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* * * Stanley MILGRAM™ * * * Soumis à aucune autorité
Mieux que George Orwell…
Ou comment la réalité dépasse le fiction !
La France devient-elle un pays totalitaire ?
« Le ministre de l’Intérieur porte plainte contre des personnes qui ont accusé, dans différents médias, la police d'être responsable de la mort de Yayou Sanogo, un jeune homme de 18 ans, livreur de pizzas, victime d’un accident de moto à Bagnolet, le 9 août. »
Maintenant dés qu’un lambda témoigne d’un fait ne plaisant pas au Prince et/ou ses vassaux ; nonobstant le rôle de la justice qui devrait se prononcer sur tout témoignage se rapportant à un crime, Monsieur Brice Hortefeux Ministre de l’Intérieur fait pression sur les témoins pour les intimider et les empêcher de faire leur travail de citoyen.
Il me semble que cet comportement répréhensible est prévu par le code pénal.
Stan 1000g, soumis à aucune autorité
PS : ce sujet est trop important pour placer ma vanne habituelle de Hortefeux en boutefeux -
Fandasi pour clavier
Un femme de, soixante ans qui s'était immolée vient de mourir : elle protestait contre l'expulsion de son mari sans papier. Hortefeux macabre.
Décès -
THIERRY POIRIER
Est ce qu'il a pensé ce cher Mr Hortefeu, que le Vel d'Hiv n'existe plus ?
c'est vrai qu'il y a le parc des princes qui est encore plus grand.... -
Juléjim
Je viens d'achever la lecture d'un 1er livre d'Ahmed Djouder intitulé "Désintégration", paru chez Stock (*) en 2006. Les 156 pages sont un long cri de colère et de révolte contre un occident colonialiste, impérialiste, oppresseur, exploiteur méprisant et hypocrite des richesses et des peuples d'Afrique. En même temps qu'un constat amer. L'auteur est né en Lorraine, il est aujourd'hui éditeur et vit à Paris. On peut penser que la colère et l'amertume produisent parfois une expression excessive, caricaturale et partiale ; autrement dit, même si je comprends et partage les raisons de la révolte, je n'ai pas tout aimé dans le discours d'Ahmed Djouder. Mais c'est infime, comparé au "flux" de ce long monologue qui apostrophe vivement le lecteur supposé être un "français bien de chez nous" (si tant est que cela existe ...) un peu à la manière d'un rappeur parfois.
Deux extraits pour se faire une petite idée :
- la 1ère page du livre, reproduite en 4e de couv :
« Nos parents ne joueront jamais au tennis, au badmington, au golf. Ils n’iront jamais au ski. Ils ne mangeront jamais dans un restaurant gastronomique. Ils n’achèteront jamais un bureau Louis Philippe, une bergère Louis XV, des assiettes Guy Degrenne, des verres Baccarat, ni même un store Habitat. Ils n’assisteront jamais à un concert de musique classique. Ils ne posséderont jamais de leur vie un appartement ou une jolie propriété quelque part en France où finir leurs jours tranquillement. Non, ils ont préféré investir dans des maisons au bled, en ciment, au prix de plusieurs décennies de sacrifices, qui ressemblent vaguement à des cubes et qu’ils appellent des villas. »
- la page 101 : à propos de la jeunesse des quartiers...
" Nous, les petits casseurs et les petits tagueurs de banlieue, qui commettons de petits délits, sommes des feux follets. Nous exprimons un millionième de la violence reçue. Il ne s'agit pas d'accepter. Il ne s'agit pas de justifier. Il faut voir la violence, son origine. Nos vies sont des problèmes qui se mordent la queue : pas de république ? pas de fraternité. Pas de fraternité ? pas d'accueil. Pas d'accueil ? pas d'appartenance. Pas d'appartenance ? pas d'identité. Pas d'identité ? pas de transmission. Pas de transmission ? pas de langage. Pas de langage ? pas d'école. Pas d'école ? pas de formation. Pas de formation ? pas de métier. Pas de métier ? pas d'argent. Pas d'argent ? pas d'appartement. Pas d'appartement ? pas de point de départ. Pas de point de départ ? pas de sens. Pas de sens ? pas de valeurs. Pas de valeurs ? pas de république..."
