Sarkozy en garde à vue : pardon de ne pas jubiler
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 156 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Sarkozy en garde à vue. Voici seulement quelques mois, ces cinq mots auraient suscité un coup de tonnerre.
Une jubilation profonde, à savourer toute la journée, sans modération. Et aujourd'hui ? D'accord, la nouvelle chipe au foot la première place du journal de France Inter, mais à peine si elle glisse dans les nouvelles du matin. Tout juste si on a envie d'en rire, comme Didier Porte. Il va donc devoir parler. Et gratuitement. Comme tweete Didier, "à 150 000 euros la demi-heure de conférence, ça va nous coûter bonbon".
Sarkozy en garde à vue. La droite en décomposition. Et alors ? Car la désillusion Hollande est passée par là. La droite anéantie par les Affaires, le PS annihilé par ses reniements, qu'est-ce qui reste ? Vous le savez bien, ce qui reste. Pas besoin de vous faire un dessin. Pardon de ne pas jubiler.
Sarkozy en garde à vue, donc. Refermer le tiroir Bygmalion, (ballot, on avait un dossier tout neuf) ne pas toucher aux tiroirs Karachi, Bettencourt, et autres, et rouvrir instantanément le tiroir "Paul Bismuth". Les temps sont durs pour les neurones des matinautes. Sarkozy est en garde à vue, dans l'affaire des financements libyens. Plus précisément, pour avoir cherché à influencer deux magistrats de la Cour de cassation (car à présent, ils semblent être deux), pour tenter de savoir comment éviter que ses agendas saisis dans le cadre de l'affaire Bettencourt soient utilisés dans le dossier Tapie.
C'est ce qu'on appelle : une affaire dans l'Affaire. Cette Affaire de financements libyens, autant vous le dire franchement, je n'y crois pas trop. Aucun témoignage produit jusqu'à présent ne me semble vraiment convaincant. Et surtout, si Kadhafi avait vraiment financé la campagne de Sarkozy en 2007, comment est-il envisageable que ledit Sarkozy déclenche ensuite une guerre contre lui, au risque de voir Kadhafi balancer les preuves de ce financement ? Sauf si évidemment il n'y a pas de preuves, ou si Sarkozy croit qu'il n'y a pas de preuves. Sauf si Sarkozy n'était pas au courant qu'il était financé par Kadhafi. Ou sauf s'il est encore plus fou qu'on le croyait. Beaucoup de sauf si, dont aucun ne me semble convaincant. Cela dit, je ne demande pas mieux que de me tromper. Et je le proclamerai à la face du monde.
Sarkozy va-t-il tomber sur une affaire dans l'Affaire ? Pardon de ne pas jubiler. C'est pour son mépris des chercheurs, des juges, des fonctionnaires, des profs, des grévistes, de la littérature, qu'il mériterait mille fois d'être en garde à vue. On me dit que ce ne sont pas des délits. Le monde est mal fait, ce n'est pas une découverte.