Vis ma vie déconnectée avec Envoyé spécial

Sherlock Com' - - Plateau télé - 44 commentaires

Allez, on plaque tout : le job, l’appart, la bagnole, le smartphone et on va aller cuisiner des pissenlits dans la Creuse. Ça peut vous paraître un peu précipité, mais à force de regarder France 2, ça nous pendait au nez. Chaque semaine, depuis la rentrée, Envoyé Spécial propose à ses téléspectateurs de changer de vie, notamment grâce à sa série "Ma vie sans". "Sans smartphone", "sans voiture". Des sujets dans l’air du temps mais qui ont un autre point commun : ils répondent à un cahier des charges bien précis. Fini l’enquête au long cours, les mises en perspectives chiffrées et les reportages sur les enjeux de société : place désormais aux sujets de proximité, "concernants", où la mise en scène artificielle prend le pas sur l’info. Un virage éditorial qui porte le nom de "nouvelles écritures". A déguster avec du popcorn.

Si vous vous rendez encore au travail en voiture, avec le GPS de votre smartphone pour rejoindre votre bureau dans une métropole, c’est que vous ne regardez pas France 2. "Pour de nombreux Français, la crise du coronavirus a été un révélateur mais pour certains d’entre eux, elle a aussi été un détonateur. Ras-le-bol des grandes villes, de la foule, du bruit, des embouteillages. On a envie d’espace, de verdure, de grand air. Alors certains citadins ont sauté le pas. Direction la Provence ou le Cantal, avec la promesse d’une vie plus saine, plus agréable, plus tranquille", nous explique Elise Lucet dès le premier numéro de rentrée d’Envoyé Spécial.

Et c’est très facile de tout plaquer, ou presque.

Guillaume, par exemple, il lui a juste fallu "un été pour changer de vie".

La semaine d’après, Séverine a renoncé à son smartphone.

Le 17 septembre, Xavier a délaissé sa Porsche pour enfourcher son vélo...

Bref, depuis la rentrée, tout le monde a pris de bonnes résolutions dans Envoyé Spécial en repensant son mode de vie. À l’air libre, histoire de retrouver les vraies valeurs. Si certains ont fait la démarche par eux-mêmes, d’autres ont eu besoin qu’on leur prenne la main.

Expérience en laboratoire

Pour aider Séverine, "une mère de famille de 42 ans", à se désintoxiquer du smartphone, Envoyé Spécial a dépêché un journaliste chez elle pour tenter une expérience.

Il lui a demandé de ranger son téléphone dans une petite boite pendant 15 jours.

C’était nécessaire d’intervenir, car Séverine, notre cobaye de laboratoire, était une vraie accro. Elle le consultait tout le temps. Rendez-vous compte, elle l'utilisait même pour lire ses mails et consulter Facebook.

L’expérience n’a pas été facile tous les jours, notre cobaye a vécu le pire sans son smartphone et sans réseaux sociaux (c’est écrit sur les bandeaux).

Mais elle a retrouvé les vraies valeurs. "Pour sa première journée sans smartphone, Séverine a repris d'anciennes habitudes"Comme prendre un plan papier pour se déplacer…

Ou utiliser un vrai appareil photo qui fait clic clac...

"Depuis qu'elle a les mains libres, Séverine lève davantage les yeux", conclue le professeur voix off, dont l'analyse et l'expertise ne cessent de nous épater.

Et ce n'est que le début. Car après avoir pris exemple sur madame cobaye et délaissé le smartphone, passons à la voiture.

Un cobaye sans bagnole

Le 17 septembre, Envoyé Spécial est venu en aide à Xavier, qui ose encore prendre son véhicule pour aller au boulot.

Pour l’aider, France 2 n’a pas pu mettre son petit joujou dans une boîte à chaussures avec le logo de l’émission, mais elle a organisé une rencontre avec Jean-Marc, qui se rend au boulot à vélo.

Les rencontres de deux contraires, c’est le nouveau filon d’Envoyé Spécial. L’année dernière, pour traiter des nouveaux modes de consommation, France 2 n’avait rien trouvé de mieux que piquer un vieux concept de M6, On a échangé nos mamans. Une immersion de deux mères de famille dans le quotidien de l’autre. L’une était accro aux supermarchés et l’autre était tendance compost et toilettes sèches.

Pour questionner les moyens de transport en ville, Envoyé Spécial a donc reproduit le même dispositif. “Xavier et Jean-Marc, c’est la rencontre de deux mondes. Deux visions de la liberté. L’un, au grand air. L’autre, dans le cocon de l’habitacle”, nous explique la voix off en introduction.

Oui, l’équipe de Lucet a bien travaillé son casting. Car Xavier n’est pas qu’un simple salarié qui prend sa voiture pour aller au bureau, c’est un passionné de bagnole.

Jean-Marc, lui, n’est pas simplement un cycliste, c’est un militant engagé dans une association pour inciter les salariés à abandonner leur voiture. Le week-end, il aime dévisser/revisser ses pédales et graisser sa chaîne.

