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Damien
On est en 2002.
La France s'est réveillée un matin et le Front national, déjà règlementaire, était presque majoritaire.
J'ai repensé à mes amis d'avant, qui, dans les dîners branchés, quand je leur parlais de mon groupe et d'autres mouvances antifascistes, me répondaient, comaptissants : "Mais... Tu n'es pas un peu parano, obsédée par les fascistes ? Ils sont archiminoritaires, Landra." Juste parce qu'ils ne voyaient pas l'insoupçonnable en costume nickel.
Et qu'ils attendaient des skins rasés aux mâchoires défoncées.
On est en 2003. La france ouvre un oeil un matin somnole toute la journée et sous anésthésie prolongée, elle se penche vers l'extrême droite et s'endort aux pieds de la Loi la Police, pendant que des ministres archimajoritaires en costume nickel passent des contrats sur les sales gueules qui ne leur reviennent pas, étrangères tziganes pas claires suspectes d'insécurité intérieure.
J'ai fini aujourd'hui le premier roman de Lola Lafon, découverte sur le site grâce à Judith. Voilà un extrait de la fin de son roman. -
Ondine
Bonjour,
Je lis des idées intéressantes dans votre questionnement et les commentaires.
Comme j'ai constaté que les questions sont parfois plus intéressantes que les réponses apportées, je vous propose quelques interrogations suggérés par votre article.
Le FN comme une menace est-ce un fantasme ? Circulez y a rien a voir ?
Concevoir un changement du rapport de force politique est-ce un fantasme de zombies ?
Le vote est-il encore un moyen de le faire où perpétue t-il le modèle en place ? Et quel vote ?
Emmanuel Todd, dis dormez tranquille et Bernard Stiegler agite l’épouvantail comme d’autres ils expriment leur point de vue, OK.
Quelles sont leurs motivations, quelle est leur réalité, c’est justement ce qui est intéressant.
Comment les médias présentent, étoffent le point de vue FN ? Abordent –elles les évènements par le filtre FN ?
Et puis, le fantasme est-il forcément négatif ? Comment prendre ce point de vue en considération ?
N’est-il pas aux prémices de l’action ? Ne peut-il déterminer les choix ?
En tout cas il n’est pas forcément incompatible avec de futures actions.
Il relève de la pensée, d’un désir, d’une observation. Subjectif ou sous influence. Comment faire la part des choses, fantasme ou réalité ?
Pourquoi minimiser ce que chacun constate : l’étouffement d’une idéologie de gauche qui défend l’idée d’une contribution commune à l’essor de notre société (qui paie les charges sociales et les impôts) et la valorisation quasi permanente de l’idée d’une séparation des responsabilités sociales (patronales, salariés, accompagnements des populations venues d’ailleurs) ? Ou se situe le FN, alors ?
Le gouvernement est-il de gauche parce qu’il dit qu’il est de gauche où est-ce un fantasme ?... ;D -
Juléjim
J'ai un fils de bientôt 23 ans. Il est doctorant à l'ENS Cachan après avoir réussi son agrèg de maths. Nous regardions ensemble vers 13h ce dimanche le magazine Médias le Mag sur fr5 consacré pour l'essentiel au FN, les likeurs, les journalistes et le FN etc... Et voilà que mon fils m'apprend que parmi ses potes de l'ENS certains facebookés ont liké la fameuse "page du bijoutier" sans se poser plus de questions que ça.
Question du père :
Ces djeunes diplômés, futurs cadres sup de l'administration, futurs enseignants en lycée, classes prépas et/ou universités, sont-ils définitivement passés du côté obscur de la Force ?
Réponse du fiston : je ne crois pas... ils ont réagi émotionnellement sans réfléchir aux conséquences possibles de leur geste de soutien au bijoutier. Le père ajoute : "ni à la signification sociopolitique que d'aucuns ne manqueraient pas d'attribuer à cette démarche spontanée et naïve."
On appelle ça "de l'irresponsabilité citoyenne" ou encore "de l'inculture politique" non ? Comme quoi faire de longues études ne protège pas toujours des idées courtes !
:-( -
Franck
Je ne peux m’empêcher de faire un rapprochement entre cette photo du film World War Z et les images de ces immigrants africains tentant de passer la frontière à Ceuta. -- "en souffrance, ni mortes ni vives, qui sont des actants sans être tout à fait des personnes"
J'ai mal à mon world... -
Lucas Taïeb
Superbe chronique qui dit enfin ce qu'il faut dire. (Moins convaincu par la métaphore théâtrale de la fin, mais ça doit être parce que je ne suis pas théâtreux. Pour moi, une "répétition" n'amène pas forcément une concrétisation : la vie n'est pas une programmation théâtrale, aucune date n'est fixée à l'avance pour la première, ce qui change tout !)
