Les étranges documents du questeur Pastor

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 115 commentaires

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Parlons d'autre chose: pendant les scandales sexuels, l'investigation ordinaire continue.

Evadons-nous vers les hostelleries enchanteresses de la belle région du Tarn. Au tableau de chasse de Mediapart, cette semaine, un sénateur socialiste du Tarn, Jean-Marc Pastor, par ailleurs questeur du Sénat (c'est à dire, en charge de toutes les questions d'argent concernant cette assemblée). Au cours d'une enquête sur la questure, deux journalistes de Mediapart découvrent une étrangeté (lien payant): deux notes de restaurant se montant respectivement à 1428 et 1064 euros, pour 51 et 38 couverts, présentées par le questeur, et payées par le Sénat. Et l'étrangeté est là: ces repas ont été pris à l'Hostellerie Saint-Jacques de Monestiés, appartenant à la fille du questeur, et dont celui-ci possède des parts.

Commence alors une enquête de plusieurs semaines, Mediapart tentant en vain de retrouver les convives du questeur parmi tous les responsables politiques ou associatifs du département (l'enquête journalistique est un art tout d'exécution). Pastor lui-même, à propos des repas, change de version à plusieurs reprises, au gré des découvertes des journalistes. Un hebdomadaire local, Le Tarn Libre, appelle Pastor pour l'interroger. Embarras du sénateur: “Je vous en prie, ne mettez pas Le Tarn libre au même niveau que les journaux à scandales, qui, pour vendre, salissent les hommes politiques.” Embarras tout de même assorti, semble-t-il, de menaces voilées de représailles judiciaires contre l'hebdo. Et ici commence l'affaire dans l'affaire, dont tous les journalistes d'investigation savent bien qu'elle marque le vrai début du feuilleton: Pastor, dans la foulée, envoie au Tarn Libre un communiqué de soutien de Gérard Larcher, président du Sénat. Seul problème: ce communiqué est un faux, fabriqué par Pastor, comme ne manque pas de le découvrir Mediapart (lien payant), en interrogeant la chargée de communication de Larcher, laquelle précise, pour assurer qu'une réaction de Larcher ne tardera pas: "aujourd'hui, ce n'est pas sa préoccupation. Mais ça va le devenir".

L'article de Mediapart, daté de dimanche, avait été quelque peu éclipsé, jusqu'à ce matin, par les suites du feuilleton DSK. Cela risque de ne pas durer: Patrick Cohen lui a assuré, ce matin, un large écho sur France Inter. Un sénateur socialiste fabriquant un faux communiqué du président du Sénat: on attend avec intérêt la réaction de Larcher, jamais en retard d'un petit tour devant les caméras, pour assurer qu'il a supprimé tous les privilèges de la Haute Assemblée (sortez vos mouchoirs, on vous le montrait ici). Accessoirement, si elle trouve deux minutes, on attend aussi la réaction de la direction du PS.

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