Israël-Gaza : plaidoirie sudafricaine et silence médiatique

Pauline Bock - - Sur le gril - 42 commentaires

Les médias diffusent en direct la défense d'Israël à la CIJ, mais pas les arguments de l'Afrique du Sud

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Jeudi 11 janvier, durant trois heures, les avocats de la délégation de l'Afrique du Sud ont plaidé devant la Cour internationale de justice (CIJ) à la Haye, la plus haute cour des Nations unies, pour un cessez-le-feu immédiat à Gaza. L'Afrique du Sud a déposé plainte auprès de la Cour fin décembre, accusant Israël de violer la convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée en 1948, par son action militaire dans la bande de Gaza.

"Il s'agit du premier génocide de l'Histoire dans lequel les victimes diffusent en direct leur propre destruction, dans l'espoir désespéré, et, jusqu'ici, vain, que le monde fasse quelque chose", a déclaré hier l'avocate principale de l'Afrique du Sud, Blinne Ní Ghrálaigh. Si elle a été traduite par des journalistes et analystes sur les réseaux sociaux, cette phrase n'est que très peu citée dans les médias français.

Ceux-ci n'ont d'ailleurs pas été nombreux à faire de la plaidoirie de l'Afrique du Sud une actualité majeure du 11 janvier, préférant s'intéresser, pour le troisième jour consécutif, au remaniement gouvernemental dont le détail n'a été connu qu'en soirée. Si plusieurs médias français ont bien rappelé les arguments de Pretoria - qui accuse Israël d'actes "commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux" - la plaidoirie n'a pas été retransmise en direct sur les chaînes d'information en continu en France.

Dans la presse, lorsqu'on en parle, c'est pour relativiser la situation, voire défendre Israël, comme le Figaroquidécrit un "soupçon infâmant" de l'Afrique du Sud contre l'État hébreu. "Israël accusé de génocide : comment l'État hébreu compte se défendre", titre pour sa part l'Express. Un article du Monde de sa correspondante sur place retrace les arguments des deux parties, mais souligne dès le titre que l'Afrique du Sud s'est "efforcée de démontrer" le "comportement génocidaire" d'Israël à Gaza. Libération se contente d'un article de CheckNews sur les enjeux de la procédure pour chaque partie, et d'un paragraphe dans le "récap" du jour, qui ne résume pas la plaidoirie mais précise que Netanyahu pense que l'Afrique du Sud se comporte comme "le bras juridique de l'organisation terroriste Hamas".

Sur Franceinfo, la différence de traitement est frappante. Le 11 janvier, pour la plaidoirie de l'Afrique du sud, le site a republié une dépêche AFP. Le 12, en revanche, le site a ouvert une page spéciale, tenue par deux journalistes et alimentée en "DIRECT" tout au long de la journée pour couvrir la défense israélienne. Ailleurs, la procédure de la Cour internationale de justice ne mérite pas mention : priorité à Gabriel Attal, Alain Delon et la neige (BFMTV), le remaniement (CNews), l'Ukraine et Taïwan (LCI). À l'international, on observe une tendance semblable à celle de Franceinfo : la plaidoirie sud-africaine n'a pas été retransmise sur la BBC ou SkyNews le 11. Mais celle d'Israël a fait l'objet d'une diffusion en direct sur les deux chaînes. Le monde - en tout cas, le monde médiatique occidental - ferme les yeux, ou n'en ouvre qu'un.


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