D-Day : Les médias Bolloré rendent hommage au "héros"... Gwenn-Aël Bolloré
Pauline Bock - - Coups de com' - Sur le gril - 32 commentaires
"Chez ces gens-là, il y avait une sorte de fougue... Le désir d'une libération." Ces "gens-là" ? Les héros du Débarquement en Normandie du 6 juin 1944, dont la France célèbre ces jours-ci le 80ème anniversaire. Plus précisément les 177 soldats du commando Kieffer, qui ont participé au Débarquement.
Mais ce 6 juin, sur CNews, l'éditorialiste Marc Menant souhaite rendre hommage à un soldat en particulier parmi ces 177 héros : Gwenn-Aël Bolloré, qui se trouve être - c'est sans doute un pur hasard - l'oncle de Vincent Bolloré, propriétaire de CNews. Et Menant n'y va pas avec le dos de la cuiller : "Dans le cas de Gwenn-Aël Bolloré, ce qui est bouleversant, c'est que dès l'âge de 14 ans (...), dès qu'il a vu les Allemands s'emparer de Quimper sans qu'il y ait la moindre résistance, il a été offusqué. Ça ne correspondait pas à ses valeurs... Ça ne correspondait pas au sens de l'honneur qui l'avait toujours animé..." Menant a bien révisé ses fiches et déroule tout le CV de Gwenn-Aël Bolloré, collégien à Paris obsédé par l'idée d'entrer en Résistance, qui supplie son cousin, déjà dans l'armée : "Mais comment rentrer, comment rentrer en contact avec les Résistants et gagner Londres ?" Menant raconte si bien qu'à côté de lui en plateau, Pascal Praud ouvre des grands yeux et l'écoute attentivement. Quelle histoire inspirante que celle de Gwenn-Aël Bolloré, "un garçon qui a la chance d'avoir un cheval personnel pour ses loisirs" et qui va "le vendre pour acheter un bateau" et rejoindre l'Angleterre avec son cousin ! "Dix-sept ans et demi, le benjamin des commando", poursuit Marc Menant, qui décrit les "conditions épouvantables" de l'entraînement du commando Kieffer face à un Praud toujours fasciné. Au total, CNews vous propose presque six minutes d'hommage sur les ondes de la TNT, offertes par le neveu dudit Gwenn-Aël.
Et si vous en voulez encore, si le héros Gwenn-Aël vous fait autant rêver que Marc Menant, ça tombe bien ! Allumez Europe 1, la radio du groupe Bolloré et la merveilleuse aventure de Gwenn-Aël vous sera contée par Virginie Girod dans la matinale : "Gwenn-Aël Bolloré regarde la mer.... Là, juste derrière la ligne d'horizon, il y a les côtes anglaises et la France Libre... Gwenn-Aël est encore un adolescent, mais avec son cousin Marc Thubé, un peu plus âgé que lui, il rêve de passer en Angleterre pour participer à la défense de son pays..." La conteuse-radio du groupe Bolloré nous précise plus loin que "Gwenn-Aël vient d'une bonne famille". Gwenn-Aël Bolloré et son cousin Marc Thubé, les héros de cette "bonne famille" Bolloré, sont pratiquement les seuls soldats - sur 177 du commando Kieffer - à mériter un hommage nominal sur Europe 1 pour les 80 ans du Débarquement.
Ni CNews, ni Europe 1, ne rappellent les liens familiaux de ce soldat avec leur actionnaire. Pas plus que le JDD, qui nous raconte le D-Day et choisit lui aussi (comme c'est étrange) de s'intéresser au destin de Gwenn-Aël : "Le plus jeune, Gwenn-Aël Bolloré, engagé à 16 ans, racontera avec pudeur dans J'ai débarqué le 6 juin 1944 cette tragédie subie avec son cousin Marc Thubé. Le devoir ne se discute pas." Ce que l'on suppose être la suggestion de Vincent Bolloré d'honorer son oncle dans tous ses médias non plus, apparemment.
Les trois médias passent aussi sous silence la suite de la vie de Gwenn-Aël Bolloré, disparu en 2001. Celui-ci s'est illustré notamment dans les années 1950-1960 comme président des éditions de la Table-ronde, et a notamment choisi de publier "un grand nombre d'ouvrages hostiles à la politique gaulliste en Algérie et favorables à l'OAS", organisation proche de l'extrême droite défendant la présence française en Algérie par tous les moyens, selon Wikipedia. Des choix qui ont valu à l'oncle de Vincent Bolloré plusieurs poursuites pour "offense au chef de l'Etat". Parmi les écrits d'auteurs assez peu compatibles avec les valeurs de la Résistance publiés par la maison d'édition de Gwenn-Aël Bolloré, on compte Jean-Louis Tixier-Vignancour, qui fut tout de même secrétaire général adjoint à l'Information de l’État français sous Vichy, et dont la campagne présidentielle en 1965 fut menée par un certain Jean-Marie Le Pen ; et Jean-Bastien Thiry, organisateur de l'attentat du Petit-Clamart, qui visait à assassiner le général de Gaulle en 1962. Et que vive la mémoire de la Résistance et des héros du Débarquement !