Et Bellamy fit exploser le dispositif de France 2

Paul Aveline - - Médias traditionnels - Sur le gril - 54 commentaires

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Le match était annoncé depuis des semaines, comme le clasico ou la finale de la Ligue des champions – en l'occurrence on parle d'élections européennes. Attal-Bardella, Bardella-Attal, le Premier ministre contre celui qui s'y verrait bien, le tout en prime time sur France 2 dans une émission justement nommée L'événement (nous en parlions déjà ici en novembre). Dès les premières minutes du spectacle, on est mis dans l'ambiance par la musique. Les puristes reconnaissent Kashmir, de Led Zeppelin. Les nostalgiques du football des années 2000, le générique de Téléfoot, émission dominicale phare de TF1. La preuve en images. 

Et comme le pointe justement sur X Abel Mestre, journaliste au Monde, tout le dispositif est calqué sur les soirées football – énième avatar de l'influence néfaste du pire du journalisme sportif sur le reste du secteur. D'abord, le match pendant une heure et des poussières, puis le debrief avec les commentateurs : Brice Teinturier (Ipsos), Guillaume Daret (France 2), Marion Van Renterghem (l'Express). Dans le rôle des spécialistes qui savent de quoi ils parlent parce qu'ils pratiquent eux-mêmes, quatre têtes de liste : Manon Aubry (LFI), François-Xavier Bellamy (LR), Marie Toussaint (Les Écologistes) et Marion Maréchal (Reconquête). Oui mais voilà, eux ne participent pas à un débat. Ils sont tour à tour seuls en plateau et doivent invariablement répondre à la même première question de Caroline Roux qui anime la soirée : alors, vous en avez pensé quoi du match ? 

Patatras

Vient le tour de François-Xavier Bellamy, tête de liste des Républicains. Et la machine s'enraye, car Bellamy est légèrement agacé par la question de Caroline Roux. Face à la journaliste visiblement ébahie par ce qui est en train de se passer, il déroule : "J'ai hésité à venir ce soir et je crois que ce qu'il s'est passé est en réalité le signe d'une crise démocratique assez profonde, qui finalement se révèle dans la mise en scène à laquelle nous avons assisté. Parce que c'est une mise en scène. Qu'est-ce qui permet d'organiser la confrontation entre ces deux personnes ?" Caroline Roux tente d'esquiver en déportant la responsabilité sur Attal et Bardella : "Ils s'en sont expliqués au début, ils n'ont pas convaincu ?" Bellamy réplique : "Non mais c'est même pas eux qui devraient s'en expliquer. Comment est-ce que vous les avez choisis ? Comment est-ce que vous avez choisi d'organiser cette confrontation ? Qu'est-ce qui vous permet de les avoir invités, eux ? C'est les sondages ?" Caroline Roux, regardant Brice Teinturier dans l'espoir de trouver du secours : "C'est les intentions de vote ?" C'est une question, pas une affirmation. L'air de dire : "J'en sais rien moi non plus." 

Malin, Bellamy ne laisse pas croire à une crise d'ego : "Dans ce cas, je ne plaide pas pour moi, si on regardait les sondages, il aurait fallu inviter au moins Raphaël Glucksmann (tête de liste PS, ndlr)." Caroline Roux reprend ses esprits, et lance la première pique : "Vous allez quand même venir le 4 juin pour le grand débat sur France Télévisions ?" "- Mais bien sûr parce que tous les candidats seront invités !" "- Ah bon, voilà !" Condescendance palpable, la discussion se tend. Bellamy encore : "Où est Valérie Hayer (tête de liste Renaissance, ndlr) ? J'ai du respect pour Valérie Hayer." Roux l'interrompt : "Elle vous a manqué ce soir Valérie Hayer." "-Non mais attendez, je voudrais juste qu'on s'arrête là-dessus, parce que c'est quand même extrêmement grave. [...] Rien ne justifie que ce soir le service public mette en scène ce débat. Rien !" Roux reprend la main : "Vous êtes là ce soir avec nous, est-ce que vous avez envie d'y participer à cette soirée ? [...] Est-ce que ça vous intéresse de parler de votre projet ou pas ? Parce que c'est maintenant le happening permanent votre campagne, donc là vous êtes venu faire un happening, très bien, on a compris !" 

La réponse (en fait une conclusion, fermez le ban, on passe à autre chose) en rappelle une autre, faite par un autre animateur sur un autre plateau. Alors que Louis Boyard vient de critiquer vertement Vincent Bolloré dans TPMP, Cyril Hanouna rétorque (avant les insultes) : "T'es venu ici pour faire le malin en fait ?" De C8 à France 2, la même règle immuable, on ne critique pas le dispositif auquel on participe, au risque d'être moqué et traité comme un rabat-joie. La dernière remarque de Bellamy était pourtant on ne peut plus juste : rien ne justifiait ce débat Attal-Bardella, scandale démocratique piètrement rattrapé par des entretiens en deuxième partie de soirée avec les autres. Raphaël Glucksmann s'en sort bien, il aura finalement son prime sur France 2, seul, à la même heure que Bardella et Attal. Les autres se contenteront encore une fois des miettes. Et gare à celui ou celle qui oserait se demander si c'est bien démocratique. La télé vend chèrement sa peau.


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