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Le bonheur est parfois dans l'entreprise
Je voudrais revenir dans ce fil de la belle chronique de Judith Bernard sur un reportage passé dans le JT de 20h de France 2 du Dimanche 8 janvier 2012, reportage de cinq minutes de A. Guery – T. Breton – G. Liaboeuf.
À 22'38 Laurent Delahousse lance le sujet: « L'histoire d'un homme qui a voulu que dans sa PME ses salariés soient heureux. Un rêve, une utopie, pour quels résultats? »
D'entrée, la voix off nous situe en quoi consiste le "bonheur" des salariés de cette entreprise: « c'est qu'ici, on est en horaires libres, pas de pointeuse, chacun arrive au bureau à l'heure qui lui convient », illustré par un salarié qui salue en arrivant le pool "administratif" de ses collègues déjà en plein travail. Car, « l'horaire, ce n'est pas ce qui nous importe » dit l'un d'eux.
« Ce qui importe, c'est que le travail soit réalisé », ponctue la voix off:
La première partie du reportage nous présente les différents secteurs de l'entreprise impliqués dans cette organisation innovante .
Voix off: « Les ingénieurs, dessinateurs, comptables, bref tous les administratifs sont logés à la même enseigne: liberté des horaires, liberté de s'organiser. »
Si l'on en croit la « responsable contrôle » en extase: « c'est quand même génial, du coup il n'y a plus aucune pression liée à ses horaires. Je pense que c'est une vraie relation de confiance qui s'installe. »
« Et dans les ateliers, continue la voix off, la liberté c'est l'autonomie dans les tâches. Pas de travail à la chaîne, pas de chef pour lui dire ce qu'il y a à faire, ni comment le faire. Comme tous les autres, il a sa marge de manœuvre, libre de modifier une pièce comme bon lui semble. »
Cela veut-il dire que si, pour les « administratifs », la liberté se mesure à la « liberté des horaires et à liberté de s'organiser », pour les « techniciens » seule la seconde leur est accessible? On ne peut que l'induire.
Quoiqu'il en soit, pour la voix off, cette liberté semble incommensurable: « c'est pas vertigineux d'avoir cette liberté là, finalement? »
Ce à quoi l'heureux opérateur technicien répond catégoriquement: « Non, au contraire, vraiment c'est la "liberté" entre guillemet. C'est quelque chose d'agréable quand on est au travail d'avoir cette liberté là. Devant sa machine on peut s'exprimer en faisant notre petite modif. » N'est-il pas lui-même l'incarnation du constat de Jean-Robert Viallet cité par Judith Bernard: « Tout être humain a envie de s'épanouir au travail. Tout être humain a envie de faire du bon boulot »?
Bien que si ces interviews provenaient d'une enquête sur les conditions de travail en Corée du Nord ou en Chine, nul doute que maints bons esprits "démocratiques" de par chez nous n'hésiteraient pas une seconde à dénoncer comme Judith la « soumission librement consentie » et que « la position servile et absurde où nous met l'absence de choix, ça s'appelle l'aliénation : mais à ce stade de la hiérarchie, et face à une caméra surtout, ça n'se dit pas - et ça n'se pense pas, monsieur. » Mais bon, on n'est pas en Corée du Nord, nous sommes en France de souche.
Ici, dit la voix off, c'est « comme si chacun était son propre patron. » C'est ce qu'explique le patron justement, qui n'avait qu'un rêve en tête, que ses salariés soient heureux: « je ne voulais pas de contraintes pour moi. Donc, je n'en voulais pas pour les autres. C'est une logique très simpliste. » Certes, mais qui caractérise un bonheur "dans l'effort": « C'est un système qui demande beaucoup plus de, entre parenthèses, "mouiller la chemise", parce que du moment où vous n'avez plus de galons sur les épaules, c'est le bonhomme qui est jugé, c'est plus le poste, le titre. Ça demande plus d'efforts que de faire une note de service ou d'envoyer un mel. » Curieux cet usage de la métaphore militaire (sauf si on se souvient que l'entreprise a été longtemps calquée sur l'organisation militaire). Le bonheur, c'est d'en chier plus, comme dirait mon colonel.
Notons aussi, au passage, l'"élément de langage" qui dans la bouche de l'ouvrier met la « liberté » « entre guillemets », et dans la bouche du patron « mouiller la chemise » « entre parenthèses »...
