Hulot : la grande bataille de la petite phrase

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 68 commentaires

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Rien n'est perdu: revoilà le journalisme politique. Le vrai, le pur,

garanti 100% sans compromissions, celui qui ne cache pas ce qu'il sait, celui qui dévoile la vérité, toute la vérité, quoiqu'il en coûte. La chronique politique avait perdu la bataille DSK. Elle n'a pas perdu la guerre: la bataille de "La marée" est un immense succès. Il est 23 heures, vendredi soir, dans la salle du premier étage d'un restaurant de La Rochelle. Les journalistes qui couvrent le congrès d'Europe Ecologie Les Verts sont partagés en trois tablées. Hulot kitesurfe entre les trois tables. L'envoyée spéciale de France-Soirraconte un entretien de fin de dîner, qu'elle décrit comme "zigzagant" «Et Borloo? Vous seriez prêt à bosser avec lui?» La réponse de Hulot – déconcertante – va chambouler le week-end: «J’ai discuté avec lui en amont de ma candidature…» Ont-ils envisagé l’idée d’un partenariat? «Oui, un court temps.» Mais, nuance-t-il, «ce n’était pas envisageable d’y aller sans Europe Ecologie-Les Verts».

Passée la première question (qu'est-ce exactement qu'un entretien "zigzagant" ? Est-ce une manière de sous-entendre, sans le dire, que Hulot est totalement bourré ? Et alors pourquoi ne pas le dire ?) il faut admirer la réactivité du système, dès qu'il se trouve sur son terrain privilégié: l'extraction de "petite phrase" Dès 23 heures 45 (toujours selon France-Soir) les "urgents" de l'AFP s'inscrivent sur les smartphones des journalistes qui, on l'imagine, n'ont pas encore quitté leurs tablées. Il faut dire que la nouvelle est sidérante: Hulot "a discuté" avec Borloo. En amont. Qui l'eût cru ? Et voilà la désignation du candidat des Verts bouleversée, et par contrecoup, toute la présidentielle. Une chose est certaine: la réaction des confrères présents autour de cette table a été plus rapide que celle des convives de DSK, lors des fameux déjeuners, fin avril, avec trois rédactions de médias de gauche, apprenant de sa bouche que sa candidature était certaine, mais se gardant bien de l'écrire.

Accessoirement, au détour de l'article de France-Soir, on apprenait qu'avant l'embardée fatale, Hulot et ses convives avaient aussi causé nucléaire. Que s'étaient-ils dit ? Avaient-ils évoqué la décision de l'Allemagne ? La manière de promouvoir les énergies renouvelables ? Hulot avait-il longuement démonté les argumentaires gouvernementaux sur le nucléaire ? Avait-il rappelé que le prix du KwH produit par l'EPR serait 40 % plus cher que le coût initialement prévu ? On ne le saura jamais, cette partie-là de la conversation n'ayant pas fait l'objet de dépêches urgentes.

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