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Nicolas de Neef
J'aimerais beaucoup avoir l'avis de Judith sur ce papier de Lordon justement. Il est méprisant lui aussi ? -
Une citoyenne
Bonjour,
Je souhaite vous faire part non pas des discriminations ou des injures racistes que j'ai subies depuis que je suis jeune mais des a priori dont je fais l'objet régulièrement depuis bientôt 30 ans. Je suis née en France, je suis française et suis issue d'un couple mixte: ma mère est originellement française et mon père tunisien (naturalisé français depuis de nombreuses années). Mes parents sont instruits, éduqués, ont fait des études supérieures en France et sont cadres dans la fonction publique.
J’ai d’ailleurs suivi le même parcours estudiantin et professionnel qu’eux.
Ma mère est catholique non pratiquante, mon père n’est pas musulman (ni juif ni catholique) et mes parents sont tous deux laïcs. J’ai d'ailleurs reçu une éducation laïque.
Et pourtant le commun des mortels, y compris les citoyens de gauches bien pensants, instruits et ouverts, m’assimilent régulièrement à une musulmane (tout comme mon père alors qu’il existe des maghrébins laïcs, juifs ou chrétiens) : oui je suis donc « musulmane d’apparence » comme dirait Monsieur Sarkozy. On me demande si je mange du porc ou si je bois de l’alcool, on me dit que je dois sûrement être très au fait des culture et religion musulmanes, on veut me poser des questions sur ces sujets en pensant bien faire et se montrer ouvert d’esprit, on me dit que pourtant je devrais comprendre et parler l’arabe, on pense que je dois savoir cuisiner le couscous etc.
Je vis également au quotidien le préjugé que je simplifie ainsi : arabe ou d’origine arabe=moins intelligent, moins instruit et mois cultivé qu’un « français de souche » (façon de parler pour faire plaisir à ceux qui pensent l’être). Quand j’étais à l’école primaire, déjà, des élèves ou leurs parents pensaient que j’étais une mauvaise élève et que j’avais redoublé. C’est l’addition de plein de petites choses dites au quotidien, des comportements issus de ce préjugé et de la lepénisation des esprits qui peut devenir pesant, à la longue.
Je veux juste dire qu’il existe plein de personnes comme moi à qui de nombreux citoyens inventent une appartenance, des pratiques, une histoire. Mes chers concitoyens, laissez de côté vos a priori et vos peurs fantasmatiques s’estomperont. Traitez votre prochain sans préjugés, avec tolérance et respect, d’égal à égal, et la France ira mieux. -
Djac Baweur
Et comme d'habitude, F. Lordon remet brillamment les pendules à l'heure... -
echap
vote du FN la France qui souffre! vaste hypocrisie! Dans ma région, beaucoup de petits villages votent FN! et ces électeurs, beaucoup, il faut le dire, sont xénophobes! Appelons un chat un chat! Je ne suis pas toujours fier d'être français! -
Youri Llygotme
Un article "extlêmement intélessant" comme me l'a précisé un ami chinois: Eric Fassin dans Rue 89 -
patrick
Et on retrouve ce même genre de phénomène dans les grandes villes de province. -
patrick
Le problème est que 10e devient un quartier bourgeois et que d'ici peu les immigrés auront disparu.
Voici un extrait d'un travail sur Paris et l'habitat très révélateur et concernant le 10e arrondissement
Les nouvelles manières d’habiter des ménages gentrifieurs. Un exemple parisien
Après avoir tenté de cerner les effets de la gentrification sur l’habitat à Paris, il faut se pencher sur les ménages gentrifieurs eux-mêmes et leur rapport à leur logement. Pour cela, je m’appuierai sur une enquête menée en juin 2004 dans une cour ouvrière réhabilitée par un promoteur, rue du Faubourg du Temple, à la limite entre les 10e et 11e arrondissements (à la hauteur de la rue St-Maur) [5]. La Cour de Bretagne forme un passage fermé d’une centaine de mètres entre la rue du Faubourg du Temple et la rue du Buisson St-Louis et est composée de cinq bâtiments datant de la fin du XVIIIe siècle et du tout début du XXe siècle totalisant environ 10 000 m2 de plancher. Propriété indivise tenue par une famille noble, elle fut rachetée par un marchand de biens en 2000, réhabilitée puis revendue par lots, la réhabilitation divisant par deux la surface des locaux d’activité, augmentant la surface des locaux d’habitation mais en réduisant le nombre de logements, au nombre d’une centaine aujourd’hui.