Mais voici le troisième secteur, non humain, qui nous est présenté comme « la clé de voute de ce système », et se trouve « dans l'ordinateur accessible à tous où il y a tous les comptes de l'entreprise. » Il ne s'appelle pas encore Hal 9000 mais pas loin, car à en croire l'opérateur/technicien devant la bête: « on ne peut se cacher. » Mais ici, c'est beaucoup plus subtil car l'œil est à l'intérieur de l'individu qui scrute les « chiffres » vomis par le computer: « C'est les chiffres qui sortent, c'est notre travail, parce qu'on peut devant notre machine agir sur cette marge, en travaillant bien, en travaillant vite, tout en respectant la qualité que nous demandent nos clients.»* Et pas sans raisons puisque « 40% du salaire est indexé sur les résultats de la société. » On comprend que « chacun trouve ici la motivation ». Ben oui, « pourquoi "veut"-on travailler, sinon d'abord pour gagner de l'argent, parce que sans argent on ne peut ni se nourrir ni se loger ni se vêtir? » se sent obligée de nous rappeler judicieusement Judith Bernard.
Grâce à une habile transition qui nous montre la « fille du patron » à laquelle celui-ci « a passé le flambeau et qui développe (le rêve de son père) dans des entreprises qu'elle rachète » pour nous rappeler que ce n'est pas uniquement pour les beaux yeux de la princesse prolétaire que le patronat innove, nous entrons dans la deuxième partie du reportage qui met en scène un petit groupe de patrons de PME en visite d'étude dans l'entreprise modèle. « Un modèle social qui ne fait plus sourire les patrons de PME de la région, en tout cas les plus jeunes, même si parfois il les intrigue. »
Qu'est-ce qui intrigue si fort ces gestionnaires de forces de travail?
« L'autorégulation, par exemple, répond la voix off: que faire quand dans une équipe il y a un salarié peu travailleur? »
Notre heureux patron, lui, s'est délesté de cette charge ingrate: « finalement, ce sont les salariés eux-mêmes qui disent à leur petit camarade: ça va bien, ton histoire, faudrait peut-être bosser un peu plus, parce qu'on va être les premiers pénalisés. » Et il précise sans fards: « en ce qui nous concerne on n'a jamais mis personne dehors. C'est les petits camarades qui des fois poussaient en dehors. »
Notons le « on » (nous) patronal opposé aux « petits camarades » staliniens.
Un patron en visite est toutefois dubitatif, ayant du mal à rêver: « c'est vraiment l'entreprise idéale dont tout le monde rêve. Seulement, on se rend compte qu'effectivement, au quotidien, il faut des fois être un peu dur pour que le boulot soit fait, il faut un petit peu cadencer le travail, et on se dit qu'on est loin de mettre quelque chose en place comme ça chez nous. Je me dis: comment fait-il et est-ce possible partout. Si aujourd'hui Techné est un cas unique, c'est que c'est pas si simple que ça et que beaucoup de gens ont essayé et pas vraiment réussi. »
La voix off en conclut, dépitée: « pas si simple d'innover dans le management. Entre le rêve d'une entreprise idéale et la réalité, il y a parfois une marge. » Une marge des profits sans doute.
Pourtant, un critère semble-t-il décisif confirme le prix de ce bonheur d'entreprise: « en tout cas, cette entreprise là à un résultat qui en fait rêver plus d'un: moins de 2% d'absentéisme quand la moyenne nationale est de 8%. Et l'absentéisme, c'est le baromètre du bien-être au travail. »
2%/8%? Y a pas photo. Voire. D'où vient ce chiffre?
Une rapide recherche nous renvoie pourtant ceci: « Le phénomène de l’absentéisme connaît ces dernières années des fluctuations importantes, globalement marquées à la hausse. L’Alma Consulting Group révèle cette année que le taux national 2010 s’élève à 4,85%, soit 17, 8 jours d’absence en moyenne par salarié. C’est une augmentation de près d’un point par rapport à l’année dernière. » . Chiffre repris ici, bien que dans une tendance curieusement inversée! Et ici aussi, inversé à nouveau.
À chacun de se faire son opinion.
Mais l'absentéisme, qui comprend toutefois la maladie, et l'on sait que pour le patronat et certains politiciens un salarié malade est un tire-au-flan, est-il le seul « baromètre » pertinent?
