Régions : ce que disent les vraies cartes

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 136 commentaires

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Au moins, on va réviser sa géographie française.

Puisqu'on sent bien dès le début que le magnifique redécoupage territorial de l'Elysée finira par rejoindre la réforme des rythmes scolaires dans les sables mouvants où périssent les radieuses évidences, autant en profiter pour laisser glisser son regard sur les cartes, les merveilleuses cartes.

Entre Dreux et Brive, combien de kilomètres ? Et entre Orléans et Royan ? Et Nantes, tiens. En Bretagne, ou non ? Et Toulouse et Montpellier, peut-on les marier ? Plutôt que de regarder les tristes statistiques du PIB par tête, qui ne parlent à personne, si l'on s'intéressait aux spécialités gastronomiques, ou à la production agricole ? Fusionner dans une même région le pays du Reblochon et celui du Saint Nectaire, cela a-t-il vraiment un sens ? Et tiens, si on lisait attentivement...

la superbe carte des productions agricoles rééditée par la maison Deyrollepicto

Quelles chances au mariage du cidre et du poiré, de la prune et de l'abricot, de la noix et de la châtaigne ?

 
La carte la plus parlante, la plus poétique, sans doute la plus évocatrice, c'est celle des prénoms les plus donnés en France depuis 1946, classés par région, publiée par Le Monde voici quelques semaines. Je n'ai de conseils à donner à personne, mais à la place de Hollande, je l'étudierais de près, s'il n'est pas trop tard. On y contemple dans toute leur splendeur les permanences françaises, et les lentes évolutions. S'y lit à l'oeil nu l'affrontement du centripète et du centrifuge, qui est l'histoire en raccourci de la nation française, en son dernier millénaire. La longue lutte des Martine et des Marie, que vient conclure dans les années 70 la suprématie surprise des Nathalie, après l'échec de l'offensive avortée des Brigitte. La brève parenthèse stéphaniste avant l'avènement des Aurélie. La résistance désespérée et vaine de la Bretagne à la domination des Léa. Côté garçons, qui se souvient de l'Empire des Kevin en 1991-92, que ne parvinrent à menacer ni les Dylan, ni les Jordan ? 

   

Les découpeurs d'aujourd'hui ont-ils vraiment regardé cette carte ? Si oui, comment peuvent-ils sérieusement envisager de fusionner l'Auvergne des Enzo et le Rhônalpes des Lucas ? Ou la Champagnardenne des Enzo (encore) avec la Picardie des Nathan ? Quant à la Bretagne ! Ah, la Bretagne, avec ses Mathis, ses Antoine et ses Nolan, son splendide isolement est inscrit dans son histoire.

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