Askolovitch, ou l'islamophilie acceptable ?

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 205 commentaires

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Que se passe-t-il ? Voici soudain que se déverse, dans les lieux les plus inattendus, un plaidoyer pour les musulmans opprimés.

Sur RTL, au micro de Fogiel. A C à vous, au micro de Patrick Cohen. Et dès le lendemain, à France Inter, à (l'autre)  micro de Cohen. Qui est cet islamophile inattendu et survolté, qui rebondit de plateau en plateau ? Le journaliste Claude Askolovitch, qui publie ces jours-ci chez Grasset "Nos mal-aimés, ces musulmans dont la France ne veut pas". Askolovitch ? Le même ami de Val, qui avait lancé la fameuse "affaire Val-Siné", en dénonçant sur RTL Siné, coupable d'offense au fils Sarkozy ? Le même qui, dans la foulée, avait été embauché par Lagardère à Europe 1 ? Le même qui a fait un passage éclair au Point, après le JDD ? Oui oui, le même. Le revoilà. Et dans un rôle surprenant : celui de défenseur des musulmans de France, brimés par les réglementations sur le foulard. Et à ses côtés sur le plateau de France 5, dans le rôle de la contradictrice-pas-d'accord-avec-tout-mais-il-y-a-du-vrai-dans-ce-que-vous-dîtes, Caroline Fourest en personne. Que se passe-t-il ? Val n'est plus dans Val, Charlie n'est plus dans Charlie ?

L'hirondelle Asko annonce-t-elle un automne islamophile ? Plus vraisemblablement, l'épiphénomène Asko a tout pour être attrayant. D'abord par le personnage du journaliste : pensez donc, un chroniqueur de RTL, un transfuge du temple de l'islamophobie (Le Point) qui tourne casaque et balance, ça ne se trouve pas tous les jours. D'autant qu'il n'a pas rompu avec fracas, mais dans un désaccord avec Giesbert, assumé dans le respect et la fraternité nécessaires (dans les bonnes feuilles de son livre que propose gratuitement la maison Google, Asko raconte son départ du magazine de "l'Islam sans gêne").

Ensuite, ses armes rhétoriques sont celles de l'adversaire, à commencer par le pathos de l'argumentation. Dans cette construction médiatique de mythologies que l'on nomme "le débat sur le voile", les rôles ont simplement été inversés. Hier, dans l'ex-hebdo d'Askolovitch, le rôle du méchant était tenu par "les parents qui obligent les cantines à servir des repas hallal". Voici sous sa plume un nouveau méchant : le surveillant de cantine qui oblige les enfants à manger du porc. Quant aux gentilles victimes, elles se bousculent : le "môme", le "gamin", le "gosse", pris en otage par les querelles des adultes ; la "maman" qui porte le voile, et à qui l'on interdit d'accompagner "les gosses" dans les sorties scolaires ; la banquière "qui doit aller prier dans le placard à balais", etc.  Quand il ne se consacre pas aux polémiques de plateau, et se rend "sur le terrain", Askolovitch a un talent certain pour explorer les complexités de la société, et son éloge d'aujourd'hui du "musulman pratiquant qui ne demande pas mieux que de s'intégrer" sonne vrai, et fait écho à son éloge, dans un précédent livre, du "militant FN qui n'est pas le fasciste qu'on prétend". Ce plaidoyer inattendu transpercera-t-il au-delà de Medialand ? On verra bien. Dans l'immédiat, ne serait-ce que parce qu'il rééquilibre le tintamarre inverse, il fait du bien à entendre.

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