Si l'on en croit ce tableau tiré de cette enquête, si, pour les directions des ressources humaines, l'augmentation de l'absentéisme vient bien en tête des « signaux révélateurs des troubles psychologiques au travail », pour les salariés, c'est loin d'être le seul: l'augmentation des conflits avec la hiérarchie et les difficultés relationnelles entre collègues sont aussi « révélatrices ».
C'est peut-être ce dernier indicateur qu'un des patrons en visite avait en tête lorsqu'à la tirade du patron à l'innovation heureuse sur l'autorégulation des salariés, il rétorque de manière à peine audible: « ça crée surtout des conflits ».
Voilà donc l'entreprise du bonheur au travail à venir telle qu'elle nous apparaît à la fin du reportage: un patron faisant fructifier son entreprise pour le bonheur de sa petite famille, cachant l'exploitation derrière le masque froid de la machine à calculer, déchargé du contrôle (à la fois physique et administratif) de ses salariés, puisque ces derniers, « libérés » des contraintes horaires et « libres » d'organiser leur travail, s'autorégulent à la fois individuellement par la motivation liée à la « participation » au chiffre d'affaire de l'entreprise (travaillant bien et vite, en « mouillant la chemise », tout en respectant la qualité) et collectivement par la surveillance des uns par les autres**. Et cela en ayant le "devoir" d'être heureux puisque libres « comme un patron », « dans une entreprise qui parle de "bonheur", de "vision" et "d'idéal" pour ses salariés » (Judith bernard). Bonjour l'ambiance hors caméra!
Ne doutant pas de la capacité des @sinautes à se faire leur propre opinion en regardant le reportage, si j'ai raconté ce film de cette manière, c'est qu'une curieuse impression m'impose une réflexion.
Il me semble que ce film est une "commande" (non-dite) participant d'une campagne de promotion d'une fédération quelconque du patronat de PME-PMI (je n'ai pas les moyens de vérifier cette assertion). Mais curieusement, entre les lignes de l'exercice obligé (l'enjouement outrancier des salariés interviewés exprimant leur bonheur au travail), transparaît justement ce que j'y vois: « les manigances de la rhétorique entrepreneuriale, pointant la recherche exclusive du profit là où l'on prétend ne s'inquiéter que de la "satisfaction du client", relevant les mécanismes de la compétition individuelle là où l'on vend "l'esprit d'équipe" et l'aliénation générale des employés», comme Judith Bernard le voit de manière forcément plus explicite dans le film de Jean-Robert Viallet.
Ainsi, d'après ma lecture, des journalistes "feraient passer" dans un "devoir" d'allégeance, subliminalement, un message critique de cette commande. Si l'on doit alors saluer ce travail de taupe (non, ce n'est pas Bernard Maris) dans la triste banalité de la connivence et du larbinat, par contre, qu'aujourd'hui en France, des salariés en soient, "comme" dans les plus purs régimes totalitaires, à coder leurs œuvres (ah! Ce « vertigineux »!), fait aussi froid dans le dos que des salariés jouant (avec sincérité en plus) à l'employé heureux.
Bien sûr, l'autre option, plus triviale, serait que ce film est l'expression des luttes d'influence à l'intérieur du patronat, entre la tendance "progressiste" (innovante capitalistiquement) et la tendance "conservatrice" (frileuse capistalitiquement), ceci expliquant les réflexions dubitatives. (Je laisse aux "Michéens" le soin de choisir leur camp :-)).
La première option peut être le produit de ma croyance indélébile en la résistance des hommes (de certains) à l'oppression et à l'indignité, la seconde être le reflet de la dure réalité. Mais je préfère placer, comme Judith Bernard, mon rêve de bonheur dans l'émancipation plutôt que dans le « travail ».
L'opinion des @sinautes sérieux me serait bienvenue.
* Sur ce thème, lire: « L'implication,une nouvelle base de l'intervention sociale », Pascal Nicolas-Le Strat, L'Harmattan, 1996.