Une quinzaine d’entretiens approfondis avec les nouveaux habitants a permis de mieux connaître le profil des gentrifieurs. Appartenant aux classes moyennes supérieures voire aux classes aisées, mieux dotées en capital culturel (niveau de diplôme élevé, champ professionnel de la culture au sens large) qu’en capital économique (revenus souvent irréguliers et situés, le plus souvent, dans la tranche des 25% des ménages les plus riches d’Île-de-France), les gentrifieurs font figure de néo-bourgeois en pleine ascension sociale, ne serait-ce que par le patrimoine immobilier dont ils viennent de se porter acquéreurs et dont la valeur a déjà doublé aujourd’hui. Formant un groupe social aux contours flous, ils mettent en œuvre une stratégie de distinction sociale dans laquelle le logement est un élément-clé.
Le choix du logement avant celui du quartier
Pour les nouveaux copropriétaires de la Cour de Bretagne, la recherche et le choix de leur logement n’ont pas été faits au hasard. Certains ont conduit cette recherche à la manière des repérages pour le tournage d’un film, d’autres ont arpenté pendant plusieurs mois toutes les cours environnantes à l’affût d’une bonne affaire, tous ont mobilisé leurs relations, la vente des lots s’étant faite uniquement de bouche-à-oreille dans le milieu des architectes, des photographes, du cinéma, du théâtre...
Présentée comme libre, cette recherche est en fait guidée par une forte contrainte de prix. Habitant souvent des immeubles haussmanniens dans le 9e ou le 12e arrondissement, le Marais ou rêvant du Quartier latin sans pouvoir se l’offrir, les gentrifieurs de la Cour de Bretagne ont d’abord choisi cette localisation en raison des prix encore abordables que leur proposait le promoteur, aux alentours de 2 700- 3 000 € le m2 (soit 18 000 à 20 000 F). Certains artistes arrivés comme locataires dans les années 1980 ont bénéficié de prix très intéressants (autour de 2 100 €, soit 14 000 F). Cette contrainte de prix explique que les gentrifieurs aient dû acquérir un logement dans un quartier encore populaire et immigré qui ne leur a pas plu d’emblée. Plus que le quartier, c’est la localisation et l’accessibilité de leur logement qui les a déterminés : plus proches de la station de métro Belleville que République, c’est pourtant cette dernière qu’ils mettent en avant, comme une garantie de centralité, certains considérant même leur nouvelle localisation comme centrale dans Paris. Leur choix est donc un arbitrage entre la contrainte financière et l’exigence de centralité, tous rejetant vivement la possibilité de s’installer en banlieue, présentée comme un exil insupportable.
Le quartier est d’autant plus supportable que leur nouveau logement se situe dans une cour fermée dont la composition sociale est très homogène, tant par le niveau social que par les domaines professionnels qui y sont représentés. Finalement, le quartier aussi fait partie des critères de choix des gentrifieurs parce qu’il offre la garantie d’y trouver de plus en plus de gens comme eux, leur réseau de sociabilité étant essentiellement concentré dans cette partie de l’Est parisien devenue suffisamment à la mode pour que ceux de leurs amis qui n’y habitent pas se déplacent pour venir les visiter. Peu à peu, même le quartier est valorisé dans ce qu’il a de populaire et d’immigré : on y trouve tout, à toute heure et à des prix défiants toute concurrence pour la vie courante ; on a l’impression d’être en voyage et on apprécie le mélange culturel inédit entre Maghrébins et Asiatiques ; et finalement, quoi de mieux pour prouver son ouverture d’esprit et s’opposer ainsi à la bourgeoisie traditionnelle des Beaux Quartiers ou des immeubles haussmanniens associée à la fermeture et à la réaction ? Le quartier populaire est devenu un élément de distinction sociale pour les gentrifieurs, d’autant plus qu’ils en sont protégés par une cour fermée où règne un entre-soi réconfortant.