(*) Stock ? Ils font de bons choix quand même souvent non ? -
Balthaz
un commentaire que j´avais mis sur le sujet referendum en autriche que je trouve bien adapté ici
ça ressemble à une autre campagne de dénigrement des "nonistes" qui seraient donc tous xénophobes, racistes et antisémistes ( forcément), alors que les ouiistes qui dirigent l´europe en construisant un double mur barbelé électrifié de 15 mètres de haut avec plein de petits blitz herrteufel qui veillent à ce que personne ne passent, afin de conserver " les origines chrétiennes de l´europe", eux heureusement ne sont pas xénophobes. ils sont seulement plein de bon sens........
on écrira dans les livres d´histoire : " au XXIe siècle les migrations humaines s´arrêterent définitivement grâce à l´action conjuguée et clairvoyante de notre Guide de la Rupture (que les chinois traduisirent par Shakeqi),et de son ministre de l´immigration et de la race indo-européenne.
nous sommes gouvernés par des gens qui non seulement nous méprisent, mais de surcroit nous insultent, relayés par des Apathie qui reprennent le même de raisonnement. " si tu dis que not´président n´aime pas la France, alors tu es un fachiste. dans toutes les grandes démocraties telles que la tunisie, le fonctionnement est identique. " si tu critiques le gouvernement, alors tu critiques le pays, tu es un ennemi de la nation" pas étonnant que shakeqi en soit un admirateur.
mais shakeqi n´est pas une ordure puisqu´il veut qu´on commémore la shoah.^^
msieur princen , pourriez vous avoir l´amabilité de faire savoir à vot´patron que le conchie, lui et ses sbires. -
Francès Pérance
« Petites et grandes soustractions », un documentaire de Christine Thépénier, documentariste qui « porte essentiellement sur le contrôle insupportable exercé par les institutions sur les personnes bénéficiaires du RMI, souvent déjà en grandes difficultés ». Les travailleurs sociaux savent bien que là aussi les mots ont un sens
Voici l'intervention de "Michel Chauvière, sociologue spécialiste des politiques et pratiques sociales, qui parle de ces nouveaux [s]maux[/s] mots comme "inemployabilité" :Petites et grandes soustractions
Extrait de l'article de Rue89 : Le rmiste, le travailleur social et sa calculatrice -
Djé
[large]Novlangue[/large] - par le moteur de recherche du Monde diplomatique -
Djé
La nouvelle vulgate planétaire par Pierre Bourdieu et Loïc Wacquant. -
Balthaz
encore une question qui me vient à l´esprit.
si seuls sont autorisés à entrer en France ceux qui viennent pour être productifs, que ferons nous des français qui continueront à ne pas l ´être ?
on les expulse ?
ceux qui n´auront pas les moyens d´employer une domestique malgache devront accepter un emploi raisonnable ? -
Balthaz
dans le nouveau lexique herrteufeulien on remplace "dents" par "ADN".
c´est la meveille du progrès technologique. le tri peut se prétendre "scientifique".lorsqu´on aura bientôt découvert le gène du criminel, du pédophile, du fainéant, du grèviste, du gauchiste, du casstoipovcon, (ptit préz nous a annoncé leur découverte prochainement durant la campagne) on pourra enfin peupler la France de gens sains d´esprit qui se lèvent tôt le matin.
Bienvenue chez edvige !!! -
philippe 93
Rien de spécial à dire, si ce n'est que je trouve (comme souvent) votre chronique remarquable car elle remet parfaitement les choses et les mots à leur place.
Pour qu'elle sorte du cercle des Asinaute, je la mèle au 4 vents.
Ah si tout de même, un truc :
je suis étonné que cette commission,comme beaucoup d' autres mises en place par ce gouvernent,
une fois leur job fini ne s'expriment plus, ou très peu. Ne s'expliquent pas.
Or, comme le montre l'émission d'ASI. avec certains membres de la commission dite Copé, ces commissions sont pas mal phagocytées, voire instrumentalisées.
De la à penser que ce ne sont que des cautions pour endormir le populo et les médias (qui franchement sont très promptes à ne pas fouiller).
