Gérard Davet, journaliste écouté

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 9 commentaires

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Cette fois, ce ne sont pas seulement les fadettes.

Ce sont les conversations, toutes les conversations, de notre confrère du Monde Gérard Davet, qui ont été écoutées par la police, sur ordre d'une juge d'instruction, Michèle Ganascia. Tout est ahurissant, dans le récit de cette affaire, à commencer par le délai : c'est dans le cadre d'une enquête sur une atteinte au secret de l'instruction datant de 2006, que Davet a été écouté, en mars 2009, trois ans plus tard. Ayant laissé le dossier sommeiller pendant trois ans, Ganascia, avant de la clôturer, aurait voulu en avoir le coeur net : par hasard, ce journaliste ne connaissait-il pas cet avocat, soupçonné de lui avoir passé des PV trois ans plus tôt ? comme prévisible, les écoutes n'ont rien donné, les policiers concluant, après l'écoute de 490 conversations : "disons qu'aucune conversation n'intéresse la présente enquête".

Rien n'est simple. Car il y a une affaire dans l'affaire, que rappelle en partie un second article du journal. Ganascia est cette même juge qui devrait comparaître prochainement devant le Conseil Supérieur de la Magistrature, pour avoir fermé les yeux (ignoré ? été complaisante ? rayez les mentions inutiles) devant une manip, montée en 2008 par des policiers de l'IGS contre un haut fonctionnaire de la préfecture de police de Paris, Yannick Blanc, mal en cour auprès de Sarkozy, et que celui-ci voulait évincer. Or, qui suivait cette affaire au Monde ? Le même Gérard Davet, qui a ensuite longuement interviewé Yannick Blanc dans le cadre d'un livre sur les "tués" du sarkozysme, "Sarko m'a tuer". Davet, son co-auteur Fabrice Lhomme, et Yannick Blanc, étaient d'ailleurs ensemble sur notre plateau en 2011, au moment de la sortie du livre. On peut revoir l'émission, si l'on veut se replonger dans cette période préhistorique. Les écoutes ordonnées en 2009 sur une affaire de 2006 auraient-elles, par hasard, d'autres motifs cachés que de faire la lumière sur l'affaire de 2006 ? Le Monde se garde de le supposer. Ne soyons pas plus soupçonneux que lui. Rappelons pour mémoire que, outre ce mois d'attentions particulières en 2009, les fadettes de Davet n'avaient aucun secret pour la police sarkozyste, et que son appartement avait été cambriolé.

Que nous disent ces coâssements de farfelus en leur marécage ? L'éternité de la barbouzerie d'Etat, ses malheureuses complicités dans la magistrature, et sa-relative- impunité. On aimerait croire que ces pratiques se sont arrêtées en 2012. Par définition, on n'en sait rien. On devrait être fixés vers 2020. Christiane Taubira a présenté en juin 2013 un projet de loi (minimal, regrette Le Monde) de protection du secret des sources. Aucune date d'examen au Parlement n'est encore arrêtée.

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