Voici le lien de l'étude http://resohab.univ-paris1.fr/jclh05/article.php3?id_article=19 -
Ossalois
Merci Judith de m'avoir mis les résultats du 93 sous les yeux et d'avoir rappelé que vous habitez dans le 10eme. Ce chemin je l'ai fait en sens inverse pendant quelques années et il y a quelques décennies...Je pensais que la crise en touchant ce territoire aurait accru considérablement le vote FN. Bonne nouvelle donc. Ce qu'il serait interessant de savoir c'est le rapport des inscrits, donc français, au nombre d'habitants majeurs. La proportion je suppose est assez basse, et c'est là qu'il ne faut rien lacher sur le vote des étrangers aux élections locales. -
mutenpiste
Eh oui, je ne peux m'en défaire , rationnel, imaginaire, planifié, inattendu, étonné sidéré, ainsi va mon esprit et mon existence au gré de mes rencontres et de mes apprentissages. -
mutenpiste
Bien évidemment, j'essaie de dire au plus vif ce qui m'apparaît comme une raison de l'attrait qu'elle suscite en moi. Le qualificatif "courageux" m'apparaît alors sensé car j'estime son combat difficile voire dangereux pour sa personne tant il m'apparaît de haine, de puissance assise, dans les figures grimaçantes et les mots de ceux qui s'exposent à elle lors de face à face télévisuels. Son sourire, ses silences parfois, et ses résistances farouches face à ce qui m'apparaît une "meute à la curée" cherchant la blessure sanglante pour l'anéantir me la rendent séduisantes.
La raison aussi quand l'expression seule 'sortir de l'euro ou protectionnisme" ne trouve plus aucun autre écho puissant parmi les journalistes et experts conviés à l'interroger, qui en perroquets crient à tue tête yakune solution, yakun chemin, l'euro, l'euro !!!
Je rappelais que la révolution communiste des années 90 avait bouleversé bien des comportements et bien des réflexions, je pense que la révolution intellectuelle à venir qui secouera les sociétés de la globalisation marchande, idéologie barbare qui accapare l'esprit de nos médias et de nos élus puisera ses forces dans les pensées exprimées par cette femme dont l'isolement et la combativité me touchent aujourd'hui.
Marine aura sans doute changé, d'autres femmes et d'autres hommes s'offriront à mes yeux et à mon esprit, certains me séduiront par la diversité et la singularité de leurs pensées, l'une ou l'un d'entre-eux me charmera plus fort encore alors que les girouettes d'hier nourriront mes violences ou mes mépris.
Voyez-vous Yannick, je vous exprime ce que je ressens, ce qui me vient à l'esprit immédiatement et qui passé au crible le plus rapide de la raison m'apparaît constituer le charme, à mes yeux, le plus fort de Marine : elle est une femme combative et courageuse.
Mes arguments ne vous convaincront pas. soit. Je suis séduit par Judith et je ne peux en exprimer l'étendue et la cause et je ne pense pas que la réduction de nos choix électoraux se réduise à un argumentaire structuré et rationnel privé d'affections électives qui nous sont très intimes.
Encore Pascal; -
mutenpiste
L'attrait immédiat que suscita en moi Judith Bernard lors de la première apparition télévisuelle où j'ai eu le bonheur de l'entendre et de la voir, Arrêt sur images offrait alors au télespectateur du dimanche que j'étais le plaisir de découvrir une dissection éclairée et critique de toutes sortes de messages et de méthodes de communication utilisées par les médias, ne tenait pas seulement à ses analyses très fines du langage. Comme tout individu invité à jouer dans le cadre de la lucarne TV, Judith Bernard a un visage, un sourire, une voix, des expressions du corps, une silhouette qui en plus de ses mots, de ses réflexions et de ses convictions et elle m'a transmis ainsi une multitude de signes parfois contradictoires mais au final qui m'ont séduit.
Nous ne partageons pas les mêmes opinions sur Marine le Pen et sans doute ne partageons nous pas non plus les mêmes opinions politiques.
Mais les opinions sont fruits de tant de facteurs divers déterminant nos existences.
N'était- ce pas plus facile à mes dix ans de prendre fait et cause contre le communisme ici quand les démocraties socialistes s'abritaient derrièrer des fils barbelés, des miradors et des vopos armés. L'influence marxiste était alors omniprésente parmi les intellectuels de France.
L'anti-communiste était alors qualifié de primaire ou de fasciste...
Il y a plus de 20 ans, une révolution a renversé les régimes communistes et imposé une idéologie barbare du marché. Ici, la plupart des hommes politiques marxistes d'autrefois ont mué en petits bourgeois du monde.
Ils ont participé à l'édification de cette barbarie marchande qu'est devenue l'Europe qui nous gouverne et réduit un peu plus chaque jour notre démocratie.
