Fraudes, ici et là-bas
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 31 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Parmi les cascades de reproches adressés aux Grecs, vous l'avez noté, ils maquillent leurs comptes
, planquent leur déficit, et surtout pratiquent la fraude, fiscale et sociale, à grande échelle. Ce n'est pas dans les honnêtes pays du Nord que l'on verrait des choses pareilles. La preuve: le rapport parlementaire français sur les fraudes sociales, que vient de se procurer l'AFP, et auquel France Inter consacrait quelques secondes dans son journal de 8 heures, entre les considérables nouvelles de la mort d'une collégienne et de la disparition d'une joggeuse.
Ces fraudes sociales, donc, seraient estimées à 20 milliards par an. Ce montant amalgame étrangement les fraudes aux cotisations sociales (cotisations salariales et patronales non versées en raison du travail au noir, entre 8 et 15,8 milliards), et les fraudes aux prestations, objet de la vigilance du Figaro Magazine (arrêts maladie, allocations familiales, RSA, entre 2 et 3 milliards). Les mathématiciens chevronnés remarqueront que le total n'arrive pas à 20: je le sais, mais je ne dispose pas du rapport original. Les mathématiciens super-chevronnés ne manqueront pas de noter que les fraudes patronales représentent un montant quatre à cinq fois supérieur à celui des fraudes imputées aux allocataires. C'est tout à fait exact. C'est sans doute la raison pour laquelle la plupart des mesures préconisées par le rapport, et citées par l'AFP, concernent la part minoritaire des fraudes aux prestations: le rapport préconise de «rétablir le face-à-face pour la constitution de dossiers initiaux de demandes de prestations sociales et pour lesquels les téléprocédures facilitent la fraude». Il demande également une carte Vitale biométrique, à durée limitée, «qui contiendrait l'ensemble des données de sécurité sociale de l'assuré» et qui serait délivrée par les mairies, comme pour les passeports ou les cartes d'identité. En matière d'arrêts maladie abusifs, il suggère de développer les «contre-visites», y compris chez les fonctionnaires. Etc etc. Peut-être le rapport préconise-t-il des mesures quatre à cinq fois plus importantes, quatre à cinq fois plus drastiques, contre les fraudes patronales aux cotisations (quatre à cinq fois plus importantes, rappelons-le) mais l'AFP ne le précise pas.
A vrai dire, il y aurait bien un moyen de lutter contre le travail au noir: multiplier les contrôles URSSAF. En une ligne, le rapport mentionne fort honnêtement le nombre insuffisant de contrôleurs URSSAF (220 contrôleurs et 1500 inspecteurs pour 7 millions de comptes cotisants). Je suis prêt à parier que ce n'est pas la mesure qui sera adoptée en priorité. Il est vrai qu'il n'est pas nécessaire d'aligner des milliers de contrôleurs pour donner au pays l'illusion d'un contrôle efficace: pour le plaisir, vous pouvez relire un de nos tout premiers articles, à l'époque du regretté Droit de savoir, qui racontait comment un contrôleur de l'URSSAF, M. Lucien Contou, était devenu une véritable vedette de TF1, à force de se faire accompagner dans ses contrôles (de préférence dans "le milieu asiatique parisien") par les équipes de télévision. Pardon de cette longue digression, qui nous a éloignés de notre sujet: la Grèce, pays tricheur.