'armée russe intervient en Ukraine (ce que confirme la multiplication des témoignages des mères de soldats russes tombés en Ukraine) ? Qu'attend-on pour taper Poutine ? Et les horribles coupeurs de têtes de l'Etat islamique, qui progressent en Syrie et en Irak, qu'attend-on pour les bombarder comme ils le méritent ? Allons-y. Aux armes. Aux drones, citoyens. Intervenons. Faisons donc quelque chose. On ne sait pas exactement quoi, mais quelque chose. Et reprend l'éternelle petite musique béachelo-fourestienne.

"Nous n'avons pas encore de stratégie" : l'aveu d'impuissance d'Obama, dans la nuit, à propos des progrès de l'EI en Syrie et en Irak a fait sursauter Patrick Cohen. "Vous avez déjà entendu un dirigeant expliquer, micros ouverts, qu'il n'a pas de stratégie ?" demande-t-il à son invité, Hubert Védrine. Ce n'est pas l'absence de stratégie, qui heurte Cohen. C'est que Obama l'avoue, devant les caméras, à micros ouverts. Quelle incongruité ! Quel scandale ! Des dirigeants sans stratégie devant de complexes crises internationales, il y a de nombreux exemples. Mais surtout ne pas l'avouer. Donner le change. Multiplier les mouvements de menton. C'est la règle. C'est le code.

En réponse, Védrine fait du Védrine. Depuis longtemps (et encore cet été sur notre plateau, émission à voir et revoir), il a choisi son rôle : démonter tous les discours des pousse-à-la-guerre. Crever la baudruche des couplets bellicistes. Obama ? Védrine rappelle qu'il a été précisément élu pour dégager les Etats-Unis des guêpiers dans lesquels Bush les avait engagés. L'Ukraine ? On aurait dû depuis longtemps la "finlandiser", c'est à dire en faire un pays neutre, sans lui faire miroiter une adhésion à l'UE ou à l'OTAN. Quant à une intervention contre l'EI (les difficultés du traitement journalistique de l'EI seront un des thèmes de notre émission de la semaine), très bien, mais qui pourrait y prendre part ? L'Iran ? Assad ? La Turquie, qui ne veut pas voir se constituer un grand Kurdistan ? Ne resteraient donc que quelques pays européens, financièrement exsangues, et aux opinions publiques fatiguées. Voilà ce que répète inlassablement Védrine, inlassablement rebelle à l'indignation morale universelle, fond de sauce obligatoire de la polyphonie médiatique.

Photo fournie par l'OTAN et montrant ce qu'elle considère comme des chars russes en Ukraine

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