Je suis de formation scientifique, mes expériences proffessionnelles m'ont conduit à partager des moments de vie avec des centaines d'humains qui m'étaient étrangers de moeurs et de coeur, je suis cartésien et j'admire le génie de Pascal, ils m'aident à contenir mes colères et mes emportements quand le manichéisme anéantit ma pensée et réduit mon visage à une figure grimaçante. J'aime Marine pour toutes sortes de choses et particulièrement pour son courage à dire son affection à notre langue, à notre République,à notre projet social face à la meute de bourgeois du monde qui orchestrent l'asphyxie des singularités c'est à dire des diversités. -
mutenpiste
Quel plaisir à vous lire Judith!
J'avoue que cette extase qui envahit mon corps et mon esprit ne se réduit pas au déchiffrage intellectuel rationnel et posé de votre pensée écrite. Non, Assurément non! Elle se nourrit avant tout à mon imagination où s'impose à moi votre figure animée. Vous êtes alors en pleine rédaction de votre article et votre visage si souvent mutin est en cet instant sévère et fermé. Votre volonté à rédiger un texte définitif sur ce sujet qui vous porte si souvent à prendre partie nuit à votre nature rieuse. Heureusement, je vois qu'un enfant vous tire par la manche et réclame votre affection. Aussitôt votre mine s'est enjouée à sa vue et vous avez souri. Un sourire qui me charme bien au-delà des mots, de la syntaxe, du manichéisme. Le charme plus fort que la raison, des arguments et des contre-arguments qui nous séparent, le charme d'une personnalité et de ses convictions que je respecte sans y adhérer car je dois vous avouer Judith que je trouve aussi du charme à Marine.
Celui de tenir tête face à cette horde médiatique qui s'excite à sa vue, guettant ses faiblesses. -
Ulysse03
J'ai croisé des sympathisants qui votent FN.
Quatre témoignages (électeurs FN) -
Eunix
. -
Eunix
Ce que j'ai lu de plus intelligent sur le sujet depuis le 1er tour :
http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/04/26/quand-le-front-national-prospere-sur-l-aveuglement-d-une-gauche-bien-pensante_1691757_3232.html -
daniel chauchet
Je ne prétends pas à une analyse des électeurs du front national, mais ceux que je connais, et je ne sais pas comment vous faîtes chère Judith pour ne pas en rencontrer, ceux auxquels je pense ne sont ni franchement racistes, ni fachos, même s'ils sont quand même islamophobes, juste autoritaires, plein de préjugés, antiintellectuels, et pas spécialement souffrants (petits fonctionnaires). Ils ne sont pas cons pour autant.(ou pas toujours, ils jouent simplement parfois aux cons),
Lorsque je m'essaie à discuter avec eux, j'évite de les mépriser et de les enfermer dans cette seule étiquette, électeur de Marine Le Pen.
Je trouve qu'il y a aussi une part de fanfaronnade ou de provocation dans leurs positions. Plus que souffrants, je crois qu'ils sont surtout bousculés par la modernité, par la remise en cause de leurs valeurs qu'on peut certes résumer rapidement en "travail, famille, patrie".
Je n'ai pas l'impression que les médias soient responsables de leurs fantasmes même si effectivement ils les alimentent. Mais leur expérience leur fait aussi rencontrer des profiteurs de systèmes,chômeurs qui ne cherchent pas vraiment de travail (ça existe aussi), et ils sont aussi victimes d'incivilités ou connaissent des gens qui , etc. Ils sont surtout, je crois, bousculés par un monde qui va trop vite, qui relativise leurs croyances, nourrit le scepticisme alors ils se braquent et s'accrochent à des idées simples ou plutôt simplistes et archaïques : le barbare c'est l'autre.
Je ne les excusent aucunement, mais les stigmatiser et se croire tellement meilleurs parce qu'ils servent de repoussoir c'est à mon sens de la courte vue . Démonter leurs préjugés prend du temps, n'avance pas beaucoup et lentement. Les périodes électorales font reculer la réflexion de plusieurs cases.
Scepticus -
AA
La préoccupation de l'analyse de l'électorat FN sans que l'électorat des autres partis ne semble devoir poser question, associe à l'évidence le vote FN à un vote "contre nature démocratique". Mais de quelle « Démocratie » s'agit-il ?
