Champions et parts d'ombre

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 110 commentaires

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DSK libéré sous caution, l'histoire n'est pas finie.

Ni pour lui (elle commence, mais devient déjà secondaire), ni pour le PS (que saviez-vous ?) ni pour le journalisme politique français, qui va bien devoir un jour expliquer pourquoi il assistait, béat, enivré des vapeurs des sondages auto-réalisateurs, au long processus d'investiture d'un coinçeur d'ascenseurs notoire, jusqu'à la première marche. "Et vous nous auriez laissés voter pour lui ?" demanderont aux Joffrin, aux Domenach, aux Giesbert et aux autres, les citoyens qui les lisent encore. Et ils auront raison.


Joffrin et Giesbert sentent le vent du boulet. Il fallait les voir, hier soir, les gros malins, côte à côte, dans l'émission de Pujadas, bousculer l'icône octogénaire Badinter, qui venait de tenter, en faveur de l'ami Dominique, l'ultime (et pathétique) plaidoirie de sa carrière. "Vous n'avez pas eu un mot pour la victime !" accusa Joffrin, vibrant. Vite vite, se dédouaner, se laver par une colère. Vite vite, tenter de se dégager du vaisseau en perdition. Ils étaient plus habiles que le pauvre Valls, dont le pétage de plombs montre tragiquement qu'il n'a rien compris à la semaine écoulée. Machisme ou connivence ? Qu'est-ce qui l'emporte, dans l'omerta française sur le cas DSK ? Ce que l'on vient de voir, toute cette semaine, y compris dans les lieux journalistiques où on ne l'aurait pas spécialement attendu (Marianne et Le Canard), c'est le spectacle accablant de la conjugaison des deux.

Si Valls n'a rien compris, il semble que d'autres commencent à tirer les leçons. C'est un strauss-kahnien anonyme, qui parle au Monde: "depuis les victoires de Mitterrand, et à l'inverse les défaites de Mendès et de Rocard, c'est à dire de la gauche morale, nous avions fini par nous convaincre qu'il était possible pour le PS de conquérir le pouvoir malgré les parts d'ombre de son champion. On va peut-être devoir reconnaître que nous n'aurions pas dû occulter les parts d'ombre de Dominique". C'est joliment dit. C'est dit avec modération. Dommage que ce soit anonyme.

Le journalisme étant l'art de prévoir les événements survenus, vous pouvez être certains, dans les jours qui viennent, de voir fleurir partout les enquêtes sensationnelles sur le harcèlement sexuel dans les partis politiques. Mieux vaut tard que jamais. Ce sera bien, mais pas suffisant. Les "parts d'ombre" sont multiformes. A cet égard, la multiplication, depuis deux jours, de papiers sur les chances, à la tête du FMI, d'une Christine Lagarde menacée en France de poursuites devant la Cour de Justice de la République, est proprement...sidérante (pour reprendre le mot de la semaine, dont l'histoire est racontée ici). Et pour revenir au PS, à propos d'Aubry, par exemple, c'est maintenant sur les fraudes dans les votes internes du PS, qu'il faudra porter l'attention. Ou sur la manière dont, dans sa propre région, elle est l'otage de la très particulière fédération socialiste du Pas de Calais. Tiens, pour ne pas dire que vous ne saviez pas, vous pouvez regarder par ici.

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