Benoit XVI et les ouvriers de Continental
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 252 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Il n'en rate pas une, il ne pouvait donc pas rater celle-là.
En vol vers le Cameroun, répondant à cinq questions présélectionnées de la presse, Benoit XVI estime que le préservatif aggrave le problème du SIDA. Ce pape est un bonheur de journalistes. Ouverture immédiate du journal de France 2, orchestration solennelle de la réprobation générale. Enième retour de la figure obligée du lynchage papal. |
Evidemment, chacun a immédiatement envie de lui rentrer ses paroles dans la gorge. Evidemment, la résistance de granit de cette dureté dogmatique, inaccessible aux souffrances du réel, est insupportable. En même temps, on aimerait être dans la tête du pape. Prévoit-il, quand il prononce ces mots, les réactions qu'il va déchaîner ? Les souhaite-t-il ? Les dédaigne-t-il à l'avance ?
Le Grand Journal de Canal+ a invité deux ouvriers de Continental. Là où se posent d'habitude les lumineux blablateurs, là où le sourire qui pardonne, le sourire des guerriers fendant l'armure, le sourire de l'humour-sur-soi-même, asseoit son emprise sur le monde, on a admis pour un soir un homme et une femme du réel. On les a coiffés, mas pas trop. Maquillés, mais pas trop. On les a voulus exactement à cheval entre deux mondes, le monde de l'insupportable souffrance sociale, et l'Olympe des gavés.
Et c'est sous leurs yeux, que Aphatie déroule son papier balancé sur le bouclier fiscal. Le pour, le contre se succèdent, de quel côté va-t-il tomber ? Peu importe. Il joue sur du velours. Leur silence attentif ratifie la démonstation aphatienne. Il la légitime. Est-ce le but du réalisateur, à travers ces plans silencieux d'écoute ? L'image, comme d'habitude, est parfaite, et ce soir Aphatie est inattaquable. Il faudrait les inviter tous les soirs. Il faudrait les prêter au pape.