Là, Brice Hortefeux a pu tranquillement nous faire son petit glissement sémantique sans que les membres de a commissions qui ne sont pas des idiots,
(y avait du lourd), ne protestent ni ne s'en ne s'en émeuvent. Et c'est passé, comme TOUT le reste, comme une lettre à la Poste.
Sans voir e mal partout, une bizarrerie qui peut éclairer les choses : on retrouve Pierre Mazeaud dans le trio arbitral du dossier Tapie/CL.
Bien amicalement -
PensezBiBi
Merci Judith. Oui les mots font les choses. Et un simple déplacement linguistique doit être à examiner avec microscope et jumelles. Judith est le Karl Kraus du XXI ème Siècle ! Pendant ce temps, Walpole, lui, s'est promené du côté de la Clairière des Justes à Thonon Les Bains pour cette Journée contre le Racisme et l'Antisémitisme. Il y avait là des hommes et des femmes de toutes conditions et bien sur nos écharpes tricolores, sous-prefet en tête. Voilà ce que Walpole écrit au final de son article ( "Ce dimanche, Clairière des Justes") :
"Après le morceau musical « Prière de la Vie juive » de Chagall, le Sous-Prefet s’essaya à une lecture historique, mettant l’accent sur la rafle honteuse du Vel’d’Hiv commandée par les politiciens pétainistes et exécutée par la Police française (oubli malheureux du qualificatif de “française“). Il évoqua les différents statuts des juifs qui furent autant de persécutions. «N’acceptons pas d’être les témoins passifs et les complices de l’Inacceptable. Luttons ».
Walpole fut alors pris d’un léger vertige lorsque s’imposèrent à lui les réminiscences des applaudissements très contemporains d’un certain Ministre célébrant les chiffres des expulsés ramenés par ses préfets, indifférent devant les cris des travailleurs africains expulsés des Foyers au petit matin. Attention, Walpole se garde bien de faire un amalgame a-historique et de rabattre les oppressions du moment sur l’Extermination. Mais il retiendra ce mot d’ordre : « Luttons » pendant que la Sonnerie aux Morts et la Marseillaise retentiront dans le calme de la Clairière."
Walpole [http://www.pensezbibi.com] -
Yanne
Bravo Judith pour ce remarquable exercice de décryptage sémantique. J'adore.
J'ai toutefois une grosse remarque sur votre chronique.
C'est le choix de 1984, ce livre qui, pour moi comme pour d'autres @sinautes ainsi que l'indiquent leurs posts, est à l'origine de ma conscience politique.
Je voulais vous faire remarquer que même si on dit que cette oeuvre avait été faite au départ pour critiquer la Grande Bretagne des années 40, Orwell étant anarchiste, j'ai beaucoup de mal à y croire car pour moi, elle est purement et simplement LA critique/analyse du modèle totalitaire sur laquelle il y a lieu de s'interroger. Je vous rappelle comment Hannah Arendt définit le totalitarisme : il s'agit d'un type de système qui est au-delà de la dictature parce que les dictateurs s'attaquent à leurs opposants, mais que les régimes totalitaires s'attaquent aussi aux innocents (Juifs ou homosexuels pour les nazis, koulaks pour le stalinisme, intellectuels ou porteurs de lunettes pour les Khmers Rouges....) . C'est un système où l'être humain n'est jamais en sécurité et donc doit se soumettre sans savoir ce qu'on pourrait lui reprocher. Il est une victime déshumanisée.
Si Big Brother vous regarde, c'est que n'importe quel comportement peut devenir déviant et faire de vous un ennemi du système à votre corps défendant. Dans sa cellule où il est enfermé au début de son emprisonnement, le héros de 1984 se retrouve avec comme compagnon d'infortune un fana du régime qui a été dénoncé par son fils parce qu'il disait dans son sommeil du mal de Big Brother.
Quant à la Novlangue, elle est un système de réduction maximale des mots et des concepts. C'est clairement expliqué par le promoteur de cette langue, ami du héros, qui lui aussi disparaîtra dans le précipice totalitaire parce qu'il pense trop, même s'il est en faveur du régime et de son système.