** Le "contrôle qualité" comme (autre) innovation dans l'organisation du travail provoquant la "guerre" entre ouvrières est explicite dans le documentaire de Gilles Balbastre sur Moulinex dont j'ai cité par ailleurs de larges extraits:
« On nous disait qu’on travaillerait en flux tiré, en fin de compte c'est du flux poussé; parce que c’était toujours: le plateau, dépêches-toi de le prendre que je remette le suivant, alors qu’en réalité on aurait dû attendre que la personne prenne le sien et toujours comme ça. Mais ça se passait pas comme ça dans la réalité. (...) En fait c’était plus dur que de travailler sur le convoyeur. Vous êtes fatiguée, vous êtes moins rapide une heure, parce qu’il y a un moment où vous vous relâchez, vous allez bien bourrer pendant deux, trois heures et après il y a un petit relâchement, et là, l’autre à coté, elle vous faisait la tête, ou alors elle vous dit: alors? Qu’est-ce que tu fais? Avance! C'était la guerre entre filles. » -
Peerline
Le management en action...Où ,comment former l'esprit d'équipe.... et d'entreprise... -
Clémentine
Donc votre "travail" d'écrivaine, ce n'est pas du travail ? -
RG du Medef
Ha ,
Je retrouve Judith, admirablement traités, la réponse à la question de Judith, c ’est que avant il existait un syndicalisme entre le patron et les employés avec un vrai dialogue.
Là comme le fossé c’est creusé actionnaires contre employés, le but est de tirer le plus possible le fric pour les actionnaires, ils en ont plus rien à foutre de la santé des personnes qu’ils emploient.
Cela est vrai dans ce cas, mais aussi dans d ’autres cas et cela en vers les personnes payant un service. Les assurances type Carrefour, ou la Maaf, certes les prix sont attractifs, mais il ne fait pas bon avoir deux bris de glace en deux ans, car le bonus 50 à vie c ’est du pipeau, en effet si cela vous arrive vous êtes radiés de ces assurances, et il vous propose alors une assurance 3 fois plus chère par des sociétés holding, Vous ne pouvez plus d ’ailleurs allez voir une autre assurance puisque vous êtes radiés.
Quel est le point commun entre ces deux faits, c ’est le profits en vers les actionnaires! -
Serge ULESKI
Depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l'homme... dit moderne, est placé dans un système de production aveugle et inconscient ; dans ce système, il peut donc produire et agir sur le monde sans avoir à penser aux conséquences, encouragé par le fait que personne ne lui demandera des comptes ; et la débâcle financière du mois d’octobre 2008 ne fait que confirmer ce phénomène propre à l'aire moderne ; débâcle qui a bien failli mettre à genoux le système bancaire et financier de l'Occident (Europe et les deux Amériques) mais qui, pour sûr, plongera des millions d'individus dans la précarité, le chômage, la pauvreté et la misère.
Qu'à cela ne tienne : aucune responsabilité ne sera établie et par voie de conséquence, aucune culpabilité non plus.
Un pas de plus vers un "Ni responsable ni coupable" généralisé, cette impunité qui, nul doute, en affligera plus d'un (souvenons-nous de Eichmann qui n'avait fait que servir mais qui a tout de même fini au bout d'une corde) et qui n'est que la suite toute logique d'un "responsable mais non coupable" déjà trop familier à nos oreilles depuis une bonne vingtaine d‘années.
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"Ecoutez-moi Monsieur !
- Mais... je vous écoute ! Je fais que ça !
- Aujourd'hui, il n’est plus question de rentabilité... car le besoin légitime d’un retour sur investissement finit là où commence la recherche effrénée du profit maximal ; et cette recherche-là, c’est la recherche du seuil de rupture des modes de production et de fonctionnement musculaires et psychiques de l’espèce humaine salariée. Le fameux point-mort, c’est ça ! Le moteur de cette production humaine, c'est bien le meurtre ! C’est la recherche perpétuelle du concurrent à trucider, pour occuper seul la place et imposer sa loi. Et si d’aventure on ne peut pas le tuer ce concurrent, eh bien, on s'entend avec lui sur le dos de tous les autres ou bien, on le neutralise, on l’absorbe, on l’avale et puis, dans le même temps, on expulse tous les éléments non assimilables ; éléments devenus du jour au lendemain des matières fécales dont il faut au plus vite se débarrasser avant de déféquer en douce, à l’abri des regards indiscrets. Et là, triomphants et enfin seuls, ils maintiennent les mêmes cadences infernales pour, cette fois-ci, non pas tuer la concurrence mais engranger des bénéfices colossaux. L'entreprise, c'est une machine de guerre incestueuse, scatologique et anthropophage. Une fois la concurrence éliminée et la source tarie, on jette tout le monde : les clients, les salariés improductifs et usés, et les fournisseurs récalcitrants ; ces fournisseurs qui ne veulent plus se plier aux conditions de leurs donneurs d’ordres. Ils ne supportent personne. Ils ne tolèrent que le besoin qu’il faut créer, le monopole pour le satisfaire et le profit pour ne pas perdre son temps et son argent. Dans ce système, tout le monde est le client et le fournisseur de tout le monde et seuls les donneurs d'ordres sont aux commandes : plus intolérants, plus misanthropes qu‘eux, vous ne trouverez pas. Monsieur, saviez-vous que le commerce, c'est la haine ?