Tout les oppose donc, et c’est pour ça que France 2 les a choisis. Le reportage va se faire rencontrer ces contraires. L’automobiliste va partager sa passion avec le cycliste…

Mais bon, la voiture, ça fait du bruit...

De son côté, le cycliste va montrer à l’automobiliste qu’on peut aller au boulot à vélo :

Tout ça sous l’œil des caméras de France 2, qui a explosé son budget avec la mobilisation d'une équipe de tournage, un drone, et des GoPro.

Des "nouvelles écritures" et peu de fond

Une expérience de labo "Ma vie sans", une rencontre "Vis ma vie", ce sont les fameuses "nouvelles écritures" d’Envoyé Spécial évoquées sur France inter en 2019.  Interrogée par Le Figaro sur ces nouveaux formats, Lucet expliquait que c’était une manière pour Envoyé Spécial de se "démarquer de tous les autres magazines d’information à travers [ses] sujets, [ses] enquêtes et [sa] proximité avec les Français. Cette proximité est très importante pour bien comprendre ce qu’ils vivent."

Le maître-mot, c’est la proximité. Voilà pourquoi Lucet commence désormais ses émissions par un micro-trottoir. Pour introduire le sujet "sans smartphone", elle a interrogé des passants avec un téléphone à la main…

Même volonté de proximité avec le sujet vélo. Pour son lancement, Lucet était en direct sur sa selle…

Et elle conclut le sujet avec...

Du micro-trottoir, des sujets "concernants", proches des gens, c’est donc ça, les nouvelles écritures. Mais avec quel résultat journalistique ?

Prenons par exemple le sujet "Vélo vs voiture". Tout est centré sur la rencontre de profils opposés et le ressenti de l’automobiliste et du cycliste. Résultat de l’expérience ? L’automobiliste est souvent pris dans les bouchons, le cycliste va plus vite en centre-ville mais galère dès qu’il se rend en périphérie, là où les pistes cyclables font défaut.

Rien de bouleversant en terme d’information. Les échanges entre eux ne volent pas beaucoup plus haut. "On ne peut pas continuer, on va dans le mur (...). On ne peut pas continuer perpétuellement à créer des routes pour ces véhicules de plus en plus gros", constate le cycliste. "Actuellement, dans la société, le vilain petit canard, c’est moi. Je trouve que la critique est un peu facile alors que ça fait quand même des années qu’on nous a conditionné à être mobile, à utiliser la voiture et à travailler de plus en plus loin", réplique l’automobiliste. Et… c’est tout.

Aucune info, aucune mise en perspective. Par exemple, quand le cycliste manque de se faire écraser à un rond-point ou sur une voie non protégée, la voix off se contente d’indiquer que "les aménagements vélo font cruellement défaut". Ah bon, pourquoi ? Quid de la politique des transports à Toulouse ? De la construction des pistes cyclables ? Et qu'est-ce qui détermine le mode de transport d'un individu Le maillage de transports en commun ? Les aides à l’achat d’un vélo ? La prime à la conversion ? Le téléspectateur n’en saura rien car la question des politiques publiques est totalement absente. Nos deux copains sont simplement renvoyés à leur choix individuel.

Plus proche des gens, moins proche de l’info, et pour un coût de production sans doute moins élevé. Voilà comment on pourrait résumer ces nouvelles écritures d’Envoyé Spécial. Il n’y a pas si longtemps, le magazine savait faire autrement. En mai 2018 par exemple, pour son sujet "Autos, motos, vélos : le champ de bataille", les journalistes à l’ancienne écriture avait enquêté à Paris, Strasbourg et Zurich. Ils avaient interrogé sept personnes pour alimenter leur reportage (un youtubeur qui filme les auteurs d’infractions, un cycliste professionnel engagé, un chercheur à Zurich pour commenter une étude faite en Suisse sur le comportement des cyclistes, etc).

Le tout agrémenté de statistiques pour mettre en perspective les différences locales en matière d’aménagement des pistes cyclables.

Plus informatif mais forcément moins rigolo que "les nouvelles écritures".

Devenez stagiaire “Nouvelles écritures” sur France 2

Vous avez compris le principe ? Alors maintenant, on va nous aussi tenter une petite expérience afin de vous faire gagner un stage "nouvelles écritures" à France 2.

1) Si vous deviez faire un sujet Vegan vs Viandard, quel lancement choisiriez-vous ?

a- Lucet dans une boucherie avec des clients

b- Lucet dans une prairie avec des brebis

c- Lucet en train de cuire un steak vegan

Et la réponse est…

2) Si vous deviez choisir un viandard, quel pourrait être son nom ?

a- Jean-Michel Agneau

b- Romain Leboeuf

c- Gérard Leveau

Et la réponse est...

3) Si ce viandard avait une voiture, que pourrait-on lui offrir ?

a- un porte-clé cochon

b- des housses en peau de vache

c- des pare-soleils Cochonou

Et la réponse est…

Si vous avez tout bon, vous pouvez envoyer votre CV @EliseLucet, vous êtes prêt.e.s pour les nouvelles écritures. Nous, avant de tout plaquer, on va peut-être encore un peu réfléchir. A dans quinze jours donc !

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