Or la Novlanque de Brice Hortefeux, c'est tout le contraire : même si on noie le poisson, on va vers l'accumulation des termes de la langue. La Novlangue orwellienne va vers la diminution du nombre de mots et du nombre de concepts, la Novlangue Hortefeux ouvre sur une expansion continue. A l'image du capitalisme qui va vers l'expansion continue et de la croissance et des territoires conquis (la mondialisation) et de la richesse (la financiarisation ou globalisation). Le système trouvera sa limite dans l'épuisement des ressources et des territoires à conquérir, et dans les krachs boursiers qui vont s'ensuivre, mais nous n'y sommes pas encore tout-à-fait, seulement aux premiers soubresauts. Par contre, les processus totalitaires et de dictature sont des limitations, et de la langue, et de la société.
En tout état de cause, il est à mon sens faux de penser que 1984 a un rapport avec ce qui nous arrive. Que la manipulation de la langue soit à l'origine même du pouvoir, je n'en disconviens pas, et ce brillant opus d'Orwell le démontre admirablement. Mais la démonstration s'arrête là. Je pense que Jean-Pierre Le Goff a raison de dire que le phénomène auquel nous devons faire face est d'une toute autre nature que le totalitarisme ou même l'autoritarisme, même s'il y a emprunt à d'autres systèmes d'asservissement, dont le totalitarisme.
Quoi ? C'est très difficile à définir. Mais je dirais qu'une première piste serait celui de l'expansion pure du pouvoir, évidemment celui des dominants. J'emploie dominants dans le sens éthologique et politique du terme, pas dans le sens marxiste. Par exemple, en plus de la dimension de la financiarisation et de la mondialisation comme accumulation, on constate que notre type de société voit une autre sorte d'expansion, c'est celle des droits des minorités (raciales, religieuses ou sexuelles........). Tant mieux pour elles, mais n'est-ce pas aussi quelque chose à interpréter comme une expansion du droit à la jouissance cher aux soixante-huitards (Jouissez sans entraves), avant tout au plaisir des dominants et de leurs affidés ? Cf toute une série de comportements bling bling à la tête de l'état en France. Ou les USA qui font la guerre en Irak dans l'intérêt de leurs multinationales, ce qui à terme provoque des problèmes politiques considérables. Ou quand on voit ces dirigeants occidentaux baver sur le modèle chinois qui a réussi la quadrature du cercle : une dictature efficace communiste avec le droit à la jouissance de ses dirigeants, ce qui n'était pas le cas des dictateurs soviétiques qui pour justifier leur domination étaient obligés de se serrer la ceinture et ne pouvaient vivre comme des milliardaires.
Cette accumulation du pouvoir serait géographique, sociale, politique, économique, financière et sur les plan politique et économique, ce pouvoir nous est confisqué, à nous, dominés des états dominants.
Ce serait simplement cela. Rien d'autre. Et cette expansion du pouvoir se ferait par des manipulations de masse qui n'existaient pas à l'époque d'Orwell. La différence entre la langue d'acier et la langue de coton, par exemple la Novlangue dite Hortefeux.
Et les promoteurs de cette novlangue et de ces manipulations de masse, que sont les Spin Doctors, profitent aussi du système. Ils ne "disparaissent" pas à la mode chilienne un jour comme dans 1984 mais vivent de rentes bien grasses.
Moi j'emporterais plutôt comme livres de plage les oeuvres de Noam Chomsky et de Marcel Gauchet, "L'Industrie du Mensonge : lobbying, communication, publicité et médias" de John Stauber et Sheldon Rampton, aux éditions Agone, "La Démocratie Post-totalitaire" de Jean Pierre Le Goff Editions La Découverte. Et le must : "Propos sur le champ Politique" de Bourdieu (hard si c'est votre premier bouquin de sociologie, mais très instructif sur le rôle des journalistes dans le champ politique).
Et tant qu'à faire, pour connaître la mentalité de ses ennemis (ne donnez pas d'argent, prenez-le à la bibliothèque,) "La Fin de la Démocratie" de Jean-Marie Guéhenno chez Flammarion.