Je me rends compte de plus en plus, et ça me semble être ça la vraie sagesse, que c'est la personnalité de chacun qui va faire son adhésion à telle ou telle théorie prospective. Personnellement, je suis intrinsèquement un zen, un immobile qui prend le temps (ce qui explique pourquoi je me sens si souvent en décalage avec le 'monde de l'information' en perpétuelle agitation), mais aussi un confiant en l'intelligence de l'homme qui le mène forcément à rechercher le bien et la paix à moyen terme : je ne peux donc que me sentir proche du feeling emmanuel-toddien qui ressent comme une évidence que le monde, en gros, devient de plus en plus "raisonnable" par l'accès à la culture et que nous ne sommes plus au temps des envies sanguinaires à grande échelle. Je trouve toujours stupéfiantes les positions à la Stiegler qui me semblent être des pathologies d'inquiet, d'angoissé maladif voire hypocondriaque, comme s'il fallait toujours être dans le mouvement de défense à une menace qui serait forcément visible et concrète, mais à la fois c'est tout à fait cohérent avec sa personnalité et son parcours.
Comme ça a été dit plus haut, le seul apocalypse prochain est écologique, même s'il ne se voit pas encore parfaitement. S'en imaginer d'autres, c'est repousser sans cesse plus loin le vrai problème. Ce sont les structures de base qu'il faut changer, tout le monde le sait mais préfère s'occuper de ce qui défile sous son nez sur son fil d'actualité (voilà pourquoi je ne crois absolument pas à une "civilisation numérique" souhaitable, surtout pas !). -
Yanne
Hébinjériencompris !
Non que vos idées ne soient pas intéressantes, mais votre façon de tout associer, zombies, FN, l'insurrection qui ne vient pas, et j'en passe et d'en faire une salade russe, ou autrichienne à la sauce Freud, ou niçoise à la sauce Facebook, me dépasse.
Juste deux remarques : la première à propos du FN, parce que le plus important n'est pas le nombre de votes pour le FN, parce que ça ne varie que très peu, ce qui est important, c'est le nombre de personnes qui va voter pour d'autres que le FN. Parce que mécaniquement, si très peu de monde va voter, le score du FN, dont les électeurs sont motivés, devient plus important et peut faire une énorme différence.
Et je suis persuadée que c'est sur ça que ça va jouer.
La seconde, c'est qu'un zombie, ça n'a pas d'émotion, ça n'a que la volonté de nuire aux vivants.
Or, je pense que les facebookés qui ont liké en faveur du bijoutier assassin de Nice, l'ont fait justement sous le coup de l'émotion. Ils l'ont fait uniquement parce qu'ils sont des êtres humains. -
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BP
Judith, je ne peux laisser dire ça (mais mon pauvre message en bas du forum n'a que peu de chance d'être vu).
"entre 34% et 40%, il y a 6% d'écart". Non. Il y 6 POINTS d’écart, ce qui a peu de sens, puisque ce n'est pas la même chose de passer de 6 à 12% (double le nombre de gens concernés, soit +100%) que de passer de 94 à 100% (+6.4%).
En réalité, de 34 et 40%, il y a donc une augmentation de plus de 16%. -
Anthony
Je serai positif mais lucide : non pas que je pense que "tout le monde il est gentil", non pas que j'aime cet état de fait... non, il me semble que nous sommes parfois victime d'une illusion et qu'internet et notamment les blogs et réseaux sociaux ont simplement déplacé notre regard sur la France. France que j'aime même si tous ses visages ne sont pas reluisants.
Beaucoup parlent de changements : l'impression d'une radicalisation, d'une parole libérée, d'un état "post" révolutionnaire/réactionnaire de la société.
Pour ma part je ne vois qu'un nouvel éclairage/éclaircissement sur les multiples identités de la France.
Comme beaucoup ne gardent de 68 que les changements et les idées "libertaires"... alors qu'une autre (d'autres) France existait en parallèle, bien présente, une France plus "conservatrice", plus peureuse... nous avons tendance a nous voiler la face et à ne tirer des événements que la moelle qui nous satisfait.
La parle n'est pas davantage libérée... elle résonne simplement avec plus de liberté. Nous sommes victime d'un mégaphone géant qui "crie" certaines paroles et en masque d'autres, au gré des événements.
Il n'y a pas plus de mécontents, de réactionnaires, de conservateurs, de racistes : tous étaient là, depuis longtemps... mais leur parole est "entendu, la parole est imposée.