- Non Monsieur mais... maintenant que vous m'en parlez, je vous crois.
- On fait des affaires le couteau entre les dents car, le moteur de cette production-là, c’est bien le meurtre. Ils sont prêts à tout pour survivre même si ce système les condamne tous à se sacrifier quand le moment sera venu pour eux de se retirer parce qu'un plus performant qu'eux les aura balayés, eux, leurs salariés, leurs fournisseurs et leurs clients. Leurs successeurs pourront toujours se réjouir, et ceux à qui ils distribuent des miettes, avec eux, insoucieux qu'ils sont, les pauvres bougres, du sort qui les attend. Bientôt, il n'aura plus de nom ce système. On ne sait déjà plus comment le nommer. Il n'a déjà plus de visage ! Lorsque le sacrifice de tous contre tous sera partagé par tous, en kamikazes d'une défaite universelle, ce système sera sans morale et sans honneur, car sous le couvert de l'anonymat, tout lui sera permis : absolument tout ! Nul doute à son sujet : le moteur de ce système, c'est bien le meurtre ; le meutre du meurtrier et de ses victimes et puis encore... le meurtre de ce même assassin qui se donne la mort en tuant. Alors, aujourd'hui, qu'est-ce qui nous reste à célébrer ? Je vous le demande.
- Eh bien, je...
- Sûrement pas la vie ! La fin, nous sommes ! La fin et les moyens... et rien d'autre. Plus rien devant nous, plus rien derrière. Plus rien ne nous précède. Plus rien ne nous dépasse. Pourquoi croyez-vous que les femmes n'enfantent plus là où ce système triomphe sans conteste ? Il vient de là, le déficit démographique : quelque part au fond de nous-mêmes, nous savons tous que nous sommes tous... déjà morts."
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Littérature et écriture Serge ULESKI -
Cassandre
j'en chie donc je suis -
Judith
Alors que je suis en train de préparer l'émission de mardi, consacrée au Club des incorrigibles optimistes, de Jean-Michel Guenassia, je retombe sur ce paragraphe, que j'avais souligné pendant ma lecture : c'est Sacha qui parle - et c'est tellement raccord avec le thème ici traité :
"Durant des années, j'ai travaillé comme un fou, sans compter mon temps, sans prendre de repos. Pour rien. Ce temps m'avait été donné et je l'ai perdu. Aujourd'hui je lis, je dors, j'écoute des concerts à la radio, je flâne dans Paris, je bavarde avec les gens, je vais au cinéma, je fais la sieste, je nourris les chats du quartier et quand je n'ai plus un rond, je me faufile entre les mailles du filet ou je vais bosser. Le minimum vital. Je n'ai jamais été aussi heureux de ma vie. Le scandale, ce n'est pas l'exploitation, c'est notre connerie. Ces contraintes qu'on s'impose pour avoir le superflu et l'inutile. Le pire, c'est les pigeons qui triment pour des prunes. Le problème, ce n'est pas les patrons, c'est le fric qui nous rend esclaves. Le jour de la grande bifurcation, celui qui a eu raison, ce n'est pas le couillon qui est descendu de l'arbre pour devenir sapiens, c'est le singe qui a continué à cueillir les fruits en se grattant le ventre. Les hommes n'ont rien compris à l'Evolution. Celui qui travaille est le roi des cons." (p. 498) -
LUZ
Chronique interressante.
Je suis retraité et je travaille... pour le frigo ? Non, pour payer toutes les taxes qui encombrent notre vie quotidienne. J'ai calculé que plus de 30% de mon petit revenu y passe.
Allons plus loin.
Le travail est souffrance mais il y avait des barrières dréssées par les salariés. Aujourdh'hui, elles sont tombées prtiquement sans réel combat.
Notre drame est là.