Et je ne résiste pas au plaisir de redonner la conclusion de "L'Industrie du Mensonge" :
"Les lobbyings nous ont volé nos rêves et nous les ont rendus sous forme d'illusions. Il est de notre devoir de rêver plus fort, et de faire tout ce qui est en notre pouvoir, chacun à notre niveau, pour transformer ces rêves en réalité" -
Damien (dit le Farfadet)
Je vais tomber légèrement dans le hors sujet mais cela m'évoque une réflexion dans laquelle je m'embourbe en ce moment et tenter de la nommer, de la partager contribuera à me la rendre plus claire...
J'ai la sensation que le pouvoir en occident est désormais rationnel sous toutes ses formes. Ce qui ne signifie pas qu'il n'est esclave d'aucune morale, d'aucun préjugé social et qu'il ne serait issu que d'une pure intellectualité éclairée, rêve de nos chères Lumières. Bien au contraire, il est rationnel dans sa forme, dans ses procédés, dans sa légitimation, non dans ses intentions. Il est industriel, à l'image de notre société, chronométré, réglé comme une horloge, avec peu ou pas de pauses, champ de bataille constant où le repos est faiblesse parce que brèche offerte aux opportunistes.
Il est amusant de prendre un exemple simple : comment en sommes-nous venus à séparer les théoriciens de la politique et ses techniciens ? Car à gauche ou à droite, ceux que l'on nous présente comme meneurs ne sont nullement des têtes pensantes, ils sont techniciens d'un des aspects du pouvoir politique, lui-même étant un aspect du pouvoir sociétaire. Sarkozy n'a rien inventé, et ce n'est qu'un exemple.
Cette idée du pouvoir rationnel n'est pas neuve, me dira-t-on, et on aura bien raison. Pourtant je trouve surprenant qu'après l'avoir tellement rabâché, sous une forme ou une autre, aucune solution ne s'applique véritablement en contre pouvoir depuis les deux derniers siècles. Et c'est sur ce point que je commence à échafauder une hypothèse : la nature même rationnelle du pouvoir fait qu'une critique elle-même rationnelle ne peut le contrer. C'est concrètement comme une course à l'armement : il faut sans cesse s'armer plus que l'autre, avoir plus d'arguments, plus de preuves, plus de témoins, de techniciens pour la cause, etc. Les querelles scientifiques quant aux nouvelles technologies en sont une facette et un exemple assez clair quant aux processus employés. Prenez les OGM, ou encore les portables. De loin ça ressemble à une gabegie où tout le monde se tape dessus à coups de paradigmes expérimentaux dans la gueule. Mais de plus près on peut constater des enjeux, des sources, des certitudes, etc. Au final, le camp qui gagne la bataille est le plus nombreux. Ca peut être simplement pour des causes médiatiques, c'est le cas des portables et des OGM. Mais ces deux exemples ne sont que la partie émergée de l'iceberg. Sachez que la majorité des arguments médiatiques employés dans ces deux cas existent pour l'essentiel depuis 10 ans quand ce n'est pas plus (20 ans pour les OGM).
Ca, c'est concrètement une banale guerre de tranchées : deux positions relativement figées par les médias (qui vulgarisent le problème en quelque chose de binaire, pour ou contre) où l'opinion publique la mieux manipulée tranchera. C'est une guerre longue, ça se joue à l'épuisement des théories (avec parfois des couches successives de théories, c'était le cas de l'invasion de l'Irak avec l'opinion publique états-unienne).
Par conséquent on peut remonter un peu plus haut : les usines à production d'arguments. Ce sont des mécanismes de rationalité, la raison qui se bât contre elle-même. Tout se joue sur la logique des discours, scientifiques, techniques, langue de bois, etc. On les trouve dans les entreprises, les commissions parlementaires, il fut un temps ou les syndicats en produisaient (maintenant c'est un peu plus restreint), etc.