Démocratique l'Europe? Renseignez-vous sur qui sont les commissaires européens, où ils ont été formés, dans quels groupes bancaires ils ont travaillé, leur dépendance aux États-Unis... Ils sont les agents du Nouvel Ordre Mondial organisant la répartition de la planète selon les intérêt du grand capital (comme en 1493 l'Espagne et le Portugal s'étaient partagés le monde, sauf qu'aujourd'hui ce sont les transnationales des pays du Nord). Fondée, dans les textes institutionnels, sur la « gouvernance » des élites technocratiques (les vrais, pas Aphatie), cadre juridique de la concurrence libre et non faussée, se prépare l'Europe des régions par une transition par la « gouvernance » des nations (dont la mise en œuvre en Grèce et en Italie a commencé, et la "dérive" du présidentialisme par Sarkozy qui a occupé les fonctions de Premier ministre et de tout le gouvernement, « désacralisant » la fonction ainsi qu'il est dit bêtement, en étant la prémisse en France).
Au niveau national, cela se traduit par la mise œuvre de la « décentralisation » et des « Politiques de la Ville » (curieux comme ces thèmes ont disparu du débat électoral sinon par des "promenades" alibis des candidats dans les « quartiers »).
Nous sommes en plein dans ce processus (auquel certains se confrontent en se battant contre l'implantation d'un aéroport par exemple) qui nous est donc peu lisible (d'autant qu'on nous le masque), soumis à l'état des rapports de force et à la résistance des peuples et de certains de ses représentants (ils ne sont pas « tous pourris »). - Vous pouvez trouver tous les éléments que je viens d'évoquer dans les rapports de la Communauté Européenne, de l'ONU, de l'OMC, du conseil économique et social (par ex.) etc., pas besoin d'aller sur des sites sulfureux de la propagande fasciste, ce n'est pas un complot, c'est de la "gestion" . Voir aussi des auteurs anars comme Jean-Pierre Garnier and co ou la série des « Manières de voir » du Monde diplo sur la mondialisation et d'autres encore -.
Le FN ne se présente donc pas comme opposé à la démocratie, mais au contraire à un système profondément anti-démocratique. C'est cela qu'une partie du "peuple" entend, le subissant de plein fouet notamment dans les entreprises où les « patrons » sont évanescents. Que la gauche intellectuelle bataille sur la démocratie des Lumières relève là du fantasme. La promouvoir, peut-être, mais prétendre qu'on y soit, foutaises.
Le FN est-il un parti démocratique pour autant ? Seule l'amnésie organisée et la propagande massive de dédiabolisation font de ses origines et du passé brutal du para colonial Le Pen un tabou aujourd'hui. Qu'une partie des nouveaux électeurs « populaires » du FN ne soient pas « fachos » ne les exonère pas de cautionner un parti fasciste. Ce n'est pas la première fois que ces catégories se font avoir. Le parti nazi des années 30 promettait la révolution sociale et la « suppression du prolétariat ». Mais là où le peuple entendait la fin de la condition prolétaire, il fallait entendre sa suppression physique dans les combats et dans les camps de travail. Là où les classes moyennes traditionnelles (petits commerçants, artisans, agriculteurs, petits patrons), qui ont constitué le gros de ses électeurs, entendaient les promesses de sauvegarder leurs intérêts, il fallait entendre que le parti nazi, à la solde des grands financiers, les éliminerait au profit des grandes surfaces. Mais il faut comprendre pourquoi ils se font encore abuser alors qu'ils n'ont plus l'excuse de la première fois.
En ce qui concerne notre propos, c'est au niveau de l'aménagement du territoire, réalisation locale du nouvel ordre mondial, que l'on peut trouver des éléments intéressants. Car de quoi les faits évoqués par certains ici sont-ils la conséquence (l'obligation de l'usage de la voiture, la situation des départements comme le Gard, etc.) ? L'aménagement du territoire est l'application des politiques mondiales et européennes dans ce qui concerne la vie quotidienne des citoyens au plus proche : répartition des terres agricoles, de l'urbanisation, des services publics, etc., par le zonage et le plan agissent directement sur les populations, dissolvant les formes sociales anciennes.
Faut-il rappeler que les premières villes conquises par le FN sont des villes de garnison, et que lors du repli des troupes coloniales, une partie a grossi les casernes de quelques villes du Midi ? Quel est l'effet du redéploiement des sites de défense (et donc de la fermeture de certains) sur des villes moyennes qui vivaient principalement de l'apport de ces bases notamment sur les frontières de l'Est jusqu'à la Méditerranée ?