Du temps des 40h, j'étais moins fatigué que du temps des 35h car travail de nuit, dimanche, fêtes, heures supplémentaires, pauses, coupures étaient très réglementées. J'ai connu la sécurité sociale qui remboursait à 90%. Le chômage bien indemnisé.
Certes il y avait quand même "aliènation" (en attendant mieux).
SI l'on n'avait pas laissé BALLADUR nous retirer 23% du montant de nos retraites, SI l'on avait empêché ROCARD de mettre en oeuvre la CSG et la RDS 12, 5%... SI la gauche n'avait pas cogéré ces mesures (toute la gauche) ? Aujourd'hui, je ne travaillerais pas pour une entreprise. Je travaillerais pour des associations, pour aider des jeunes à se former, pour plein d'autres choses.
Les barrières sont tombés et des millions de gens souffrent.
Nulle part je n'entends quelqu'un dire à minima : remettons en place les barriéres.
Ils participent tous ainsi de ce génocide. -
Al Ceste
Bien. Un dernier message avant de partir.
Je prends le pari que Judith ne se serait pas fait attaquer comme elle l’a été si son chevalier (des)servant n’avait pas passé autant de temps à parler à sa place.
Je propose donc à la foule un boycott de yG. Pas demander son exclusion, non, mais ne pas réagir à ses posts, et surtout ne pas réagir à ses critiques qui ne visent, in fine, qu’à néantiser les gens comme Djac vient de le démontrer plus haut. Le laisser soliloquer.
Observez au passage que Cassandre s’est fait tacler par le webmestre pour UN message injurieux, alors qu’on ne dit rien à yG
(Mike est-il un être humain ou un robot ?) -
Photine
le travail, c'est quand même dingue qu'il faille le rappeler, c'est tout bêtement une nécessité économique déterminée par un système bien précis - le capitalisme.
Euh, non, c'est une nécessité tout court, même en autogestion, même en ermite, il faut un minimu "travailler" pour trouver sa nourriture, son toit et ses vêtements. Pour moi, elle n'est pas déterminée par le capitalisme.
Donc, ce point du raisonnement, là, je ne le comprends pas.
Sinon, ok, nécessité économique, mais toute la partie fierté, intérêt pour le boulot, et bien, c'est quand même [s]lier[/s] lié à l'envie/au besoin de ne pas "s'ennuyer" pendant ce temps contraint.
(je ne sais pas pourquoi, mais j'ai carrément un problème de participe passé depuis lundi) -
Patrice Guyot
Ah ! Le choix, quel rêve.
Même que ça porte un nom : L'Eden (avec un Ouest et surtout un Est). Endroit où les fruits tombent tout épluchés dans la bouche (et non pas sur la tête, parce que là c'est la Newtonie) et où les montons s'embrochent tout seuls après avoir allumé le feu, mis le couvert et taillé des frites dans les pommes de terre qu'ils avaient aimablement plantées, arrosées puis ramassées et épluchées au préalable.
La bulle, le travail qui se fait tout seul grâce à des esclaves même pas revendicatifs…
Hélas cette éclate ne dura, paraît-il, pas longtemps. Dieu qui est très méchant, prude et moralisateur a foutu nos ancêtres à la lourde à coups de pompe dans les miches en leur disant à peu de chose près (c'est une tradition orale) :
- Cassez-vous de là, bouffeurs de pommes défendues (car détenant le plus dangereux de tout : la connaissance), fornicateurs impudiques… Dorénavant, puisque vous ne savez pas vous tenir, pour votre punition vous devrez gratter pour bouffer. Bien fait pour vous !
Fortes paroles qui laissèrent Adam et même Eve atterrés, on s'en doute… Mais ils se relevèrent assez vite parce qu'ils commençaient à avoir un creux. C'était le début du travail qui avait un seul avantage : celui d'ouvrir l'appétit.
UNE PAGE DE PUB à acheter d'urgence au kiosque du coin car il y a deux pages d'interview de Michel Onfray sur le "capitalisme libertaire" - j'y reviendrais - et un peu sur Sarkosy, "Petit garçon pas fini utilisant le pouvoir pour régle ses problèmes personnels et conduisant une grosse voiture sans permis..."
Pour tout dire ce qui me surprend c'est l'idée que le travail serait la conséquence du capitalisme. Or pas du tout, il est la pénible conséquence du fait que les moutons ne s'embrochent pas tout seuls (ou plus). Ni plus ni moins.
