Chirac, le sondage et les bulles
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 26 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Enfin une bonne nouvelle, un chiffre en hausse
, qui n'est pas celui du chômage : celui de la popularité de Jacques Chirac. Chirac, au cours du dernier mois, est devenu la personnalité préférée des Français. Il a enfin réussi à semer Rama Yade, avec qui il faisait jeu égal le mois précédent. A noter également la forte hausse de Rachida Dati. Ne dîtes pas que vous n'en avez pas entendu parler : toutes les radios du matin l'ont au moins signalé, en quelques courtes phrases. C'est une de ces miettes d'information, qui aident à faire tenir le gâteau. C'est un sondage Ifop Paris-Match, qui nous révèle cette information capitale. De cet absurde palmarès, n'incriminons pas les sondés. Si le nom de Chirac sort du chapeau, c'est parce qu'on l'y a mis, c'est parce que les sondeurs ont choisi de l'intégrer dans la liste soumise aux sondés. Autrement dit, ils font délibérément concourir des politiques "en activité", et des retraités (on se demande d'ailleurs pourquoi, emportés par leur élan, ils n'y intègrent pas quelques morts), à seule fin de confirmer ce qu'ils savent parfaitement : l'inactivité rend populaire. Encore autrement dit, ils produisent délibérément, en toute connaissance de cause, un sondage sans aucun sens. |
Dans un marché de l'information "réelle", un marché dans lequel la cote de chaque information dépendrait uniquement de sa pertinence ou de son utilité, la valeur marchande de ce sondage devrait être nulle. Il ne devrait être repris nulle part, et devrait relever directement du classement vertical. Or il est repris partout. Pourquoi ? Non pas seulement "malgré" son inanité, comme on pourrait le croire. Mais aussi à cause de cette inanité, son absurdité même devenant un des critères de sa pertinence. Absurdité, inanité, inutilité, peuvent donc parfaitement avoir été recherchées par les fabricants du sondage, comme des accélérateurs de sa reprise. A quelque chose, stupidité est bonne : dans ce décalage entre la valeur réelle d'une information et sa valeur virtuelle, se trouvent quelques clés qui permettent d'ouvrir sur un autre marché, et sans doute , par exemple, de mieux appréhender l'éternel mystère de toutes les bulles, et de leur éclatement.