Salviac, premier viré de Hollandie

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 271 commentaires

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Si l'on m'avait dit qu'il me faudrait prendre la défense d'un commentateur de rugby beauf

, et de sa beaufitude ! Mais tout de même, dans cette affaire Salviac, quelque chose ne passe pas. D'accord, le tweet de Pierre Salviac, commentateur rugbystique de RTL, à l'égard de Valérie Trierweiler, que je n'ai même pas envie de reproduire ici, atteignait le dernier degré de la beaufitude. Mais, comme nous le rappelions hier, s'agissant de l'intéressé, ce n'est pas le premier. Et le code pénal français ne comporte pas encore de délit de beaufitude. Pourquoi a-t-il été sanctionné pour celui-ci, et pas pour les précédents ?

D'accord, le fait que Salviac cesse de commenter les matches de rugby sur RTL ne constitue pas une perte tragique pour la liberté d'expression en France. Par ailleurs, le couple Hollande-Trierweiler n'a (que je sache) demandé aucune sanction à la direction de RTL. Mais on sait comment fonctionnent les choses en France. On sait comment l'art de la courtisanerie est d'abord celui d'anticiper les désirs du Prince. La promptitude de la réaction de RTL (le malodorant fut viré en un temps inférieur à la durée d'un match de rugby) laisse une drôle d'impression, mais davantage encore le silence gêné qui accueille cette décision.

Imaginons une seconde le tollé (à juste titre) si, après une même moquerie stupide et machiste ayant visé Carla Bruni, la direction d'un media avait pris la même sanction express. Souvenons-nous du tollé, bien réel, soulevé (à juste titre, bis) par le sinistre Philippe Val, lorsqu'il vira notre ami Didier Porte, après qu'il avait répété quatre fois "j'encule Sarkozy" sur l'antenne de France Inter. Tout cela ne tranche-t-il pas avec le silence gêné qui entoure le lourdage express de Salviac, coupable d'un simple tweet ? Salviac, dira-t-on, n'est ni humoriste, ni drôle. Et alors ? Le contexte, dira-t-on encore, est différent, le couple Trierweiler-Hollande, à la différence du couple princier précédent, n'ayant (encore) aucun passif en matière de liberté de la presse. C'est vrai. Mais la-première-dame-de-France est un personnage public. Sur son propre compte Twitter, Valérie Trierweiler, par ailleurs journaliste salariée des honorables maisons Lagardère et Bolloré, revendique elle-même (et à juste titre, ter) une liberté d'expression personnelle, dont elle seule délimitera les contours. Elle va, en outre, bénéficier d'un pouvoir d'influence, directe et indirecte, au moins égal à celui de Carla Bruni-Sarkozy. Bref, elle est désormais un des visages du Pouvoir. La liberté d'investigation, mais aussi de ton, à son sujet, ne doivent être encadrées que par les lois de la République, et pas par celles de la courtisanerie.

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