Du fait aussi que nous avons faim, ce qui nous conduit à nous mettre au taf pour trouver quelque chose à bouffer… Puis avec le temps, qui conduit toujours à la dégénérescence, nous avons voulu nous saper (c'est vrai qu'il fait froid l'hiver en Europe) et même pour les plus aliénés avoir des Ipod. Et là il faut bosser !
Parce qu'une observation même sommaire conduit à constater que la principale alternative au capitalisme est le communisme – ne parlons pas des systèmes archaïques ou embryonnaires qui ont marqué d'obscurs temps anciens heureusement révolus.
Hélas le communiste s'est avéré (et continue ici et là) comme une catastrophe assez largement pire que le capitalisme tant sur le plan de la liberté que dans celui de l'économie. À tel point que, comme chacun a pu le constater (sauf ceux qui habitent sur Mars), le bastion principal du communisme a été contraint d'y renoncer pour cause de faillite (et non par revirement idéologique comme le croient les naïfs) La Chine, quant à elle, a renoncé à continuer d'appliquer les doctrines tout en maintenant la limitation drastique de la liberté d'expression.
Or donc le problème n'est pas tant dans le capitalisme, qui n'est pas totalement mauvais en soi, et surtout généralement moins liberticide et affamant que le communisme, le problème disais-je est la façon de pratiquer le capitalisme et sa dérive qui atteint aujourd'hui le point de rupture.
Vous voulez savoir pourquoi ? Eh bien ! Je vais vous le dire (J'ai beaucoup appris de Sarko en dialectique manipulatoire et boisée) : d'abord parce que quand le patron d'une grande entreprise gagnait 10 fois le salaire moyen de ses employés c'était acceptable, mais maintenant qu'il [s]gagne[/s] se goinfre 400 fois ou 1.000 fois plus que ses esclaves ça ne l'est plus – du tout (et encore moins quand c'est un salarié qui ne risque pas son propre capital dans l'affaire.)
Ensuite parce que la conséquence de ce pillage est un pouvoir d'achat en berne pour les autres (selon la théorie arithmétique de la non-ubiquité du pognon. Donc une destruction du pacte social pour cause d'injustice criante.
Enfin parce que la précarité organisée et l'épée de Damoclès du chômage créent des attitudes de défense, de stress et d'agressivité envers les autres.
À cet égard il serait utile de tenter de comprendre comment il est possible de maintenir éternellement un chômage honteusement élevé (le seuil incompressible et naturel est de 1,5% environ et nous sommes à plus de 20%) alors même qu'en dehors des conséquences humaines monstrueuses c'est une totale et ruineuse aberration économique…
Enfin pour conclure très provisoirement j'évoquerais le mauvais exemple donné par les rentiers, les politiciens invisibles en séance et certaines variétés de fonctionnaires (là je vous entends pigner, mais je pense au planqués de la machine à café au fond d'improbables et Courtelinesques administrations). Ce n'est pas bien de montrer qu'on peut vivre sans rien foutre, et puis ça engendre des jalousies… Par ailleurs, Judith le dit très bien, on peut aussi aimer son métier, et réaliser que c'est un lien social indispensable. La moindre période de chômage permet de le mesurer exactement.
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aux abonnés absents
Excellent travail Judith ! Dommage, j'ai déjà voté aujourd'hui, ce sera pour demain. ;) -
aux abonnés absents
Le travail est toujours une aliénation. -
DanetteOchoc
Mmm.
Franchement découper nos interventions, même celles qui relèvent, de manière tout à fait pacifique, qu'un post ou plusieurs ont disparu, est indigne d'@si. Indigne de l'idée que je m'en fais en tous cas.
Bon pour finir sur une note plus constructive, ce serait effectivement une bonne idée de motiver la suppression de commentaires dont le contenu n'est ni diffamatoire ni n'engagerait la responsabilité du site vis-àvis de qui que ce soit.
Question d'honnêteté. -
Fan de canard
Belle chronique.
Un ouvrier abimé ?
" Carg-lass ré-pare - Car-glass rem-place "
Ravi de savoir aussi qu'il vient toujours de nouveaux @sinautes, navré de voir le forum amputé pour officiellement ne pas effrayer ces derniers.
Je plussoie la méthode que suggère Mebahel plus haut. Et même, pourquoi ne pas "replier" le commentaire incriminé (selon je suppose la méthode Dailymotion contenu rejeté pour mauvaises conditions d'utilisation), avec un onglet spécial pour qu'un abonné (et non un lecteur de passage) puisse le déplier afin de savoir ah que pourquoi ça ? Du moins, tant que ceux-ci ne sont pas des injures et autres insultes.