Et il y a aussi des stratèges. Ils existent pour les médias, ce sont ceux que l'on observe le plus facilement. Leur fonction relève de la gestion de l'armement en fonction des fragilités de l'adversaire, de ses forces également. Leur action est ciblée, localisée, avec souvent un but précis derrière. Mais ils ne sont pas les seuls. Il y a les stratèges de la reconnaissance, qui eux vont tâter le terrain, voir où on en est sur une question précise, comprendre pourquoi tel phénomène a lieu sans qu'on ait pu le prévoir. Et nécessairement il y a l'autre facette, les think-tanks, les spécialistes de la prévision, ceux dont le but est de prévoir les évolutions. Par exemple, c'est devenu une évidence depuis 2002 que la gauche française a littéralement épuisé toutes ses ressources rationnelles durant les 30 dernières années. Plus d'idées, plus de représentants de ces idées, plus de lieux de production de ces idées, plus d'institutions permettant de centraliser ces idées pour en planifier l'usage, etc.
Une bataille idéologique parmi d'autres, donc, qui a été perdue. Mais dans une ère d'économie, il semble d'autant plus évident que ces guerres rationnelles sont nourries par une économie, elle-même rationnelle, industrielle, technique, qui vient nourrir cette production de concepts, voire qui vient parasiter la production de concepts potentiellement antagoniques (l'éducation et les médias sont des aspects majeurs sur cette question).
Tout cela pour me questionner simplement : peut-on vaincre une rationalité dominante par la rationalité ? Seulement si je parle de rationalité "dominante", je sous-entends nécessairement qu'il y a d'autres rationalités "opprimées" ou à une rationalité plus générale incluant des valeurs éthiques précises etc. Cela pourrait vouloir dire qu'après tout, c'est une simple lutte pour avoir raison, en supposant qu'avoir raison donnera accès à l'autorité sur les autres (ça me rappelle vaguement la chronique de Judith sur l'intervention radiophonique de Fillon).
Cependant je ne peux pas m'en tenir à une conclusion de ce type : ça ressemble précisément à la conception marxiste, avec un rapport dominant/dominé systématique. Or ce que proposaient Marx et Engels pour rééquilibrer la lutte, c'est de permettre au prolétaire (qui n'est pas l'ouvrier d'ailleurs mais n'importe quel travailleur dont le savoir est passé dans la machine, donc ça peut être un médecin aujourd'hui) c'est donc de permettre au prolétaire de compenser la perte de son savoir par un autre savoir, sur la société elle-même, sur la situation dans laquelle il se trouve, lui donner donc les armes pour s'en sortir. C'est exactement ce que je décrivais : combattre un champ de rationalité par un autre champ de rationalité, théorie contre théorie, discours contre discours.
Or, comme je le décrivais plus haut, cela ne donne rien d'autre qu'une course à l'armement rationnel, à ce jeu-là, l'industrie gagne toujours sur l'individu qui ne suit pas l'industrie, qui n'en est ni l'esclave ni le bénéficiaire. Donc un problème conséquent, comment sortir de ce cercle vicieux ? Entre accepter l'asservissement par la raison (et l'obéissance à ce qu'on nous présente comme raison) et prendre le parti du refus - qui a pour conséquence la marginalisation ou le conflit avec toujours un train de retard (ce qui revient toujours à perdre si l'adversaire ne fait pas d'erreur stupide, car la mécanique est aujourd'hui bien huilée) - comment ne pas être absorbé, comment avoir une prise, une poids, bref comment influencer la société autant qu'elle tend à nous influencer? Comment participer à sa construction (et donc n'être pas un simple matériau à son auto-expansion)?
Est-il possible de sortir de cette guerre des rationalités en passant par autre chose que la rationalité? Il me vient une réponse évidente : la spiritualité, avec son corolaire massif qu'est la religion. C'est une réponse ancienne et elle marche encore bien... Quoi d'autre?
On peut poser d'autre questions d'ailleurs. Toujours en admettant cette guerre des rationalités, quelles positions peut-on y prendre ? Comment faut-il la juger? Qu'est-ce qui fonde cette légitimité de la rationalité? Qui en sont les véritables responsables (en supposant donc qu'il y ait des responsables encore vivants, ce qui reste à prouver...)?
