Glyphosate : et maintenant, l'étude qui tombe à pic pour Monsanto...

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 84 commentaires

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ous l'avez entendu ce matin : le glyphosate vient de voir son autorisation en Europe prolongée pour cinq ans.

V Concert d'indignation dans la classe politique, et sur les réseaux sociaux. Apparemment, le ministre de l'Agriculture allemand (CSU, droite) aurait outrepassé les instructions de la chancelière en transition. Quant à la France, son ministre de l'Agriculture (qui a voté contre cette prolongation) s'est finalement déclaré satisfait de la situation, avant d'être rappelé à l'ordre par Sa Bienveillance Macron lui-même, qui a tweeté qu'il en tenait pour un remplacement du pesticide de Monsanto, classé "cancérogène probable", le plus vite possible, et en tout état de cause avant trois ans.

Bien. C'est incontestablement une victoire pour le fabricant Monsanto, dont la presse mondiale vient de révéler comment il n'avait rien épargné, de toutes les recettes du lobbying licite ou illicite, pour museler les travaux des scientifiques contestataires (voir nos compte-rendus ici,ici et ici).

Reste que l'état des lieux des travaux scientifiques est le suivant, comme le rappelle cette infographie de l'AFP.

Troublante infographie : l'OMS est la seule institution à en tenir pour le "cancérogène probable". Troublante, sauf si l'on sait , comme le révélaient en début de semaine Stéphane Foucart et Stéphane Horel du Monde, que les études européennes (en vert sur l'infographie) ont été menées sous influence étroite de Monsanto, certains passages des documents de la firme se retrouvant purement et simplement copiés-collés dans les rapports européens.

Mais le trouble ne s'arrête pas là.

Le mois dernier, dans une certaine discrétion, ont été publiés les résultats d'une autre recherche. Se fondant sur un suivi d'une cohorte de 50 000 travailleurs agricoles pendant 20 ans, cette étude, dite "Agriculutre Health Study" (AHS), menée par le National Cancer institute (établissement public fédéral américain) ne met en évidence aucun lien entre forte exposition au glyphosate et cancer (cancers du sang, ou cancers "solides"). Elle pulvérise donc la thèse du "cancérigène probable". Rendant compte de cette étude quelques jours plus tôt, même Foucart et Horel ne trouvaient à y reprocher que des objections méthodologiques, que l'on peut opposer à n'importe quelle étude.

Jusqu'à preuve du contraire, cette étude est donc présumée, sinon incontestable, du moins honnêtement menée, hors de toute influence de Monsanto.  Tellement hors d'influence, qu'elle est la première à suggérer un lien, que personne d'autre n'avait détecté, entre usage intensif de glyphosate et leucémie. Tellement hors d'influence que, ainsi que le rappellent Foucart et Horel eux-mêmes, se fondant sur la mine des "Monsanto papers", Monsanto avait tenté de la dézinguer quelques années plus tôt, des documents internes de la firme la qualifiant même de "science pourrie", avant qu'elle tourne...à son avantage.

Que penser de l'étude de l'AHS ? Comme le notent encore Horel et Foucart, elle tombe particulièrement bien pour Monsanto. En outre, elle a été publiée dans des délais remarquablement rapides. Tout cela ne suffit pourtant pas à la discréditer. Si des soupçons pèsent sur cette étude publique américaine, il faut souhaiter que des voix autorisées le disent le plus vite possible, avant que ne s'élève la vague inévitable de l'écolo-scepticisme.

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