Nous pouvions vivre tapis avec nos idéaux, notre vision de la France. Nous pouvions n'écouter que nos amis, nos proches, ceux avec qui nous partagions les même idéaux. Aujourd'hui l'AUTRE nous explose à la gueule, l'AUTRE nous est imposé.
Je suis positif parce que j'arrive encore à croire qu'il y a possibilité de changements... lucide en sachant qu'il me faudra toujours tenir compte de celui qui n'est pas de mon avis... la route est longue. -
Michel Langlois
Il pleut, les escargots sortent de leur coquilles ! -
Juléjim
Je ne sais pas si François Morel a peur du FN ou s'il est seulement inquiet de ce qu'il peut voir et entendre autour de lui. C'est un théâtreux lui aussi, un théâtreux qui écrit si bien... -
yaniz
Les zombis, une création autonome des systèmes médiatiques , un "artefact" des réseaux de communication ? peut-être.
Je suis bien d'accord, ces zombis comme des avatars, peuvent montrer l'exemple, décomplexer la droite (ou la gauche suivant le cas)...les médias sont aussi d'excellentes caisses de résonnance. Je me souviens, juste avant la présidentielle de 2002, la télé nous montrait tous les soirs cet homme qui avait perdu sa maison. Avatar? pas tant que çà. Le sentiment d'insécurité était partout même dans les petits bourgs tranquilles, les voitures de ma rue bien tranquille ont été cambriolées quatre fois. Jamais plus depuis. A l'époque, il s'agissait de faire voter à droite je suppose. L'Egypte est un exemple en vrai grandeur de l'arrivée au pouvoir des extrémistes, à partir d'un soulèvement populaire. Les médias informent et manipulent, sélectionnent, renforcent, déforment des tendances. Les médias le font ils "à l'insu de leur plein gré" ou sur commande? Quand François Fillon appelle à voter FN plutôt que PS, il ne compte pas sur les zombis médiatiques mais sur de vrais électeurs. En France, on ne va pas renverser les dictatures démocratiques "en vrai", mais on peut commencer à le faire sur le papier ou sur face book (quoique là, il paraît que ce sont des machines qui votent!). Plutôt que zombis, j'aurais préféré avatar. Derrière l'avatar, il y a un joueur. -
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Benoît L.
Ce n'est pas intéressant.
OK, ça peut paraître brutal comme ça, mais c'est réellement l'impression qui m'est restée à la fin de cette chronique. Le FN et les aspirants révolutionnaires? Les extrêmes et leur cortège de fantasmes? On traite ici d'épiphénomènes, qui plus est locaux, qui plus est déjà commentés jusqu'à saturation.
Regardons simplement l'histoire récente, depuis la Seconde Guerre Mondiale. Ces deux forces n'ont joué que des rôles ponctuels, sur des transformations marginales de la société. Même Mai 68, événement considéré comme majeur, notamment par son impact sur la décalcification des relations sociales, n'est qu'anecdotique par rapport à l'ampleur du bouleversement qui serait nécessaire pour dépasser notre modèle actuel. Sur la même période, l'accélération libérale en politique économique est bien plus significative, a bien plus de conséquences.
Cette impuissance politique fondamentale se prolonge dans les remous récents. Les Indignés: sympathiques, médiatiques, inopérants. La récente vague islamophobe: révoltante, irritante, inopérante. Je ne pense pas que ce soit une question de poids, c'est-à-dire de masse critique pour amorcer une opération de mutation. Je pense plutôt que les combats proclamés par ces groupes sont périphériques. Même le plus colérique des gauchistes n'envisage au fond qu'un ajustement à la marge. J'estime que tout vient d'une mauvaise définition du "système", raison pour laquelle je n'aime pas utiliser ce mot. Il nous donne l'impression d'embrasser une globalité, comme un équivalent social de "l'univers", alors qu'en réalité personne ne se donne la peine de définir ce qu'il veut dire en l'employant. Et en analysant ses usages, on s'aperçoit que son champ ne recouvre de fait qu'une superstructure sociale sans réelle importance dans la perspective d'un changement de paradigme. Le mot "système" laisse dans l'ombre une très large part de non-dit, et une plus large part encore d'impensé. Les extrêmes cités dans cette chronique sont encore très proches du centre, et il faut changer d'échelle pour que le débat devienne pertinent.
Au-delà, des réflexions de fond existent: dans le fourmillement des "alter", chez les fondateurs et penseurs de l'écologie politique, dans les essais et dans les expériences anarchistes. Seulement, là aussi, pour quel effet? Même appuyé par des données objectives aussi solides que celles produites par le GIEC, pour donner un exemple éclatant, aucun courant de pensée n'a pu infléchir notre trajectoire actuelle.
