2010 : Fausse épouse de polygame, vraies photos pornos [AVENT2020]

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Christophe Girard sur notre plateau

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A propos des journalistes qui savent d’avance ce qu’ils vont chercher dans leurs reportages, l’affaire rocambolesque et triste d’une épouse de mari polygame que les journalistes du Point disent en 2010 avoir rencontrée. Mais cette femme de polygame, est en fait … Abdel, un jeune habitant de Montfermeil, qui s’est fait passer pour une femme en travestissant sa voix. Il explique avoir voulu se "venger" des journalistes qui donnent systématiquement une mauvaise image de la banlieue. Et pour garder une preuve, le jeune homme s’est même filmé en train d’être interviewé par le journaliste du Point, Jean-Michel Decugis. En recherchant cette émission, surprise : nous y avons aussi retrouvé Christophe Girard, adjoint (aujourd’hui démissionnaire) à la Culture à la mairie de Paris. A l’époque, il est sur la sellette à propos d’une exposition de photos d’adolescents, pour certaines pornographiques, de l’artiste Larry Clark. Pour éviter tout risque juridique, la mairie a dû interdire l’entrée aux moins de 18 ans. S’il a dû prendre cette décision, Girard la désapprouve personnellement. Il est évident qu’on regarde cette scène différemment aujourd’hui.

<strong>La mairie de Paris s’est elle auto-censurée en interdisant aux moins de 18 ans l’exposition du photographe mondialement connu Larry Clark ? Dans cette expo, des photos extrêmement explicites d’adolescents, dans des scènes de sexe et de drogue. Depuis cette décision, les critiques pleuvent sur la Mairie de Paris.</strong>

Pourquoi des photos que l’on pouvait voir sans problème il y a quelques années, sont- elles maintenant marquées du sceau infamant de la pédophilie? Comment peut-on concilier l’intégrité artistique et un certain air du temps qui est plutôt à la frilosité? Sur notre plateau, Christophe Girard, adjoint au maire de Paris chargé de la culture, Stéphanie Moisdon, commissaire d’exposition et critique d’art, et Louis Mesplée, ex-directeur de la photographie de Libération, et chroniqueur à Rue 89.

On commence par s’arrêter exceptionnellement sur l’hebdomadaire Le Point de cette semaine, qui propose un dossier intitulé : "Immigration, Roms, allocations, mensonges… Ce qu'on n'ose pas dire". Dans ce dossier, un reportage choc: "Un mari, trois épouses", qui présente l’interview d’une femme de polygame que les journalistes du Point disent avoir rencontrée. Mais cette femme de polygame, c’est … Abdel. Ancien de l’association AC Le Feu, habitant de Montfermeil, il s’est fait passer pour une femme en travestissant sa voix. Il explique avoir voulu se "venger" des journalistes qui donnent systématiquement une mauvaise image de la banlieue. Et pour garder une preuve, le jeune homme s’est même filmé en train d’être interviewé par le journaliste du Point, Jean-Michel Decugis. Notre article sur le sujet réalisé par Dan Israel est ici. (Acte 1)

Didier Porte, lui, s'est intéressé à l'Express de cette semaine. Pourquoi tant de haine à l'encontre de Sarkozy ? se demande l'hebdomadaire. Et, stupéfait, Porte y a lu cette réponse : les attaques contre Sarkozy seraient... antisémites. "Alors que Sarkozy n'est même pas juif", soupire-t-il.

Cette semaine, Lucie est de retour avec une chronique. Elle a pointé l’empressement des JT à parler d’une alerte à la bombe à la Tour Eiffel. TF1 se lance dans un duplex… pour ne rien dire. France 2 de son côté veut se démarquer de la surenchère de TF1… Mais pour mieux traiter autrement... le même sujet. (acte 2)

Place au débat. Pourquoi ce choix d’interdire l’exposition aux moins de 18 ans? Pour Christophe Girard, il s’agit de se conformer à la loi, "il y avait un risque avéré", explique-t-il. Plutôt interdire aux moins de 18 ans que de devoir fermer l’expo en cours de route, ou, pire, ne montrer qu’une expo amputée de certaines photos, clame-t-il.