La planification du développement touristique est un des plus importants facteurs de déstructuration de régions entières, de surpeuplement saisonnier et de désertification rurale. Le Sud, justement, l'Hérault et le Gard, terres communistes des vignerons rouges du Midi, a été profondément affecté par le réaménagement du Rhône, la rationalisation agricole par l'irrigation, la défiguration de la côte par les stations balnéaires. La Compagnie du Bas-Rhône (1956) pour l'aménagement de la région du Languedoc-Roussillon, émanation d'une commission de modernisation et d’équipement dépendant du Commissariat au Plan, a mis en place, à partir des années soixante, l'agriculture irriguée, l'aménagement du littoral auparavant livré aux moustiques et au camping sauvage, le verdissement et le reboisement, la rénovation des villages, la construction de grands ensembles péri-urbains, la construction de l’autoroute, le développement du trafic aérien, l'expansion de l’université de Montpellier essaimant à Nîmes et Perpignan, et cela en l'imposant aux populations autochtones, qui trouvent leurs pleins effets aujourd'hui. Elle a été certainement, parmi les grandes sociétés d’après-guerre, celle qui reçut le plus les influences coloniales, en s'appuyant notamment sur les ingénieurs et les colons rapatriés d'Algérie qui bénéficièrent très avantageusement de grandes propriétés issues du remembrement.
Ne peut-on penser que ces mouvements de fond influencent profondément les structures et les mentalités sociales, surgissant sous la forme politique exprimant la rancœur et la dépossession ? Bien sûr s'y ajoutent la casse du tissu industriel, le "néo"-management (toyotisme) appliqué maintenant à la fonction publique, le décervelage des mass-médias, de l'industrie du divertissement et de la consommation (publicité), l'emprise de l'idéologie libérale-libertaire; la défaillance organisée du système éducatif (AGCS) et de la capacité éducative des familles, l'idéologie pavillonnaire, etc., qui se développent sur ce terreau. La désocialisation dans un monde de plus en plus artificiel (virtuel) justifie-t-elle la solution proposée par les militants du Cyberespace : « Le Cyberespace est fait de transactions, de relations, et de la pensée elle-même, formant comme une onde stationnaire dans la toile de nos communications. Notre monde est à la fois partout et nulle part, mais il n’est pas où vivent les corps. » ?
Propice à la déstabilisation des individus composant les groupes sociaux fragilisés par ces mouvements "tectoniques", faut-il penser qu'ils se tournent pour autant vers le FN ? Le comportement de l'électeur de base de régions conservatrices (ou l'étant devenues par les brassages de population) est-il si différent de l'électeur des banlieues rouges pour lequel le vote PC était une évidence culturelle ? Faut-il vraiment se mêler aux empoignades reposant sur des critères manipulateurs: pourquoi mettre en avant le vote ouvriers/employés qui a progressé de 21 à 23% de 1995 à 2002 (année du « séisme »!), alors que celui des retraités/inactifs a progressé de 11 à 16,8%, et celui des artisans/commerçants, chefs d'entreprise de 13% à 31% ? Voir ce travail sur le sujet .
L'astuce (!) de la propagande du FN (et de la droite sarkozienne) est, « par la désignation de boucs émissaires, de transformer une crise sociale en crise culturelle, de remplacer les conflits sociaux par les conflits en terme culturel », ainsi que l'explique Hervé Le Bras qui démonte les pseudos analyses du vote FN. Mais ce discours (désigner "le" profiteur proche de soi dédouane de ses propres responsabilités), forge des individus fermés (donc têtus) sur leur mensonge à eux-mêmes, que toute explication renforcera dans leur posture (d'où la difficulté de discuter avec eux comme certains l'ont expérimenté), parce qu'il est explicatif de ce que l'on ne comprend pas (les mouvements de fond) et donne des éléments de langage autopersuasifs et justificateurs.
Face à la « peste émotionnelle » que propage ce système destructeur de la terre et des hommes, d'autant que les "partis de gouvernement" ont été ceux qui l'ont mis en œuvre, ce n'est pas le langage de la raison qui est la réponse. C'est la promesse du sauveur à poigne et le régime autoritaire. Ce que Sarko ne peut plus représenter après les pratiques de son quinquennat malgré ses efforts. Mais ce sauveur serait le sauveur du capitalisme (fonction du fascisme de crise), non de ceux qui croiraient en lui.