Et après tout, comme le sous-entend ce passage de 1984, ce fonctionnement rationnel, cette pensée non-pensée, cette conscience devenue inconsciente ne traduit-elle pas simplement la venue de l'automatisme? On peut se considérer comme rouages d'un mécanisme organique qui s'auto-génère, un pur agencement ancestral dont la pensée est rendue inaccessible ni par les règles ni même par les discours mais précisément par le temps. Cette époque où un interrupteur imaginaire (curieux terme que celui d'"interrupteur" pour décrire ce cercle de l'automatisme) aurait été enclenché, entrainant les générations futures dans un mouvement ni compris ni accepté mais fondamentalement appliqué.
C'est la vision quelque peu technophobique qu'a colporté le cyber-punk depuis sa création (Matrix à cet effet n'a précisément rien inventé), celle de la société automatique où la seule question devient le camp que l'on choisit, tout en sachant pertinemment que plus aucune cause n'est juste parce que la justice elle-même n'a plus le sens traditionnel qui lui a donné corps tout au long de l'histoire. C'est une ère curieuse où le système rend esclave par l'apparente relativité des systèmes : où que tu es il y a un pouvoir, la seule que tu choisis devient alors l'esthétique que tu attaches à ton existence, parce que ni la liberté ni une quelconque conception métaphysique ne peut plus avoir de sens désormais.
Nécessairement, après une telle description, il semble difficile de rattacher un tel discours à notre réalité actuelle. Mais comme disait Foucault lui-même au sujet des formes de pouvoir : "C'est à la condition de masquer une part importante de lui-même que le pouvoir est tolérable. Sa réussite est en proportion de ce qu'il parvient à cacher de ses mécanismes. Le pouvoir serait-il accepté s'il était entièrement cynique? Le secret n'est pas pour lui de l'ordre de l'abus; il est indispensable à son fonctionnement. Et non pas seulement parce qu'il l'impose à ceux qu'il soumet, mais peut-être parce qu'il est à ceux-ci tout aussi indispensable : l'accepteraient-ils, s'il n'y voyaient une simple limite posée à leur désir, laissant valoir une part intacte - même si elle est réduite - de liberté? Le pouvoir, comme pure limite tracée à la liberté, c'est, dans notre société au moins, la forme générale de son acceptabilité." Michel Foucault, Histoire de la sexualité, tome 1 La volonté de savoir, chap. IV Le dispositif de la sexualité, 1. Enjeu, 1976, p. 113-114, ed. Gallimard.
Au fond, c'est peut-être là la solution aux guerres de rationalité, comprendre et non plus savoir, être sage plutôt que puissant. Ou peut-être n'est-ce que le rêve de l'esclave. -
Laurent Jutier
Eh oui, la manimulation par le langage ne date pas d'hier. Un autre petit exemple qui me semble à propos : les membres d'une commission chargée de réfléchir sur la constitution s'appellent des sages. Pierre Mazeaud, ancien président du conseil constitutionnel, en sait quelque chose, puisqu'on ne dit pas : conseil dont les membres sont nommés par les 3 plus hautes autorités de l'état (présidents respectivement de la République, du Sénat et de l'Assemblée nationale),
mais plus simplement "conseil des sages". Il ne perd donc pas son statut, avec cette nouvelle "commission de sages".
c'est tout de même bien fait, même libé s'y laisse prendre : http://www.liberation.fr/actualite/societe/337340.FR.php
et là je ne comprends plus : cet article dit le contraire de ce que je viens de lire sur @si ... ah mais non, c'est juste qu'il prend pour un détail les quelques nuances apportées par la commission.
alors du coup je suis allé voir sur http://www.espace.asso.fr/special/mazo_doc.htm
où il y a le texte de la commission. C'est 159 pages, et si on lit en diagonale, ça a l'air vraiment bien et rassurant. Par exemple :
"Ces droits constitutionnels – droit à une vie familiale normale, liberté du mariage - ne
peuvent être niés parce qu’un contingent est saturé en cours d’année."
Pas bête donc : noyer les informations gênantes ! Car après avoir lu ça, on n'a plus trop envie d'être contre la commission, et inconsciemment on va pouvoir passer l'éponge plus facilement. Voilà je pense la plus grande force de ce rapport !