Mais en tant que citoyen, Girard "désapprouve le contenu de la loi" qui l’amène à prendre cette décision. Lui aurait souhaité que l’expo puisse être visible à partir de 16 ans. Et en dessous de cet âge, que les enfants soient accompagnés par un parent ou un enseignant.

Que dit la loi justement ? C’est un enchevêtrement d’articles, qui ont évolué au fur et à mesure des lois et des années. La décision repose sur deux articles notamment, le 227-23 et le 227-24, qui datent, pour leur origine, de 1994. L’un punit le fait de diffuser de la pornographie mettant en scène des mineurs. L’autre, punit le fait de diffuser, "par quelque moyen que ce soit, et quel qu’en soit le support, un message pornographique pouvant être vu par un mineur." Ces articles ont été modifiés, leurs peines aggravées dans la loi sur la protection de l’enfance de mars 2007. Mais selon Moisdon, qui cite l’ancien garde des Sceaux Jacques Toubon, qui avait participé lui-même à l'écriture des articles de loi, le législateur a voulu cibler uniquement la diffusion sur internet de contenu pornographique, et ne devait en rien concerner la production artistique. Mais leur formulation, de fait, est restée assez large, ce qui permet toutes les interprétations. (Acte 3).

Moisdon connait bien ce débat autour de la liberté dans l'art. Elle a été mise en examen dans l'affaire "Présumé innocent", une exposition qui s'est tenue en 2000 au Musée d'art contemporain de Bordeaux, sur l'enfance et la sexualité. Le dossier, aujourd’hui en cassation, n’est toujours pas clos. Dans une tribune publiée sur Le Monde.fr, où elle fustige l'interdiction de Larry Clark aux mineurs, elle parle de "climat de lâcheté".

Il faut "s’en sortir par le haut", dit-elle sur le plateau". "Nous ne pouvons plus fonctionner ainsi." Elle appelle à ce que artistes, commissaires d'exposition, et législateurs "travaillent ensemble", et "changent la loi". "Je ne suis pas député", rétorque Girard, qui souligne sa démarche : "Pourquoi est-ce que j'accepte de participer au débat ?C'aurait été plus reposant de ne pas venir, quand on est accusé de censeur". Il affirme finalement, souhaiter, lui aussi, un débat à l'Assemblée Nationale, au sujet de cette loi, et rappelle que c'est également le souhait du maire de Paris. "C'est très bien", se félicite Moisdon. Et d'ajouter : "Je vous propose d'y contribuer".

"On jette un regard pornographique sur des œuvres à postériori", déplore par ailleurs la commissaire d'exposition. "La question de la pédophilie est arrivée récemment", estime-t-elle. "On en fait maintenant une lecture obsessionnelle". C’est l’accusation qui a pu être formulée concernant des photos de Clark. "Clark avait été attaqué à ses débuts pour pornographie, mais jamais pour avoir réalisé des images pédophiles," souligne Moisdon. (Acte 4).

Les œuvres de Clark ont pourtant déjà été exposées en France. A la Maison européenne de la photographie (MEP), notamment, en 2007. Avec seulement un avertissement alertant sur des "photos choquantes". Girard assure que les photos les plus explicites n’étaient pas montrées alors. Contacté par @si, la Mep assure du contraire : toutes les photos de l'époque Tulsa, du nom de la ville natale de l'artiste, qui a donné le nom à son premier livre de photo, en 71, y étaient alors montrées. Quid de l’accueil de cette décision à l’étranger ? Paris, capitale de la culture, va-telle pâtir de cette décision ? L'interdiction aux mineurs a été "comprise" par la presse anglo saxonne, assure Girard. (Acte 5)

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