Laurent Wauquiez et le "gaspillage d'argent public"

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"On a, évidemment, cette question qui est quand même très lourde pour notre pays, qui est notre situation budgétaire. (...) La priorité, je l'ai dit et je le redis, c'est la baisse des dépenses. Dans un pays où il y a autant de gaspillage de l'argent public, la priorité, c'est la baisse de la dépense."

Ce n'est pas un économiste qui livre ainsi son analyse, ce 1er octobre 2024, dans la Matinale de RTL. C'est Laurent Wauquiez, député LR et président du groupe à l'Assemblée nationale. Il enfonce le clou : "Depuis 2021, l'Etat français a dépensé 250 milliards d'euros de dépenses en plus. Est-ce que la santé va mieux ? Est-ce que ceux qui nous écoutent considèrent que l'éducation va mieux ? Est-ce que la sécur... [Notez le splendide lapsus au passage] l'hôpital, l'éducation, tous nos services publics vont mieux ? Ma conviction, c'est que ça doit d'abord porter sur le gaspillage de l'argent public."

Après tout, il sait de quoi il parle, Laurent Wauquiez : le gaspillage de l'argent public, ça le connaît. L'ex-président de la région Auvergne-Rhône-Alpes est même grand expert en la matière, puisqu'il a été épinglé par la chambre régionale des comptes (CRC) pas plus tard que cet été pour ses fameux banquets organisés aux frais du contribuable. Des "dîners des sommets" dont l'existence avait été révélée par Mediapart en octobre 2022 et durant lesquels le président de Région réunissait "le gotha régional dans des lieux de prestige afin de «créer des synergies»". Coût d'un seul dîner, organisé dans un château dans le Beaujolais en juin 2022 : 100 000 euros d'argent public, soit plus de 1100 euros par convive - "pas loin d'un Smic mensuel", soulignait Mediapart.

Le journal décrivait par le menu "une soirée fastueuse" : "Invité·es escorté·es à bord de vans de luxe pour parcourir quelques centaines de mètres seulement, apéritif au champagne dans les jardins à la française dessinés par Le Nôtre, dîner élaboré par l’Institut Paul-Bocuse avec service à la cloche – un serveur par convive –, bouteille de vin, pâtisserie et tire-bouchon siglé de la région en cadeaux…" (...) "Au menu : « lentilles vertes du Puy, crème d’anguille fumée, mousse légère de betterave au vinaigre de Xérès », « foie gras de canard aux douces épices », « tournedos de volaille de Bresse sauce Albufera » et « festival de gourmandises », arrosés des vins de la propriété et de « porto vintage »." Bref : du gaspillage d'argent public, qui aurait pu aller à "l'hôpital, l'éducation, les services publics" de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

C'est forcément ce que va lui répondre Thomas Sotto, le journaliste de la Matinale de RTL, se dit-on en entendant ainsi Wauquiez en faire des tonnes sur le "gaspillage d'argent public". Sauf que non. Thomas Sotto veut savoir si Wauquiez votera le budget du gouvernement Barnier. "Mais pardon, mais, sur les impôts : est-ce que c'est une ligne rouge, comme Gérald Darmanin qui dit qu'il ne soutiendra pas le gouvernement ?" Et encore : "L'économie sur la dépense, vous l'avez développée, mais pardon, sur les impôts, vous ne répondez pas ? Est-ce que si, dans le budget, il y a des hausses d'impôts, vous voterez ce budget ? Ça, c'est oui ou non ?"

Wauquiez continue en disant qu'il a "commencé par baisser la dépense" lorsqu'il était président de Région. On dirait qu'il tend des perches à Sotto, mais le journaliste n'en attrape pas une seule. Thomas Sotto ne relance jamais sur ce "gaspillage d'argent public", puis passe "aux questions de criminalité et de délinquance". Hop, sécurité, ça tombe bien, Wauquiez appelait ce sujet de son lapsus un peu plus tôt. Vous n'entendrez pas parler des dîners fastueux de Wauquiez à un Smic par tête, payés par le contribuable, sur RTL ce matin-là.

L'abonnement à Mediapart de Thomas Sotto a-t-il expiré ? Ne lit-il pas la presse, ne s'informe-t-il pas sur les politiques qu'il va interviewer ? Ou bien a-t-il, comme nombre de ses collègues, la fâcheuse habitude de ne pas rebondir sur les révélations de Mediapart ? Mais alors, Thomas Sotto n'a-t-il pas lu non plus leDauphiné libéré, qui révélait cet été en exclusivité le rapport de la Chambre régionale des comptes qui "pointe du doigt la stratégie de communication de la Région Auvergne-Rhône-Alpes centrée sur son président avec selon elle, des dérives financières" ? Pour rappel, le Dauphiné évoquait alors "des montants totaux de 77 180 € pour l’année 2022 et 45 988 € en 2023" et "un dîner à 1 248 € en mars 2022 avec l’écrivain Michel Houellebecq". En août, Laurent Wauquiez adressait à l'AFP un communiqué dans lequel il se disait "pas informé du coût de ces repas" et s'engageait à "assurer à titre personnel le remboursement des sommes excessives". Rassurez-nous, RTL a tout de même accès au fil de l'AFP ? C'est l'occasion rêvée pour Thomas Sotto de lui demander si le remboursement est bien effectué, non ? Non. Ah. Bon, ben tant pis alors.