Une affaire de famille

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 84 commentaires

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Tout le reste, comme d'habitude, en est estompé.

Cessez-le-feu à Gaza, reculade de Hollande sur la "liberté de conscience" des maires devant le mariage homo, épreuve de force sur le budget européen : tout passe au second plan, quand la machine braque ses puissants projecteurs sur l'affrontement Copé-Fillon. Mais ne boudons pas notre plaisir de spectateurs. Si le spectacle fonctionne, c'est pour toutes sortes de raisons que je ne rappellerai pas, ne souhaitant pas lasser les lecteurs, mais aussi parce que s'impose le sentiment qu'il se passe quelque chose, authentiquement. Les combattants se sortent les tripes, et jouent leur vie. Ces petits soldats du sarkozysme, ces automates à éléments de langage, qui ont saturé l'espace cinq ans durant, les voici entraînés par la spirale de la guerre, réalisant progressivement que leur vie se joue là, maintenant, qui ne s'appartiennent plus. Aussi stupéfiant que cela paraisse, Fillon, le si prudent Fillon, semble sincère, quand il vient au 20 heures de TF1 souffler "je n'ai pas confiance", à propos de cette "commission des recours", où les séides de Copé l'attendent, bras et coeurs grand ouverts bien entendu, mais dagues planquées sous les vestons.

Quelque chose, mais quoi ? Cet éclatement de la "famille" néo-sarkozyste (comptons le nombre d'occurrences de ce mot "notre famille"), on l'observe sans vraiment parvenir à décider ce que l'on voit. Une crise de nerfs, une scène de ménage supplémentaire, à ajouter au long chapelet des guéguerres de la droite la plus bête du monde ? Ou bien l'explosion grandiose du parti hégémonique de la droite, victime de la droitisation de ses militants, et qui provoquera d'imprévisibles réactions en chaîne ? On en a vu, des bastons, dans les partis, au lendemain des défaites. Si l'on mettait bout à bout toutes les savantes prophéties sur la fin de l'UMP ou du PS, on aurait de quoi relier la Terre à la Lune. Mais il se trouve que les partis ont la vie dure. Ils maîtrisent les investitures, et recueillent les subventions publiques, deux puissantes raisons qui font hésiter le bras des parricides. Voilà comment, contre toute logique, et comme certains couples, ils survivent, parce qu'il fait froid dehors.

Se surajoute au pugilat une lutte, plus traditionnelle, de jeunes rénovateurs vertueux contre les vieux crocodiles en place. Car l'affrontement des crocodiles a masqué le second vote, à l'UMP, celui sur les motions, remporté par la motion "La droite forte", se revendiquant de Sarkozy, et dont les signataires, deux trentenaires chic et choc, veulent supprimer le droit de grève des enseignants, ou encore -ce n'est qu'un exemple- rajouter dans la Constitution la phrase: "la France est une République laïque de tradition chrétienne". N'en tirons encore aucune conclusion. Ce n'est qu'une pièce supplémentaire du puzzle qui s'assemble sous nos yeux, et dont nul ne connaît la figure finale.

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