Merci pour votre point de vue sur le sujet, Judith, et de vous être attaqué à un tel sujet. Le genre de sujet où je ne sais jamais par quel bout commencer quand j'en parle, même alors quand j'étais délégué du personnel, naguère :-) -
Ave
Tout est question de limites. Travailler avec une bonne dose d'autonomie peut-être une expérience difficile mais enrichissante surtout si ce même travail sert des idées enthousiasmantes.
Le problème comme dans les grands groupes est que la hièrarchie est très pressante, que finalement les choses fabriquées dans 50% des cas sont inutiles. Cela à tendance à démotiver les salariés. Pour des raisons de rentabilité le travail est répétitif pour être efficace... C'est contre la nature humaine qui puise sa force dans la découverte et l'expérimentation.
Socialement le monde de l'entreprise est assez peu ouvert, l'inovation est assez peu développée, et peu de place est accordée à la créativitée. C'est tout l'hémisphère droit de notre cerveau qui est inihibé en privilégiant la pure rationalitée. On a beaucoup de progrès à réaliser sur ce point. -
yannick G
Message 3/5max du 29/10/09.
Depuis Eichmann qui symbolise à lui seul notre refus possible et nécessaire face à ce type de comportement, nous savons qu'aucun système totalitaire, quel qu'il soit, quelque soit sa taille, sa finalité, ne peut exister sans notre collaboration.
Dans le documentaire en question, la dénonciation des défauts des autres, sous couvert d'amélioration collective, va de la délation pure et simple et autres manipulations (dans le supermarché notamment) aux réunions de brainstorming (chez Carglass) et autres cabinets d'analyses, extracteur d'information, visant à transformer l'exception en norme et l'échelle haute des ventes, de la production d'aujourd'hui en échelle basse de demain.
Sous couvert que nous avons tous un frigo à remplir, nous serions prêt aux plus extrêmes bassesses, la guerre, c'est la guerre, tous contre tous...
Cette guerre, nous ne pouvons la gagner, le dieu frigo est trop puissant, trop séduisant, nous ne pouvons que limiter notre participation à celle-ci et résister au quotidien, lutter parallèlement, vivre parallèlement, faire sécession en interne (l'externe n'existant plus, nous n'avons pas trop le choix).
Et que ceux qui alimentent cette machine ne viennent pas se frotter trop prêt de nous, ils ont beau nous traiter comme des bœufs, à certains d'entre nous, ils restent au moins les cornes.
yG -
Totobonheur
Si l'inéluctabilté de l'existence du Travail offre peu de prise à la critique, c'est peut-être aussi qu'il nous manque encore les concepts qui permettront cette critique et le vocabulaire qui les accompagne.
Le mot travail en lui-même me semble un joyaux fourre-tout. Dans ce mot, où est donc la nuance entre le travail forcé, subi, alimentaire de la caissière d'hypermarché, métier dont l'exercice répétitif et fastidieux n'est que rarement facteur d'épanouissement, et le métier-passion de l'écrivain par exemple?
Ne devrions-nous pas avant tout nous forger les mots qui recouvrent ces différentes situations et ainsi pouvoir mieux jongler avec ces concepts?
De nouveaux mots à forger pour exprimer de nouveaux maux, un sacré travail! N'auriez-vous pas des pistes à nous proposer, ma chère Judith? -
100hp
Ceci dit, je doute que le monde nous laisse en paix... sans effort de notre part, il tombe en ruines et poussières. Le travail du réel par l'homme pour en faire un monde n'est pas une option facultative. Alors que faire ? Surement y mettre les formes, mais dans le fond, n'ayons pas la prétention d'avoir le choix entre une vie de rentier et celui d'un travailleur. Tout rentier l'est par aliénation de ses contemporains qui le protège de la fin du monde par leur travail. -
Guy PREBET
"on vous demande d'aimer votre entreprise" dit l'un des salariés de carglass
On aime sa famile ,souvent
ses amis (le plus) souvent
la glace au caramel ou a la vanille ou....
Le foie gras
Les chansons de Léo ferre
Les tableaux de Monet
Les romans de Patrick Modiano
Mais son entreprise
Pourquoi pas Sarkozy
Il y a des limites