A ce stade, je vois donc trois possibilités:
-Mon analyse est bancale et aveugle, et la révolution, qu'elle soit rouge, brune ou verte, est pour demain
-Nos questionnements ne sont pas encore assez aboutis, pas assez radicaux, et il nous faut encore creuser avant de pouvoir réinventer
-Pas d'espoir, du moins dans l'immédiat
Cette dernière remporte mon suffrage personnel. C'est peut-être dû à un manque d'imagination. Néanmoins, je constate que les lignes de force qui nous gouvernent trouvent leur source dans des pôles en-dehors de notre contrôle. Et quand je dis "notre", j'inclus même les élites économiques et politiques. Ce qui me frappe c'est l'absence actuelle de rêve collectif. Il existe des initiatives limitées, des projets privés plus ou moins fous (colonisation de Mars, transhumanisme, groupes autogérés...) mais rien n'émerge à l'échelle de la société. Nous sommes portés par la vague, et nous ne trouvons pas le moyen de reprendre le contrôle. Peut-être est-ce impossible, parce que cela demanderait d'agir sur des facteurs intangibles liés à la nature humaine. Peut-être est-ce dû aussi à notre niveau de puissance opérationnelle: nos "mauvais penchants" auraient trouvé des outils, notamment technologiques, pour se déployer à l'échelon planétaire, et le phénomène serait irréversible. Peut-être sommes-nous condamnés à attendre une rupture sans pouvoir la provoquer ni l'éviter, avant de reprendre la main.
Bien sûr, il faut citer la quatrième des trois possibilités: celle à laquelle je n'ai pas pensé.
Je termine par une remarque d'abonné-éternel-insatisfait: personnellement, je préfère lorsqu'@SI se fait l'écho des grands silences plutôt que des grands vacarmes.
Bref, cette chronique n'est pas intéressante, mais elle m'a quand même donné assez de grain à moudre pour pondre une tartine. Merci, donc :-) -
Photine
Judith, entre 34 % et 40 %, il y a 6 points de pourcentage d'écart, ce qui fait 17,6 % de plus (6 par rapport à 34). Pour moi, c'est énorme et c'est donc un mensonge (pourquoi pas 50 % tant qu'on y est...) -
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Cultive ton jardin
Ce ne sont pas les résultats électoraux du FN qu'il faut regarder, mais la diffusion des idées haineuses y compris chez les "honnêtes gens". Souvenez-vous de la fin du "Ventre de Paris", quand tout un quartier respire plus béatement après avoir éliminé le gêneur qui repart pour le bagne, et que Zola (par la bouche d'un de ses personnages, mais c'est bien lui qui parle) s'exclame "Quels gredins que les honnêtes gens!" -
charlie.lapared
La Pen, c'est un peu comme le port du voile dans le passé : la presse s'était cristalisée sur l'affaire des deux soeurs voulant absolument porter le voile au lycée. Unanimité médiatique : il faut interdire etc... (vous connaissez la suite : le voile a fleuri dans les rues des villes ).
Donc le panurgisme médiatique attire l'attention des "gens" (gens étant là utilisé comme terme générique à tous ceux que ne fréquente pas cette élite éditocrato-journalistique) sur ce qui est un détail... Et à force de commentaires négatifs, finit par convaincre ces mêmes "gens" à aller voir de plus près ce qui est décrié par cette "majorité".
En plus de Todd, il en est un autre qui n'a pas peur de La Pen, c'est Mélenchon. Parce qu'il a pris la peine de décortiquer le programme du F.N. depuis longtemps et de dénoncer tout ce qui n'y figure pas.
Pour s'informer, il suffit aussi d'aller regarder les quelques résultats passés de quelques gestions F.N. dans quelques villes du Sud-Est : catastrophiques ! Et ça, "on" oublie d'en parler. -
yaniz
Trop parler de ces sujets ce qui fait de la publicité à tel parti, ou penser qu'il n'y a pas un vrai courant "populaire" qui réagit "en réaction" par exemple à la libre concurrence entre travailleurs européens (comparez les salaires horaires...), c'est le même résultat lors des élections. -
miroul
Bonjour Judith.
J'adhère totalement au début de votre article.
En particulier sur l'excitation que peut procurer la possibilité du chaos.
En revanche, déshumaniser est une terrible, erreur. Rien au monde ne peux retirer à qui que ce soit son humanité.
Un zombie est une machine de chair sans humanité.
Ou, selon Romero, un damné qui, l'enfer étant trop plein, doit subir sa peine sur Terre. Bref un corps sans âme.
Vous suggérez que les électeurs extrémistes fantasment peut-être la réalité.
J'estime que déshumaniser l'adversaire est le pire, le plus libérateur et le plus destructeur des fantasmes.