Just for fun : le petit passage novlangue dont il est question dans la rubrique de Judith Bernard, auquel je rajoute ce qu'il y a un peu avant et un peu après
"Au regard du principe d’égalité (principe de nature à la fois constitutionnelle et
conventionnelle), les contingents par pays ou par régions d’origine ne sont justifiés que par
l’intérêt commun du pays d’accueil et du pays d’origine. Il doit s’agir d’un pacte « gagnant
gagnant » dans la perspective du retour."
[...]
" Ainsi comprise, la politique des quotas n’a plus guère à voir avec cette fixation
unilatérale et opportuniste de contingents d’entrées que l’on sous-entend en parlant de quotas.
Elle consiste à lier la question des flux migratoires et celle du développement des pays
d’origine dans une perspective du « co-développement »."
Dans la suite, c'est souvent l'histoire du co-développement qui revient. Une bien belle idée qu'il reste encore à définir, mais pas besoin de la définir si clairement pour justifier un contingent par-ci par-là. Je suis vraiment très impressionné de voir que l'on peut écrire un texte aux apparences humanistes tout en laissant un tel champ libre. Chapeau ! -
Citizen Jane
Merci pour votre brillant article, Judith.
J'ai travaillé sur Orwell et je ne me lasse pas d'en parler sur ce site. Cette fois, vous me tendez la perche, et c'est très tentant...
Mais non. Je vais parler d'une chose plus légère, qui illustre aussi votre propos.
Dans un épisode des Simpson, un scientifique permet à Bart et Lisa d'avoir un aperçu de leur avenir. Ils sont adultes, et Lisa Simpson n'est autre que... présidente des Etats Unis. Elle doit prononcer un discours à la télévision. Les temps sont durs, et elle doit imposer aux américains un nouvel impôt. Elle appelle cela "une dette citoyenne", preuve de solidarité à la nation américaine et à son peuple. On voit les personnages du bar de Moe applaudir cette initiative. Ils aiment tous cette idée de dette citoyenne. Mais Bart intervient en direct pendant le discours de sa soeur, et lance : "Alors Lisa, tu leur as parlé de ce nouvel impôt ?" La caméra tourne toujours, et Lisa a un sourire gêné. Les hommes accoudés au bar changent de ton, et insultent la jeune présidente dont ils venaient de faire l'éloge.
Vous voyez bien. Ce n'est pas un nouvel impôt: c'est une dette citoyenne.
Ce n'est pas un quota: c'est un objectif chiffré.
Ce n'est pas le Ministère de la torture, mais de l'amour.
Merci Judith, de nous rappeler que le roi est nu. Orwell, lui, nous dirait, dans sa causticité anglaise :
"Navré de vous le dire : je vous avais prévenus." -
jigé
Merci pour ce magnifique article! Comme David F, j'ai froid dans le dos en voyant ce ministre...
Je n'ai qu'un regret, c'est que @SI ne nous offre qu'UN de vos jolis yeux, alors qu'il nous gratifie de DEUX yeux (bovins) de B.H ! -
Patrice Guyot
Vichy, l'Hôtel du Parc, quelle jolie époque...
Le Maréchal parcourant benoîtement les allées avec sa canne emblématique,
Il eût été criminel (c'est curieux comme ce mot trouve sa place ici...) de ne pas la faire revivre, cette époque bénie !
Brice Hortefeux (je n'ai pas dit "Croix de Feu") s'y emploie avec un talent qui force l'admiration...
Ne boudons pas notre plaisir, quoi de plus réjouissant qu'un sale étranger qui franchit la frontière dans le bon sens ?
Et dire que si 53% des Français n'avaient pas voté Sarkozy nous aurions été privés de ce plaisir délicat !
A quoi tiennent les choses, c'est pas croyable !
*** -
Balthaz
ils ont pensé à fermer les frontières dans les DEUX sens ? ( je travaille avec français d'origine marocaine qui en avait marre d'être un étranger en France et au Maroc, alors tant qu'à être un étranger, il est venu en Espagne) -
David F
Merci pour ce bel article très complet.
Je passe un peu à côté du sujet et c'est pas gentil de critiquer le physique des gens, mais moi, il me fait peur Hortefeux... Je crois dur comme fer que la pensée profonde de toute personne peut se lire sur son visage ( plus ou moins facilement ), et pour lui, franchement... j'en claque des dents.