Baignade d'Hidalgo dans la Seine : on nage dans la com'pol
Pauline Bock - - Coups de com' - Sur le gril - 18 commentairesTous les samedis, l'édito médias de Pauline Bock, envoyé dans notre newsletter hebdomadaire gratuite, Aux petits oignons : abonnez-vous !
"1, 2, 3, 4, est-ce que tu m'entends bien ? La baignade est imminente, la baignade est imminente !"
Bienvenue sur BFMTV, priorité au direct : nous sommes le 17 juillet, il est 10 h, et la maire de Paris, Anne Hidalgo, s'apprête à se baigner dans la Seine. Elle s'avance sur le ponton installé à cet effet, vêtue d'une combinaison de plongée. Elle fait coucou aux caméras de BFM et consorts, installées sur la rive. Petite séance photo avec ses adjoints, qui vont également faire plouf.
"Suivez en direct la baignade d'Anne Hidalgo dans la Seine, à 9 jours des JO", promet la chaîne d'info. "Ça y est, c'est bon, elle est dans l'eau !"
entend-on le reporter de BFM dire à l'antenne – celui qui déclarait quelques secondes plus tôt que "la baignade est imminente". Un micro de Franceinfo se promène en direct sur l'antenne de BFM : "Tu peux pousser un petit peu ton micro, s'il te plaît ?", entend-on le reporter demander à son/sa collègue de direct. Sous les applaudissements, le préfet de Paris et ses adjoints suivent la maire dans l'eau et font quelques brasses.
"On est sur une combinaison un peu plus courte pour Anne Hidalgo, qui est accompagnée de Pierre Rabadan, son adjoint, commente le reporter de BFM. Anne Hidalgo, qui va très vite, comparée à Amélie Oudéa-Castéra ce week-end !" Car oui, avant la séquence "Hidalgo se baigne", les chaînes d'info en continu s'étaient déjà délectées de la séquence "la ministre des Sports grille la priorité à Hidalgo et se baigne en avant-première" le 13 juillet. Ce qu'en retiennent les chaînes d'info comme BFM, ce n'est pas la concurrence de la communication politique entre la ministre et la maire ; ni l'analyse des messages que veulent faire passer ces politiques en surjouant la nage dans un fleuve dont on apprenait, il y a encore quelques semaines, qu'il demeure impropre à la baignade l'immense majorité du temps. Non : c'est la comparaison entre les techniques de nage et, bien pire encore, entre la longueur des combinaisons des deux femmes.
Le reporter de BFM nous apprend ensuite que "le préfet de Région profite de cette baignade pour faire quelques tours" et que "c'est son défi le plus important de son année car c'est lui qui signera les arrêtés de baignade". Conclusion : puisque la météo va être "clémente", "ça devrait le faire" pour les épreuves olympiques de triathlon. Et tant qu'à continuer cette édition spéciale de l'absurde, pourquoi ne pas carrément inviter le fils d'Anne Hidalgo, qui est nageur mais que le bandeau présente comme "Aventurier, fils d'Anne Hidalgo". Ce n'est pas une blague, même si on préfèrerait. Et c'est un grand expert, puisqu'il a... appris à sa mère à plonger. "Je lui ai donné quelques conseils pour que ça se passe mieux, mais sinon, elle sait bien nager", dit-il avec un rire nerveux. "C'est vrai qu'elle a un crawl assez efficace, la maire de Paris !", répond la présentatrice de BFM.
Retour en direct avec le reporter sur les bords de Seine : "On ne pouvait pas se baigner dans la Seine pendant 101 ans, c'est un moment historique que l'on vit ce matin !" Un moment tellement historique que de nombreux journalistes ont également tenu à piquer une tête dans l'eau verte du fleuve, du Nouvel Obs à Elle en passant par Bloomberg et CNN.
Seul Mediapart ne s'y est pas laissé berner. "À coups de mises en scène et de «storytelling», les autorités fabriquent l'histoire d'un fleuve parisien libéré de la pollution et accessible aux baigneurs. Mais un écosystème ne se transforme pas d'un coup de baguette, même olympique", a écrit le média indépendant, en clamant en Une, aux côtés d'une photo d'Hildalgo barbotant : "Non, la Seine n'est toujours pas baignable". "Ni les critères réglementaires ni les conditions démocratiques ne sont réunis pour en assurer la baignabilité", ajoute le site. Si seulement les conditions démocratiques étaient réunies pour que les médias français ne se noient pas dans la communication politique.