Nous n'en sommes pas là, mais si le PS reste à la solde de Bruxelles, dans cinq ans la peste se répandra comme ce fut le cas dans les années trente et la propagande menteuse du FN (la « nouvelle droite » paraît-il) nous étouffera.
La suffisance de l'intelligentsia de "gôche" (formulation paresseuse, j'en conviens) dans sa prétention à porter des valeurs universelles qui n'ont rien à voir avec la réalité (sous les discours enflammés, les pères fondateurs de la constitution des États-Unis et des constitutions européennes n'ont cherché qu'à faire en sorte que la majorité ignorante et non possédante, donc irresponsable, ne puissent accéder au pouvoir que seule l'élite éclairée et possédante devait détenir ) l'amenant à traiter de « gros cons » l'ensemble des électeurs du FN, est une erreur fondamentale, qui pourtant me démange aussi (sont-ils les seuls gros cons parmi les 46 millions d'inscrits ?). Devant un mouvement venant des profondeurs des conditions d'existence des hommes, leur « faire honte » ne peut qu'attiser la haine (et surtout la propager) contre les donneurs de leçon facilement suspectés d'être des profiteurs. L'électorat du FN n'est pas plus homogène que celui des autres partis. Il est significatif que l'on ne parle guère de la bourgeoisie maffieuse et hargneuse qui représente les principaux soutiens de Le Pen mais aussi de la droite extrême de l'UMP, des milices dans lesquelles des militaires ou policiers à la retraite encadrent des troupes constituées en partie d'un lumpen prolétariat que Marx désignait comme la masse sous prolétaire que ses conditions d'existence vouait aux sales besognes de la bourgeoisie contre les ouvriers (et qui ne vote pas, déjà parce qu'elle est massivement non inscrite sur les listes électorales).
Plutôt que débattre sur le fait que les électeurs sont des gros cons abusés ou non, les gens « de gauche » devraient plutôt se préoccuper, à mon avis, du blanc seing laissé à Hollande (qui ne négocie avec personne comme les technocrates de Bruxelles avant de se coucher devant ces derniers), et lui imposer, par la lutte, la résistance au totalitarisme réellement existant. -
Olivier Favier
Merci pour cet article. Voici quelques chiffres et une référence pour compléter l'analyse: http://dormirajamais.org/fn/ -
Jérôme Lamy
Didier Eribon rapporte, dans son ouvrage "D'une révolution conservatrice et de ses effets sur la gauche française" (Léo Scheer, 2007), ce que Bourdieu disait de François Hollande (p. 63) : "Ce pur produit de l'ENA qu'est François Hollande se faisant élire à Tulle, c'est la fin de tout ! ça veut dire le Front national à 20% dans dix ans". Et pourquoi ne pas inviter Didier Eribon a évoquer cette trahison de la gauche "de gouvernement" et les conséquences très concrètes de cette révolution conservatrice sur le vote populaire (mais pas seulement ?) -
jma
Je vous remercie pour votre article. Il exprime très clairement le semtiment que j'éprouve face au vote FN. Moi aussi je ne suis pas un spécialiste, mais l'explication "vote des gens qui souffrent" m'oripile, et comment expliquer, sans passer pour un populiste que les médias sont les grands responsables de ces Fantasmes.
Que pensent nos amis, collégues de travail, voisins, qui ont une couleur de pau plus bronzé, qui parlent avec un accent, aprés des soirées électorales diffusées par nos médias nationnaux, ou les plus hauts responsables politiques viennent jusque dans leur salon, expliquer que nous les bons français sommes trop bon d'acceuillir ces primitifs dangereux, et qu'il est temps de faire place nette, et de les renvoyer chez eux.
J'ai de nombreux amis et collégues immigrés, ou "issus de l'immigration", comme ils disent. Moi même j'en suis un, mais je ne le porte pas sur mon visage, je suis né du bon côté de la méditérannée. J'ai un grand sentiment de honte vis à vis d'eux.
Heureusement qu'il y a des antidotes, j'étais à Marseille, écoutez le discours de Mélenchon, les 10 premières minutes sur l'immigration. C'est un grand bol d'oxigène :
http://www.placeaupeuple2012.fr/discours-de-jean-luc-melenchon-au-prado/